Joel Haas, un financement européen pour tenter de prévenir la NASH

La stéatohépatite non alcoolique, ou NASH, est une maladie inflammatoire grave qui affecte et détruit peu à peu le foie. Elle résulte de l’évolution d’une autre maladie, la stéatose hépatique non alcoolique (ou NAFLD), caractérisée par l’accumulation de graisses dans ce même organe. En s’attelant à décrypter les mécanismes associés au passage de la NAFLD à La NASH, Joel Haas espère découvrir des biomarqueurs pronostiques et des cibles thérapeutiques pour contrer cette progression délétère. L’Europe lui a fait confiance en lui accordant un financement d’un million et demi d’euros.

Avec près de 20 % des Français et 25 à 30 % de la population mondiale concernée, la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) est considérée comme le mal du siècle sur le plan métabolique. Cette maladie correspond à une accumulation de graisses dans le foie, au départ sans gravité, mais qui marque la première étape d’un continuum conduisant à l’apparition de maladies hépatiques graves : la stéatohépatite non alcoolique (NASH) caractérisée par une inflammation chronique, puis la fibrose hépatique, voire la cirrhose qui peut elle-même mener au cancer du foie. Joel Haas, chargé de recherche à l’Inserm, a décidé d’explorer les mécanismes moléculaires associés à cette progression.

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Joel Haas

Cet Américain originaire de l’Iowa a posé ses valises en France en 2013, afin de suivre sa femme, maîtresse de conférences à Lille. Titulaire d’un doctorat, il frappe alors à la porte du laboratoire Inserm dirigé par Bart Staels à l’institut Pasteur de Lille. Cette équipe s’attache à l’étude des dialogues inter-organes dans les pathologies cardio-métaboliques, une thématique qui correspondait exactement à ses goûts et à son expertise : « J’ai toujours beaucoup apprécié le travail d’exploration moléculaire et je m’intéressais déjà aux désordres métaboliques car ils concernent une grande part de la population générale. J’avais étudié les mécanismes moléculaires induits par la résistance à l’insuline au niveau du foie, ou encore ceux associés à la régulation du métabolisme des lipides dans cet organe », explique-t-il. Il rejoint donc l’équipe lilloise, avec pour mission d’étudier comment se déroule la progression entre une simple accumulation de graisse dans le foie et l’apparition d’une inflammation chronique délétère pour l’organe, autrement dit : la progression de la NAFL vers la NASH.

Les cellules immunitaires impliquées

Rapidement, il découvre que chez l’humain, cette évolution s’accompagne d’une activation du système immunitaire hépatique qui implique en particulier les cellules dendritiques. « Une grande force de la recherche française est l’interaction forte entre scientifiques et cliniciens. Quand je suis arrivé à Lille, tout cela était déjà en place. Nous travaillons notamment avec François Pattou, chirurgien spécialiste de l’obésité à Lille, et avec Sven Francque, responsable du département de gastroentérologie et d’hépatologie à Anvers. Ils disposent chacun d’une cohorte de patients atteints de NAFLD ou de NASH. Ils nous apportent une expertise importante sur le plan clinique et mettent à notre disposition des échantillons biologiques obtenus de patients, comme des biopsies hépatiques ou des prélèvements sanguins. Cela, nous permet de travailler directement chez l’humain. » L’équipe de Joel Haas a également pu étudier des biopsies issues de patients qui avaient bénéficié d’une chirurgie bariatrique. Cette intervention est connue pour faire régresser la NASH en entraînant une perte massive de poids. « Dans ces échantillons, nous avons constaté que l’activation des cellules dendritiques est moindre, ce qui témoigne d’une corrélation très forte entre l’activité de ces cellules et l’état de santé du foie des patients. »

Une équipe renforcée

Pour aller plus loin, Joel Haas a réalisé une demande de financement auprès du Conseil européen de la recherche (ERC Starting Grant). Il a décroché 1,5 million d’euros pour explorer les bouleversements moléculaires associés à la progression de la stéatose vers la NASH. Achat d’un spectromètre de masse qui permettra de doser tous les métabolites dans différents échantillons, développement de modèles de souris, recrutement de chercheurs… : Joel Haas est désormais en mesure de sortir le grand jeu pour identifier des biomarqueurs de risque de progression de la NAFLD et des complications associées, ainsi que pour découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques afin de les prévenir. « Ce financement européen est un véritable accélérateur de recherche. Je suis très optimiste pour la suite ! », conclut-il.


Joel Hass développe ses recherches au sein de l’équipe Récepteurs nucléaires dans le syndrome métabolique, dans l’unité Récepteurs nucléaires, maladies métaboliques et cardiovasculaires (unité 1011 Inserm/Institut Pasteur/Université de Lille/CHU de Lille), à l’institut Pasteur de Lille.


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