Fabrice Wendling, un biomathématicien au service des patients épileptiques

Au laboratoire Traitement du signal et de l’image, à Rennes, Fabrice Wendling analyse et interprète les signaux électriques du cerveau, pour comprendre comment les crises d’épilepsie se déclenchent et évoluent. Après plus de vingt-cinq ans de recherche dans ce domaine, il vient d’obtenir, avec deux collaborateurs, un financement européen d’une valeur de 10 millions d’euros (ERC Synergy Grant) pour mettre au point un traitement électrique contre les épilepsies résistantes aux médicaments.

Fabrice Wendling
Fabrice Wendling

Fabrice Wendling a fait de l’épilepsie son combat. Directeur de l’équipe Sésame (pour « Systèmes épileptogènes : signaux et modèles ») au sein du laboratoire Traitement du signal et de l’image* à Rennes, le chercheur se consacre depuis plus de vingt-cinq ans à cette maladie grâce à ses compétences en biomathématiques. Jour après jour, il analyse, décrypte, interprète les signaux électriques du cerveau chez les patients pour comprendre où et comment les crises se déclenchent, comment elles se manifestent, ce qui peut les aggraver ou au contraire les bloquer. 

« C’est presque une vocation. J’ai toujours voulu travailler dans la recherche médicale, explique l’intéressé. Pour cela, j’ai intégré une école d’ingénieur en génie biologique et médical, à Compiègne. On était dans les années 90, c’était la première dans ce domaine », se rappelle-t-il. Cette formation l’envoie deux ans aux Etats-Unis dans le cadre d’un échange avec une école équivalente à Atlanta. Il se forge ainsi une expérience à l’international, puis rentre effectuer son service militaire au Val-de-Grâce, dans le département biomédical où il se spécialise en électrophysiologie. Il parachève sa formation avec une thèse, soutenue en 1996 à Rennes, sur les signaux intracérébraux chez les patients épileptiques. Depuis, il continue à développer cette thématique de recherche dans ce même laboratoire. « J’avais exactement le profil pour effectuer ces analyses, explique-t-il. L’étude des signaux neuronaux consiste à intégrer des milliers d’informations issues d’enregistrements effectués par des électrodes à la surface du cerveau ou implantées, pour en faire des modèles mathématiques et informatiques. »

Fort de son expertise, Fabrice Wendling monte sa propre équipe (Sésame) en 2004, et devient directeur de recherche quatre ans plus tard. Ses travaux lui permettent de laisser son nom dans l’histoire avec le modèle mathématique de Wendling, sur les signaux épileptogènes, reconnu internationalement. Ils lui valent en outre un prix de l’Académie des sciences en 2012. Aujourd’hui son équipe compte une vingtaine de personnes dont dix chercheurs, enseignants-chercheurs et neurologues praticiens hospitaliers. 

« L’ADN de mon équipe, c’est d’analyser les signaux neuronaux pour développer des modèles inspirés du fonctionnement cérébral, avec ses connexions inhibitrices et excitatrices, ses différents types de neurones et de neurotransmetteurs.... C’est une tâche difficile et d’actualisation permanente en raison des nouvelles connaissances incessantes sur le cerveau. Ces modèles permettent ensuite de reproduire les données obtenues, de les expliquer et de faire des prédictions. Grâce à ce travail nous avons par exemple compris que les crises d’épilepsie se déclenchent quand le cerveau n’est plus contrôlé par les processus inhibiteurs », explique-t-il 

Soigner les épilepsies résistantes et non opérables

Cette année, sa carrière prend un nouveau tournant grâce à l’obtention d’un financement européen d’un montant de 10 millions d’euros pour six ans (ERC Synergy Grant). Il récompense le projet Galvani, monté avec deux collaborateurs et amis de longue date, Fabrice Bartolomei, professeur de neurologie à l’hôpital La Timone et chercheur à l’Institut de neuroscience des systèmes** à Marseille, et Giulio Ruffini, biophysicien à Barcelone. L’objectif est de soigner les épilepsies résistantes aux médicaments et non opérables, par stimulation transcrânienne. « Environ 30 % des patients répondent peu ou pas aux médicaments et subissent des crises pouvant survenir à tous moments. Elles peuvent être très invalidantes et poser des problèmes pour l’insertion professionnelle des personnes concernées. Or, ces épilepsies pharmacorésistantes non opérables représentent environ 19 millions de cas dans le monde », rappelle-t-il. Au cours d’un précédent travail incluant 17 patients, il a pu être observé que l’application d’un faible courant électrique à la surface du cerveau, via un casque, permet de réduire de moitié la fréquence des crises chez la moitié d’entre eux − et jusqu’à 90 % pour l’un deux − alors même que le protocole n’était pas optimisé. « Cette première expérience a montré que cette technique parvient à neuromoduler des réseaux cérébraux spécifiques de l’épilepsie. Il faut maintenant analyser les signaux patient par patient puisque chacun présente son propre réseau épileptogène, préciser les interactions entre les champs électriques émis par le casque et les neurones à court et à long terme, et arriver à prédire la réponse de la stimulation électrique selon son intensité, sa fréquence ou encore sa localisation. L’objectif est de parvenir à empêcher la survenue des crises en développant des stimulations ‘sur mesure’ pour chaque patient », explique-t-il. Dans un second temps, un essai clinique sera mené pour valider les résultats de leurs modèles. Il inclura 120 patients recrutés dans une dizaine de centres français. 

À terme, les chercheurs espèrent un rayonnement des résultats au-delà de l’épilepsie. « Non seulement nous espérons soigner ces patients, mais nos modèles prédictifs pourraient servir pour d’autres maladies éligibles à la stimulation transcrânienne comme la dépression sévère ou certains troubles psychiatriques », entrevoit-il. 

Soigner l’épilepsie humaine par stimulation transcrânienne : le défi du projet Galvani – interview – 5 min 10 – © Université de Rennes 1, 2019 

Notes :
* unité 1099 Inserm/Université de Rennes 1, Laboratoire traitement du signal et de l’image (LTSI), Rennes
** unité 1106 Inserm/Aix-Marseille Université, Institut de neurosciences des systèmes (INS), équipe Cartographie cérébrale dynamique (DynaMap), Marseille