Maladies neurodégénératives : traquer Alzheimer et Parkinson dans les intestins

À peine une cour sépare le CHU de Nantes du laboratoire TENS. Quelques mètres que franchissent les équipes de Pascal Derkinderen et de Moustapha Cissé lorsque leurs confrères réalisent une biopsie du côlon, ou pour aller à la rencontre des patients. Car la recherche menée par le laboratoire a une visée clinique : tracer les liens entre maladies neurodégénératives et système nerveux entérique, pour mieux comprendre si des troubles gastro-intestinaux peuvent servir de marqueurs précoces.

Un reportage à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°56

Un chercheur dépose un échantillon, à l’aide d’une pipette automatique, dans un appareil d'allure complexe, pour mesurer sa perméabilité.
Thibauld Oullier, ingénieur d’études au laboratoire TENS (unité 1235 Inserm/Nantes Université) ©Inserm/François Guénet

Côté Parkinson, il est admis depuis les années 1980 que les mêmes lésions peuvent se retrouver sur les neurones digestifs et les neurones centraux chez certains malades. En 2003, l’Allemand Heiko Braak a proposé une théorie hautement débattue : et si la maladie se déclenchait d’abord dans les neurones digestifs avant de gagner le cerveau ? Chez certains malades d’Alzheimer, la présence dans les intestins de dépôts de peptides bêta-amyloïdes, signe de la maladie dans le cerveau, interroge. S’agirait-il d’un marqueur précoce, dans une zone plus facile à observer ? Plus que jamais, les relations entre ventre et cerveau font l’objet d’une recherche intensive.

Laurène Leclair-Visonneau et Pascal Derkinderen

Laurène Leclair-Visonneau et Pascal Derkinderen mènent l’étude IBIM-Park, qui s’intéresse au rôle de l’inflammation et des modifications de la barrière épithéliale intestinale dans la maladie de Parkinson. Ils cherchent à savoir si cette inflammation peut être un marqueur précoce de la pathologie.

Les biopsies de côlon prélevées au CHU font la taille d’un grain de riz. Les scientifiques y cherchent des lésions caractéristiques sur les neurones entériques. Leurs travaux sont soutenus par France Parkinson et des associations locales de malades, très impliquées dans la recherche.

Un chercheur dépose un minuscule échantillon sur une lame de verre
chambres de Ussing

Les biopsies sont mises dans des chambres de Ussing, un appareil qui permet de mesurer la perméabilité digestive. Chez les malades de Parkinson, il est suggéré que l’intestin est plus perméable. L’étude IBIM-Park devrait permettre de confirmer ou non cette hypothèse.

L’avantage du système nerveux entérique est d’être accessible du vivant du patient par une simple biopsie. Dans ces congélateurs, chaque boîte contient les biopsies d’une vingtaine de personnes. L’étude IBIM-Park prévoit d’inclure 80 volontaires d’ici la fin de l’année, dont 20 témoins. Les 60 autres ont une maladie de Parkinson à différents stades d’évolution.

Un chercheur devant un congélateur ouvert tient une boite pleine de petits tubes.
Moustapha Cissé à son bureau.

Moustapha Cissé travaille sur la maladie d’Alzheimer et les dysfonctionnements gastro-intestinaux. Le chercheur Inserm s’interroge sur l’éventuelle production de bêta-amyloïde dans les intestins. Dans le cerveau, les plaques de bêta-amyloïde sont l’un des signes de la maladie d’Alzheimer.

Deux images : Sur la première, un chercheur installe des plaques en plastique pour former un labyrinthe. La seconde montre le labyrinthe, vu du dessus, avec une souris qui s'y déplace.

Thibauld Oullier, ingénieur d’études au sein du laboratoire, installe un labyrinthe en croix surélevée. Le dispositif permet d’étudier le comportement des souris pour les recherches de Moustapha Cissé. Deux bras de la croix sont ouverts, et deux sont fermés sur les côtés. Les souris sont soumises à un vieillissement accéléré pour simuler une détérioration neurodégénérative. Plus l’animal est touché par la pathologie, plus il va être désinhibé et va s’aventurer dans les deux bras ouverts.

Maxime Mahé devant un microscope.

Maxime Mahé, chercheur Inserm, fabrique des organoïdes intestinaux à partir de cellules souches pluripotentes humaines – chaque « amas » à l’écran est un organoïde. Ces « modèles réduits » permettent d’étudier les dysfonctionnements des neurones entériques, au niveau de la barrière épithéliale. De quoi mieux comprendre leur implication dans les maladies neurodégénératives.

Pascal Derkinderen et Moustapha Cissé dirigent les travaux de l’axe de recherche Maladies neurodégénératives au sein de l’unité Système nerveux entérique dans les pathologies de l’intestin et du cerveau (TENS- unité 1235 Inserm/Nantes Université), à Nantes.

Auteur : A. D.

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