Perturbateurs endocriniens : peut-on diminuer notre exposition ?

Nos expositions à des perturbateurs endocriniens – des substances capables d’interagir avec notre système hormonal et d’altérer son fonctionnement – sont nombreuses, variées et semblent difficiles à maîtriser. À l’Institut pour l’avancée des biosciences à La Tronche, près de Grenoble, une équipe Inserm conduit une étude qui permettra de savoir si la modification de nos habitudes de consommation peut permettre de réduire nos expositions. Les chercheurs ont choisi d’étudier le cas des produits cosmétiques : savon, shampoing, déodorant, crèmes, dentifrice…

Un reportage à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°57

Une jeune femme, Ksenija, dans son appartement, assise face à une table basse sur laquelle sont étalés de nombreux tubes, pots et flacons de produits cosmétiques.

Dans sa chambre d’étudiante, Ksenija observe silencieusement les produits cosmétiques étalés devant elle. Elle l’ignore peut-être, mais ces derniers contiennent potentiellement des perturbateurs endocriniens comme des phtalates, des phénols ou des éthers de glycol. Derrière ces noms barbares se cachent des composés nocifs pour l’organisme. Ils sont utilisés comme plastifiants ou conservateurs dans certains produits de soins et de beauté, et sont soupçonnés d’influencer la croissance, le neurodéveloppement, ou encore la fertilité. Alors peut-on réduire son exposition à ces substances toxiques ? C’est ce que veulent savoir des chercheurs de l’Inserm à l’Institut pour l’avancée des biosciences à La Tronche près de Grenoble. Ils demandent à des jeunes femmes volontaires comme Ksenija d’arrêter d’utiliser leurs produits cosmétiques durant cinq jours. En parallèle, toutes leurs urines sont prélevées puis analysées pour connaître leur taux de perturbateurs endocriniens. Ces derniers ont une durée de vie très courte et sont éliminés rapidement après leur absorption dans le corps. Tout l’enjeu de l’étude d’intervention est de savoir si l’on peut diminuer son exposition à ces composés chimiques en modifiant ses habitudes de consommation. Et, in fine, donner des recommandations à celles et ceux qui souhaitent protéger leur santé.

Deux jeunes femmes travaillent ensemble dans un bureau, face à un écran d’ordinateur portable.

Claire Philippat (à droite), chercheuse Inserm, et Sarah Lyon-Caen (à gauche), ingénieure de recherche Inserm, co-pilotent l’étude Ireco (Intervention pour réduire l’exposition aux contaminants environnementaux). C’est la première étude d’intervention sur les perturbateurs endocriniens réalisée en France.

Malorie Graça (à gauche) recrute des volontaires pour participer à l’étude. Ce sont les jeunes femmes qui sont visées. Le but est de modifier leur exposition avant une éventuelle grossesse, car les perturbateurs endocriniens sont soupçonnés d’interférer avec le développement du fœtus.

Une jeune femme donne des explications sur le contenu d’un dépliant d’information à une autre jeune femme.
Ksenija et deux femmes, toutes les trois autour de la table basse de l'étudiante.

Ksenija vient de passer cinq jours sans utiliser ses produits cosmétiques habituels. Les attachées de recherche clinique Joane Quentin (à gauche) et Valentine Socquet (au centre) lui rendent visite. Elles s’assurent que la volontaire a bien suivi le protocole et réussi à utiliser l’application mobile.

Durant la phase d’intervention, la volontaire se voit remettre des produits de substitution qui ne contiennent pas les produits chimiques recherchés dans l’étude, ainsi qu’un téléphone avec une application sur laquelle elle doit renseigner l’heure de chaque utilisation des produits ainsi que les autres sources d’exposition potentielle comme l’alimentation.

Une prise de sang est réalisée avant et après la phase d’intervention. Si les niveaux de perturbateurs endocriniens dosés dans les urines diminuent pendant celle-ci, ces prises de sang permettent d’évaluer si la santé est elle aussi affectée.

Ksenija remet Joane Quentin une boîte qui contient de nombreux flacons dans lesquels elle a recueilli ses urines.

Ksenija a récolté toutes ses urines avant et pendant la période de cinq jours sans produits cosmétiques. Le nombre important d’échantillons d’urine permet de bien suivre les variations du niveau de perturbateurs endocriniens dans l’organisme au cours d’une même journée.

Les échantillons d’urine des volontaires sont stockés à ‑80 °C au centre de ressources biologiques du CHU Grenoble Alpes. En tout, 6 000 échantillons de sang et d’urine seront conservés avant d’être analysés.

Une main gantée sort une boîte en carton d’un tiroir de congélateur de laboratoire.
Un homme pointe du doigt un graphique affiché sur son écran d’ordinateur

Les premières données issues de l’étude pilote sont analysées par Nicolas Jovanovic, doctorant en épidémiologie à l’Institut pour l’avancée des biosciences.

Deux femmes se font face autour d’une table de réunion .

Abigaël (à gauche) vient d’achever sa participation à l’étude. La sociologue Maria Belen-Ojeda (à droite) évalue ses connaissances sur les perturbateurs endocriniens et sa volonté de limiter son exposition à ces produits chimiques. Ce volet sociologique réalisé avec une équipe multidisciplinaire est l’une des originalités de l’étude.

En tout, une centaine de volontaires sera recrutée pour l’étude Ireco. Les urines seront analysées courant 2024 et révéleront si oui ou non la diminution de l’utilisation de certains produits cosmétiques permet de réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

Un reportage réalisé à l’Institut pour l’avancée des biosciences (unité Inserm 1209/Université Grenoble Alpes/CNRS), avec l’équipe Épidémiologie environnementale appliquée au développement et à la santé respiratoire.

Photos : Inserm/François Guénet
Texte : L. A.

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