Gabrielle Girardeau : Comprendre le traitement des émotions pendant le sommeil

Gabrielle Girardeau décrypte les mécanismes neuronaux qui permettent au cerveau de consolider la mémoire émotionnelle pendant le sommeil. Grâce à l’obtention d’un financement Atip-Avenir, la jeune chercheuse analyse in vivo les interactions entre deux zones du cerveau, l’hippocampe et l’amygdale, respectivement engagées dans les processus de mémoire spatiale et épisodique et dans le réseau de traitement des émotions. A terme, ses recherches pourraient permettre de mieux comprendre le fonctionnement normal et pathologique de cette gestion nocturne des émotions et le développement de l’anxiété.

Un parcours homogène et brillant en neurosciences et une grande ténacité à percer les rouages de la mémoire. Voilà les atouts qui ont permis à Gabrielle Girardeau d’être recrutée par l’Inserm et d’obtenir un financement Atip-Avenir. Avec 180 000 euros et la possibilité de recruter un chercheur postdoctorant pendant 2 ans, la chercheuse a pu installer sa propre équipe de recherche au sein de l’Institut du Fer à Moulin (IFM) à Paris, en octobre 2018. « Mon équipe étudie l’activité neuronale qui conditionne pendant le sommeil le renforcement normal ou pathologique de la mémoire émotionnelle », expose-t-elle. « Nous cherchons plus précisément à caractériser le rôle d’un dialogue entre deux zones du cerveau, l’hippocampe, nécessaire à la mémoire épisodique et spatiale, et l’amygdale, l’un des piliers du réseau de gestion des émotions ». Pour cela, elle conduit des expériences chez le rat, notamment avec une technique pointue, la « boucle fermée » (closed-loop).

« Il s’agit d’une technique qui enregistre le signal émis par le cerveau grâce à des électrodes implantées chirurgicalement et qui, suite à la détection automatique d’un motif neural, déclenche une perturbation du réseau neuronal en temps réel », décrit-elle. La maîtrise de cette technique très demandeuse en compétences a été acquise pendant son doctorat, alors qu’elle étudiait le lien entre mémoire et hippocampe. Grâce à cette technologie, elle avait alors montré que les oscillations rapides détectées au niveau de l’hippocampe pendant le sommeil profond sont nécessaires à la mémoire spatiale et contextuelle. Un travail resté fondateur dans le domaine. 

Manipuler l’amygdale pendant différentes phases du sommeil

L’idée de son projet de recherche actuel lui est venue dès le début de son post-doctorat. « La littérature postule qu’il existe un lien entre le sommeil, notamment paradoxal, et l’aspect émotionnel de la mémoire, mais nous avons encore très peu de données physiologiques et mécanistiques sur le sujet », explique la chercheuse. Au cours d’une expérience postdoctorale à l’Université de New York, Gabrielle Girardeau a acquis des compétences de programmation (Matlab) et d’analyse de données de populations de neurones enregistrés pendant des phases d’éveil et de sommeil, créant un important ensemble de données en accès libre, « un type de données de plus en plus valorisé ». Elle a aussi commencé à explorer les liens entre hippocampe et amygdale. « J’ai montré que ce dialogue entre les deux structures existe. Le premier axe du projet pour lequel j’ai reçu le financement Atip-Avenir vise à passer de la corrélation à l’intervention : grâce au système de boucle fermée, nous allons pouvoir voir l’effet de la manipulation de l’amygdale pendant les oscillations de l’hippocampe en sommeil profond ou pendant le sommeil paradoxal, sur l’apprentissage ou la mémoire émotionnelle ».

Etudier les troubles anxieux

Dans un second temps, la jeune chercheuse projette de créer un modèle animal de stress post-traumatique pour analyser comment ce dialogue y est perturbé, de même que dans des troubles anxieux. A plus long terme, elle tentera éventuellement d’en rétablir un fonctionnement normal. 

Le cadre de l’IFM, axé sur la psychiatrie, avec une animalerie dotée d’une pièce de chirurgie et d’une bonne infrastructure informatique pour l’analyse de quantités importantes de données, est particulièrement propice aux ambitions de la lauréate Atip-Avenir. Celle-ci vient de recruter un chercheur post-doctorant et encadre un premier doctorant, une facilité permise par ce financement pour des jeunes chercheurs non encore titulaires de l’habilitation à diriger des recherches (HDR). « Le financement Atip-Avenir a vraiment lancé ma carrière, en me classant parmi les jeunes chercheurs prometteurs, ce qui m’offre une vraie présence sur la scène scientifique française », apprécie-t-elle. 

Gabrielle Girardeau est responsable de l’équipe Sommeil et mémoire émotionnelle au sein de l’Institut du Fer à Moulin (Unité 1270 Inserm/Sorbonne Université).