Justine Bertrand-Michel, Prix Appui à la recherche 2022

Pour Justine Bertrand-Michel, qui dirige la plateforme MetaToul dédiée à l’analyse des métabolites, rendre service aux chercheurs est une activité noble. Une conviction qu’elle met en pratique depuis plus de vingt ans et qui est aujourd’hui saluée par le Prix Appui à la recherche.

Soutenir le travail de recherche coûte que coûte

Portrait de Justine Bertrand-Michel
Justine Bertrand-Michel, Prix Appui à la recherche 2022 – unité 1297 Inserm/Université Toulouse III – Paul-Sabatier, Toulouse ©Inserm/François Guénet

« J’ai toujours voulu travailler en biologie de la santé, explique Justine Bertrand-Michel, directrice depuis 2021 de MetaToul, une plateforme de métabolomique, c’est-à-dire d’analyse des métabolites, ces composés issus du métabolisme de tout être vivant (glucose, acides aminés, nucléotides…). Or, la chimie que j’ai découverte pendant mes études m’a semblé un outil susceptible d’être utile dans ce domaine. » Elle effectue donc sa thèse de chimie dans le laboratoire de biophysique moléculaire à Bordeaux et y obtient un poste d’ingénieure d’étude à l’Inserm en 1995, dès sa première année de doctorat. En plus de ses travaux de recherche, elle y assure la synthèse d’ARN et d’ADN à façon pour les chercheurs de l’équipe. Et nouvelle révélation pour la chimiste : « Cette activité de service me plaisait plus que la recherche “pure”. » Après cette première expérience fondatrice, l’ingénieure et son mari ont envie de bouger. Or, un poste s’ouvre à l’Institut fédératif de recherche Inserm Claude de Préval à Toulouse pour monter une plateforme dédiée à l’analyse des lipides. « Même si je ne connaissais rien à ces composés, ça m’a enthousiasmée », se souvient-elle. Six mois après son arrivée, en février 2003, le « plateau d’analyse des médiateurs lipidiques » est opérationnel.

Quand l’union fait la force

L’activité monte vite en puissance, mais reste freinée par le manque de moyens – seuls deux appareils d’analyse sont disponibles. Une situation partagée par ses collègues toulousains qui analysent d’autres métabolites. Sous la houlette de Jean-Charles Portais, directeur scientifique du plateau d’analyse des réseaux métaboliques, ils unissent donc leurs forces et fondent en 2007 MetaToul, qui fédère alors cinq plateformes réparties sur autant de sites. Première victoire en 2009 : l’obtention du label IBiSA (Infrastructures en biologie santé et agronomie), synonyme de moyens importants. « Nous entrions alors dans la cour des grands », se souvient Justine Bertrand-Michel. Néanmoins, qui dit label dit aussi contraintes : démarche qualité, respect des délais, facturation, évaluation… Il a fallu également que les équipes apprennent à travailler ensemble. Structurer MetaToul a donc demandé du temps. Dans le prolongement de cette démarche, la plateforme toulousaine rejoint MetaboHUB dès sa création en 2013. Cette infrastructure nationale regroupe les cinq plateformes en métabolomique labellisées IBiSA. « C’est en quelque sorte le deuxième étage de la fusée, et c’est très important aussi bien pour des raisons scientifiques que de moyens, pour aller plus loin dans nos méthodes », souligne-t-elle. Aujourd’hui, la plateforme Meta-Toul est la plus importante en France avec 6 équipes, environ 40 ingénieurs, 23 systèmes d’analyse et 4 robots. « Il y règne une très belle émulation scientifique au travers des développements communs, des projets inter-sites, des animations mensuelles, des journées scientifiques organisées à l’extérieur une fois par an… », souligne sa directrice.

Les membres de l'équipe de Justine Bertrand-Michel
Thibaud Lanté, Anaelle Durbec, Élodie Angely, Cyrielle Clément, Nancy Geoffre, Pauline Le Faouder, Sébastien Hutinet et Océane Delos ©Inserm/François Guénet

Une équation économique délicate

Néanmoins, la chimiste reconnaît qu’animer cette énorme plateforme et diriger son site dédié à l’étude des lipides est parfois stressant. « Il faut proposer des prestations, développer des méthodes, former des nouveaux personnels tout en assurant un équilibre budgétaire ! Le modèle économique de nos structures est complexe, décrit-elle. Pour autant, j’adore ce que je fais et je trouve tous les projets des chercheurs passionnants ! » Un soutien sans faille que salue le prix Inserm qu’elle est ravie de recevoir. « C’est bien sûr avant tout la reconnaissance du dévouement des équipes pour les chercheurs, assure-t-elle. Mais j’y vois aussi un moyen de faire progresser les plateformes, qui sont maintenant indispensables à la recherche. »

À lire aussi