Prévenir la maltraitance des enfants par le renforcement du rôle des médecins et de la coordination entre secteurs professionnels – Juin 2013

Pour le grand public et les hommes et femmes politiques, mais aussi pour un nombre non négligeable de professionnels dont le rôle est de veiller sur le développement harmonieux des enfants (médecins, sagesfemmes, enseignants…) les mauvais traitements envers les enfants se résument à ces terribles faits divers régulièrement rapportés par les médias et parfois décortiqués pendant des semaines. Par leur horreur même, ils plongent les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, dans un monde presque déconnecté du réel et dédouanent plus ou moins des familles maltraitantes qui « ne font tout de même pas ça ! ». Ils sont l’arbre qui cache la forêt car cette approche par la juxtaposition d’événements isolés occulte la véritable fréquence du problème.

Prévenir la maltraitance des enfants par le renforcement du rôle des médecins et de la coordination entre secteurs professionnels. Rapport du Comité de suivi du colloque national sur les violences faites aux enfants (Paris, Sénat, 14 juin 2013)

On ne dispose pas en France de chiffres véritablement fiables. Les chiffres officiels les plus récents ne se recoupent pas entre eux et sont tous sûrement sous-estimés, si on en juge par les taux calculés : de 3 pour 1000 à 2 pour 100, chiffres peu réalistes si on les compare au taux moyen de 10 % d’enfants maltraités dans la population générale, rapporté par des études menées dans des pays à « haut niveau de revenus » et publiées en 2009 par la revue médicale britannique Lancet. Si la sous-estimation de la maltraitance en général est très probable, on en a pour la maltraitance mortelle des preuves scientifiques argumentées, particulièrement en ce qui concerne les homicides de nourrissons de moins de 1 an (infanticides) grâce à la recherche menée par l’unité 750 de l’Inserm qui a permis de comparer, au niveau national, le nombre moyen par an d’infanticides officiellement recensés pendant la période 1996–2000, soit 17 cas/an, et celui identifié par la recherche : 255 cas par an.

Chaque fois qu’une nouvelle affaire sordide apparaît dans les journaux, qu’elle s’appelle Marina, Fiona, Adélaïde ou les bébés congelés, les mêmes accusations sont portées : ils n’ont pas fait leur travail ! Qui : les services sociaux, la justice, les médecins, l’école. Et c’est un fait, certains n’ont pas fait leur travail. S’interroge-t-on jamais sur ce que cela représente de passer toute une vie professionnelle dans l’horreur et la tristesse, surtout quand on n’y aura pas été préparé par une formation spécialisée et une période d’adaptation et qu’on travaille le plus souvent dans une grande solitude ? C’est sans doute ce type d’interrogation qui explique le très grand succès du Colloque national sur les violences faites aux enfants, tenu en juin 2013 au sénat (succès attesté par la presse écrite et audio-visuelle lors de sa tenue et ultérieurement, ainsi que par le nombre considérable de demande d’inscriptions). Il répondait en effet à une réelle attente des professionnels de tous les secteurs impliqués dans le développement et la santé des enfants (éducation, santé, secteur social, justice, police…). A l’issue du colloque, un Comité de suivi a été mis en place pour réfléchir aux nombreuses questions soulevées lors des débats. Ces réflexions et le contenu des auditions de personnalités compétentes sont la matière du rapport dont le présent document est la synthèse.

Dans le rapport est menée une réflexion qui s’articule autour d’axes forts : la définition de la maltraitance ; la prévention ; le soutien à la parentalité et l’accompagnement des familles ; le rôle du secteur de la santé et, principalement, des médecins ; le cloisonnement entre les diverses professions et institutions ; la formation ; la nécessité d’un outil statistique de surveillance. Les travaux du Comité de suivi se situent par ailleurs dans le contexte de la réforme territoriale.