Valérie Crépel, Prix Innovation 2022

En moins de dix ans, les neurobiologistes Valérie Crépel de l’Inserm et Christophe Mulle du CNRS ont amené une thérapie génique contre l’épilepsie du lobe temporal aux portes d’une évaluation chez les malades. Une valorisation industrielle réussie qui vaut à Valérie Crépel le Prix Innovation.

Épilepsie du lobe frontal : une thérapie génique en vue

Portrait de Valérie Crépel
Valérie Crépel, Prix Innovation 2022 – unité 1249 Inserm/Aix-Marseille Université, Marseille ©Inserm/François Guénet

Parmi les épilepsies, celle du lobe temporal est la plus fréquente chez l’adulte. En 2005, Valérie Crépel, directrice de recherche Inserm à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed) à Marseille, découvre que des récepteurs kaïnate (KAR) du glutamate, un neurotransmetteur, y sont impliqués. Sept ans plus tard, la neurobiologiste et Christophe Mulle, de l’Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS) à Bordeaux, démontrent que les KAR sont un élément clé de la genèse de cette épilepsie dans l’hippocampe et, surtout, une cible thérapeutique potentielle alors que 30 % des malades sont réfractaires aux traitements disponibles. Dans ce contexte, « j’ai souhaité que nous protégions ces données novatrices, relate Valérie Crépel. J’ai donc contacté Inserm Transfert ». Grâce à cette filiale privée de l’Inserm qui accompagne ses scientifiques dans la valorisation de leurs travaux, les deux chercheurs déposent un brevet en septembre 2013.

Portrait de Christophe Mulle
Christophe Mulle, Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS), Bordeaux
©Inserm/François Guénet
Portraits des membres de l'équipe de Valérie Crépel
Alexandre Vigier, Célanie Matringhen, Thomas Marissal,
Céline Boileau, Delphine Pinatel, Édouard Pearlstein,
Lucas Goirand-Lopez et Nicolas Partouche ©Inserm/François Guénet

Deux cerveaux contre l’épilepsie

« Ensuite, nous avons eu de la chance, poursuit-t-elle. En avril 2014, Christophe Mulle a présenté nos résultats à des sociétés de capital-risque venues détecter des projets à Bordeaux Neurocampus. Kurma Partners s’est dit intéressé et nous a demandé de consolider nos données. » Le binôme valide donc l’intérêt d’inhiber les KAR et choisit sa stratégie thérapeutique. Ce sera la thérapie génique. Il s’agira d’empêcher la synthèse des KAR dans les cellules de l’hippocampe, en leur apportant des microARN, ces courtes séquences d’ARN non codantes qui contrôlent l’expression de certains gènes. La maturation du projet peut débuter. « Vanessa Malier de Kurma Partners en a été un des moteurs essentiels en identifiant et en structurant les collaborations industrielles, souligne Valérie Crépel. Inserm Transfert et la société d’accélération du transfert de technologies (SATT) Aquitaine l’ont financée, ont géré les brevets, les transactions…, et nous ont beaucoup guidés. Nous devions vite apprendre les codes de l’industrie. » Et pour cause : à partir de 2017, tout s’accélère. La société américaine Regenxbio, spécialisée dans les vecteurs de thérapie génique – les « véhicules » qui transportent le gène médicament dans les cellules à traiter – rejoint le projet. Après 15 mois d’une intense collaboration, les neurobiologistes apportent la preuve de concept d’une thérapie génique de l’épilepsie. Un nouveau brevet est déposé. La start-up Corlieve Therapeutics est créée en novembre 2019 par Kurma Partners, qui la finance avec Eurazeo Investment Manager. Valérie Crépel et Christophe Mulle en sont les cofondateurs scientifiques, Inserm Transfert et la SATT, des actionnaires. Vanessa Malier, à la tête du conseil d’administration, recrute comme PDG Richard Porter, un expert de la recherche et développement.

Une start-up vendue à prix d’or

Dès 2021, la start-up part en quête d’investisseurs. « L’exercice est à la fois formateur et difficile car méconnu de nous, chercheurs », reconnaît la neurobiologiste. Mais il s’avère de courte durée. Le 22 juin 2021, coup de théâtre : Corlieve Therapeutics devient une filiale de la biotech néerlandaise uniQure pour… 250 millions d’euros ! Cette success story, saluée par le Prix Innovation remis à Valérie Crépel, devrait aboutir à une évaluation du traitement chez les malades d’ici un à deux ans. « C’est le Graal de tout chercheur. Donc malgré le travail que demande la valorisation, si c’était à refaire, je me relancerais dans l’aventure ! », assure la chercheuse.

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Neurones embryonnaires de rat. Après 14 jours de culture, ils ont été transfectés par un plasmide codant pour la forme sauvage de la sous-unité gamma 2 du récepteur au GABA (GABRG2), un neurotransmetteur impliqué dans l'épilepsie, puis laissé en culture 19 jours supplémentaires avant fixation et marquage par immunofluorescence. Les noyaux cellulaires sont marqués en bleu par le Dapi, Gabrg2 est marqué en vert et les synapses inhibitrices sont repérées en rouge par un anticorps anti GAD6 (GAD65 + GAD67).