Alexandre Loupy, Prix Innovation 2023

Grâce aux statistiques et à l’intelligence artificielle, Alexandre Loupy cherche à intégrer toutes les connaissances sur les transplantations rénales. Par cette approche, il est en train d’en bouleverser la prise en charge. Ces avancées sont saluées par le prix Innovation de l’Inserm.

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Alexandre Loupy, Prix Innovation 2023 – Paris Centre de recherche cardiovasculaire (unité 970 Inserm/Université Paris Cité) ©Inserm/François Guénet

Des outils compagnons des médecins pour améliorer la transplantation d’organe

Alexandre Loupy, directeur de l’Institut de transplantation de Paris et du Paris Transplant Group, est néphrologue, biologiste et biostatisticien. Un panel de compétences qu’il intègre dans des outils innovants qui améliorent la transplantation rénale. L’idée de cette approche est née au cours de l’internat, de la rencontre avec « Christophe Legendre à l’hôpital Necker, qui avait une approche innovante sur la transplantation rénale qui m’a intéressé », explique-t-il. Le jeune scientifique décide alors de faire une thèse en biologie cellulaire et, dans la foulée, une en biostatistique et épidémiologie. Son objectif : exploiter de manière globale les données issues des transplantations pour aider les médecins à gagner en efficacité, et améliorer le succès de la greffe et le quotidien des patients.

La somme des connaissances en un outil

Les premiers résultats ne tardent pas. En 2013, avec Carmen Lefaucheur qui fait toujours partie de l’équipe dix ans plus tard, Alexandre Loupy identifie notamment des anticorps qui augmentent fortement le rejet des greffes. « Cela a modifié la classification Banff [qui stratifie la prise en charge en fonction du risque de rejet, ndlr.] et permis de traiter les patients concernés avec des immunosuppresseurs plus spécifiques », précise-t-il.

En 2016, lauréat du programme Atip-Avenir de l’Inserm, il créé sa propre équipe, le Paris Transplant Group, au sein du Paris Centre de recherche cardiovasculaire. « Mon idée est d’intégrer tous les paramètres, tels que les biomarqueurs, l’immunologie, la génétique…, dans un algorithme pour prédire le risque de rejet, la survie des greffons et la mortalité des patients transplantés, afin d’aider les médecins à ajuster le suivi et les traitements », décrit-t-il. L’algorithme, appelé iBox, issu d’une collaboration européenne et américaine, est dévoilé en 2019. Par une approche de simulation, il est aussi capable d’indiquer quel est le meilleur usage du greffon en fonction de ses caractéristiques. « Grâce à lui, les États-Unis utilisent maintenant des greffons de donneurs plus âgés, ce qui était déjà le cas en France », complète Alexandre Loupy.

Agathe Truchot et Marc Raynaud ©Inserm/François Guénet

Un déploiement sur quatre organes et quatre continents

Le développement d’iBox a été confié à Predict4Health, une start-up issue de l’Inserm, de l’AP-HP et de l’université Paris Cité, fondée en 2019 par le chercheur. « Il fait l’objet d’un essai clinique chez les malades en Europe. Et il a passé le parcours réglementaire qui lui permet d’être remboursé par la Sécurité sociale, souligne-t-il. C’est aussi le premier biomarqueur digital utilisant l’intelligence artificielle approuvé par l’Agence européenne des médicaments pour reproduire des essais cliniques en cours et ainsi réduire de plusieurs années la mise au point des traitements immunosuppresseurs. » Intégré dans le logiciel Predigraft, il est utilisé pour suivre 10 000 malades en France et 45 000 aux États-Unis. Enfin, il est à l’heure actuelle en développement pour le cœur, le poumon, le foie et des maladies rénales chroniques.

Dans le prolongement de l’iBox, l’équipe a mis au point un module, Banff Automation, qui automatise l’interprétation des biopsies. « Il applique sur les observations de l’anatomopathologiste les règles très complexes de la classification et indique le niveau de risque de rejet, explique Alexandre Loupy. De fait, il permet de reclasser presque 30 % de diagnostics erronés et de mieux traiter les patients. »

Depuis 2020, Alexandre Loupy se partage entre la France et les États-Unis car il enseigne à l’Université de Californie à Los Angeles. Mais pas question de céder aux avances des laboratoires américains. Au contraire. Il a monté une antenne du sien là-bas, histoire d’y importer un peu de France. C’est pourquoi, lorsqu’il assure que « le prix Innovation est une très grande fierté, un honneur et un plaisir pour mon équipe », on le croit sur parole.

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