Marina Kvaskoff, Prix Science et société-Opecst 2023

L’endométriose, une maladie gynécologique fréquente qui empoisonne le quotidien des femmes, est longtemps passée sous les radars de l’actualité. Mais pas sous ceux de Marina Kvaskoff, qui lui a consacré son énergie et sa carrière. Son acharnement à faire sortir de l’oubli cette pathologie lui vaut aujourd’hui le prix Science et société-Opecst.

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Marina Kvaskoff – Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP, unité 1018 Inserm/Université Paris-Saclay/Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines) ©Inserm/François Guénet

Sortir l’endométriose de son ornière !

« J’ai choisi l’épidémiologie dès ma deuxième année d’étude en biologie ; cela a sans doute résonné avec ma curiosité d’enfant pour les maladies et leur origine », se souvient Marina Kvaskoff, épidémiologiste au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) à Villejuif. Depuis, sa curiosité ne s’est pas tarie, même si ses sujets de recherche ont évolué au fil des ans.

Le premier a été le cancer de la peau. Elle y consacre master et doctorat, qu’elle partage entre l’Australie et l’équipe Exposome et hérédité au centre Gustave-Roussy, à Villejuif, dans laquelle elle travaille encore aujourd’hui. « Cette équipe coordonne la cohorte E3N, qui suit 100 000 femmes depuis 1990, explique la chercheuse. C’est ainsi qu’en 2005, durant mon stage de master, j’ai découvert l’endométriose », qui est définie par la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, et « dont les liens avec le mélanome feront l’objet de ma thèse franco-australienne. C’est une maladie très fréquente, mais nos connaissances sont très faibles alors qu’elle a un très fort impact sur les femmes. J’ai donc eu envie d’utiliser mes compétences en épidémiologie pour mieux la comprendre. »

Défendre les femmes, sur tous les fronts

Sa thèse en poche, en 2009, Marina Kvaskoff part se former à l’université d’Harvard aux États-Unis, auprès de Stacey Missmer, pionnière de l’épidémiologie de l’endométriose, aujourd’hui présidente de la société savante World Endometriosis Society. Puis grâce à la bourse Marie Skłodowska-Curie de la Commission européenne et à divers prix et financements, la chercheuse poursuit ses travaux, entre la France, les États-Unis et l’Australie, jusqu’à l’obtention d’un poste de chargée de recherche à l’Inserm en 2016. Ainsi, elle observe que certaines expositions dans l’enfance – tabagisme passif, privations alimentaires, activité physique intense… – augmentent le risque d’endométriose et montre notamment que celle-ci est liée au risque de différents cancers (peau, ovaire). « C’est aussi à cette période que je me suis investie dans l’association Femmes & Sciences, au sein de laquelle j’ai monté un programme de mentorat pour les doctorantes à l’Université Paris-Saclay », complète la chercheuse, qui prend conscience en le disant qu’elle a toujours bataillé sur tous les fronts pour les femmes. Des combats parfois ardus car malgré le soutien de l’Inserm, « le sujet de l’endométriose restait confidentiel : on en parlait une seule fois par an, lors de l’Endomarche, souligne la chercheuse. Mais à partir de 2018, grâce aux associations de patientes et à la prise de parole de célébrités, il y a eu une véritable libération de la parole autour des règles. Aujourd’hui, on les évoque tous les mois ! ». Une mise en lumière synonyme de coup d’accélérateur pour la recherche.

Hélène Amazouz (post-doctorante), Solène Gouesbet et Zélia Breton (doctorantes) ainsi qu’Anas Naji (biostatistitien) travaillent aux côté de Marina Kvaskoff ©Inserm/François Guénet

La lutte continue !

De fait, en 2019, Marina Kvaskoff lance le volet endométriose de la cohorte de recherche participative ComPaRe, qui compte près de 10 000 participantes. Puis, dès 2022, le gouvernement a affiché son souhait de mettre en place l’ambitieux programme Epi-Endo sur l’épidémiologie de l’endométriose, porté par la chercheuse dans le cadre du programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) Santé des femmes, santé des couples. « Plus largement, via le PEPR, la Fondation pour la recherche sur l’endométriose et l’Agence nationale de la recherche, des fonds seront disponibles pour mener des recherches qui portent des regards neufs et dans toutes les disciplines sur cette maladie, se réjouit la chercheuse, qui souligne également que « le prix Inserm représente un très grand honneur et une reconnaissance forte de cette cause ». Pour autant, Marina Kvaskoff n’a pas terminé de lutter pour les femmes. Son ambition après l’endométriose : élargir les travaux de son équipe à la santé gynécologique !

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Photo des lauréats des Prix Inserm 2023 : Nadine Cerf-Bensussan, Thomas Baumert, Alexandre Loupy, Marina Kvaskoff et Ghislaine Filliatreau