Maria-Christina Zennaro : Mieux diagnostiquer l’hypertension, un défi européen !

Depuis plus de 30 ans, l’endocrinologue Maria-Christina Zennaro, directrice de recherche Inserm au Centre de recherche cardiovasculaire de Paris, s’attache à mieux comprendre les causes de l’hypertension artérielle. Son dernier projet, ENSAT-HT, qui unit les forces de recherche européennes, est salué par le trophée des Étoiles de l’Europe.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n° 56

L’hypertension artérielle tue 11 millions de personnes par an dans le monde. Or, il n’existe pas une, mais des hypertensions. Celle dite « primaire », la plus fréquente, n’a pas de cause précise connue. La « secondaire », qui touche 5 à 15 % des hypertendus, peut être la conséquence de dysfonctionnements endocriniens, mettant notamment en jeu l’aldostérone. Cette hormone est au cœur des recherches de Maria-Christina Zennaro, directrice de recherche Inserm au Centre de recherche cardiovasculaire de Paris (Parcc). Avec le projet européen ENSAT-HT, l’endocrinologue souhaite améliorer le diagnostic de ces hypertensions pour optimiser leur traitement. Sa démarche a été distinguée par le trophée des Étoiles de l’Europe, qui récompense « les équipes françaises qui font le choix de l’Europe pour la recherche et l’innovation ». Un critère de sélection qui sonne comme une évidence pour Maria-Christina Zennaro.

Portrait de Maria-Christina Zennaro
Maria-Christina Zennaro, directrice de recherche Inserm au Centre de recherche cardiovasculaire de Paris ©Inserm/François Guénet

« Européenne et chercheuse, j’ai l’impression que je le suis depuis toujours. Originaire du Haut-Adige (ou Sud-Tyrol) en Italie, j’ai débuté mes études de médecine à Innsbruck, en Autriche, à 80 kilomètres de chez moi. J’ai tout de suite voulu faire de la recherche médicale, même si l’endocrinologie tient plutôt au hasard des rencontres », explique-t-elle. Après deux années à Innsbruck, elle rejoint l’université de Padoue où elle intègre le service d’endocrinologie. Elle y découvre que « cette discipline se prête bien à la recherche, avec son système de communication complexe entre différents organes par des hormones. Par exemple, quand la pression artérielle baisse, un signal est envoyé au rein, lequel “informe” les glandes surrénales situées juste au-dessus. Celles-ci sécrètent alors de l’aldostérone, qui favorise la rétention de sel et d’eau dans le sang, ce qui augmente la tension artérielle. »

Cette fascination ne la quittera plus, et dès 1989, diplômée de médecine, elle jette son dévolu sur l’aldostérone. L’année suivante, elle part à Paris dans l’équipe de Florent Soubrier, au laboratoire de Pierre Corvol au Collège de France, afin de rechercher des mutations du gène du récepteur de l’aldostérone à l’origine d’une maladie rare, le pseudohypoaldostéronisme de type I (PHA1), qui touchait une famille suivie à Padoue. « Je devais y travailler un an. J’y suis restée quatre années et j’y ai fait ma thèse de science, se souvient-elle. J’ai caractérisé le gène de ce récepteur. L’époque était enthousiasmante ! »

Comprendre l’hyperaldostéronisme primaire…

À partir de 1995, elle poursuit ses travaux sur cette maladie rare et plus largement sur le récepteur à l’aldostérone dans le groupe de Marc Lombès du laboratoire de Nicolette Farman à l’hôpital Bichat à Paris. « C’est dans cette équipe que j’ai été recrutée à l’Inserm en 1998, souligne-t-elle. Je pense que c’est grâce à cet environnement, avec une chercheuse engagée à la tête d’une unité, que j’ai toujours trouvé normal qu’une femme dirige une équipe. » Côté science, elle identifie plusieurs mutations permettant de distinguer la forme peu sévère du PHA1, qui touche les reins, de celle généralisée, synonyme de traitement à vie. Elle montre aussi que le récepteur à l’aldérostérone joue un rôle dans l’adipogenèse induite par les hormones glucocorticoïdes. « Sans abandonner l’étude du PHA1, qui reste le fil conducteur de ma carrière, je souhaitais mener des recherches génétiques plus poussées, notamment sur l’hyperaldostéronisme primaire (HAP), poursuit-elle. Cette surproduction autonome d’aldostérone est la principale cause d’hypertension artérielle secondaire. En 2004, je suis donc retournée au Collège de France, dans l’équipe de Xavier Jeunemaitre, ce qui m’a permis de démarrer aussi une activité de génétique clinique à l’Hôpital européen Georges-Pompidou. » Des travaux sur l’HAP qu’elle mène depuis 2009 au Parcc, où elle a créé sa propre équipe en 2014. Ainsi, Maria-Christina Zennaro a contribué à la découverte de nombreux gènes mutés, dont certains associés à une forme d’HAP survenant lors de la puberté, la grossesse ou la ménopause. Elle en a identifié un autre dont les mutations entraînent un HAP héréditaire et précoce. Enfin, elle a décrit une susceptibilité à développer un HAP liée à des variations génétiques communes, qui pourrait jouer un rôle dans l’hypertension au sein de la population générale.

… pour en faciliter le diagnostic

Malgré ces avancées, le diagnostic de l’HAP et des autres hypertensions secondaires reste long et laborieux, ce qui retarde d’autant leur traitement. Le projet ENSAT-HT pourrait changer la donne. Les 18 équipes coordonnées par Maria-Christina Zennaro ont intégré, grâce à l’intelligence artificielle, de multiples données « omiques » – c’est-à-dire à grande échelle – issues de prélèvements de plasma et d’urine de patients, et identifié des biomarqueurs de différentes formes d’hypertension.« Amener autant de scientifiques à se sentir partie prenante d’une même aventure n’a pas toujours été simple, mais j’ai appris énormément ! », assure la chercheuse dont l’enthousiasme pour cet enjeu de santé publique reste intact. Après avoir validé cette approche diagnostique chez 2 000 personnes atteintes d’une hypertension d’origine inconnue, elle coordonne maintenant son application pour améliorer l’identification et le traitement des hypertensions endocrines. « J’aimerais qu’un jour tout médecin de ville puisse prescrire des examens simples pour diagnostiquer le type d’hypertension de son patient et appliquer le traitement le plus adéquat, confie-t-elle. Tout en reconnaissant : Cela risque de prendre du temps… Si déjà l’HAP est diagnostiqué plus vite, je serais ravie ! »

Maria-Christina Zennaro, Xavier Jeunemaitre : Centre de recherche cardiovasculaire de Paris (Parcc – unité 970 Inserm/Université Paris Cité)

Florent Soubrier : Unité de recherche sur les maladies cardiovasculaires du métabolisme et de la nutrition (ICAN – unité 1166 Inserm/Sorbonne Université)

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