Laurent Reber : Mieux comprendre le rôle des anticorps dans les allergies

Si les allergies voient leur prévalence augmenter dans les pays occidentaux, tous les mécanismes impliqués dans leur survenue ne sont pas pour autant encore connus. Dans son équipe de recherche « Asthme, allergie et immunothérapie », Laurent Reber se consacre à la compréhension du rôle de certains de leurs effecteurs, les immunoglobulines IgE et IgG. A la clé, des perspectives thérapeutiques importantes…

Laurent Reber

Vous avez une formation de chimiste. Qu’est-ce qui vous a conduit à travailler dans le milieu de la biologie ?

En effet, j’ai d’abord suivi des études de chimie et de biochimie, avec le souhait de m’orienter vers le développement de médicaments. Mais j’ai progressivement découvert la physiologie et l’immunologie, qui me permettaient d’avoir une visibilité sur les mécanismes pathologiques. Aussi, la biologie a progressivement pris le pas, et j’ai suivi un magistère de chimie et de biologie. Ma thèse a constitué ma première plongée dans le milieu de l’allergie, puisqu’elle était consacrée au mécanisme inflammatoire lié à certaines pathologies pulmonaires et plus particulièrement à une cellule clé : le mastocyte. L’immunologie a ensuite constitué le cœur de mon travail de post-doctorat et du début de ma carrière de chercheur à l’université de Stanford : j’y ai développé des modèles animaux permettant d’étudier des mécanismes physiopathologiques comme le choc anaphylactique. Et depuis mon entrée à l’Inserm, en 2016, mon bagage de chimiste trouve sa place dans les approches de recherche pharmacologique que nous développons. 

Les mécanismes allergiques constituent le cœur de vos travaux. À quels effecteurs vous consacrez-vous ?

Le décryptage de l’ensemble des mécanismes impliqués dans le phénomène allergique reste encore incomplet. Mes travaux antérieurs m’ont permis de travailler sur les mastocytes, des cellules immunitaires dont l’activation par les IgE provoque la libération d’histamine responsable des symptômes allergiques. Or, nous avons accumulé également des données démontrant que les IgE ne sont pas les seules immunoglobulines impliquées dans le mécanisme allergique. En effet, nous avons montré que des IgG, une autre famille d’immunoglobulines, seraient aussi capables de déclencher un mécanisme comparable. Nous avons obtenu ces résultats grâce à l’utilisation de modèles murins d’anaphylaxie. La question qui se pose maintenant est de savoir si, chez l’humain, les IgG peuvent également participer aux chocs anaphylactiques. C’est ce à quoi nous essayons de répondre dans le cadre du projet qui m’a permis d’obtenir un soutien Atip-Avenir pour monter ma propre équipe. Nous étudions cela grâce à l’utilisation combinée d’échantillons cliniques de patients allergiques aux arachides et d’un modèle unique de souris humanisées, développé dans l’unité Inserm 1222. Dans ce modèle, les gènes codant pour certains récepteurs murins aux immunoglobulines ont été remplacés par les récepteurs humains. Cela nous permet pour la première fois d’étudier les mécanismes du choc induit par des anticorps humains issus de plasma de patients allergiques. 

Quelles sont les perspectives thérapeutiques d’un tel travail ?

En comprenant les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués, nous pourrons identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. L’idée sous-jacente est de développer de nouvelles immunothérapies permettant de traiter les maladies allergiques. Ainsi, dans le cadre d’un financement ANR, obtenu par notre équipe Atip-Avenir en collaboration avec l’unité Inserm 1222 et la société NEOVACS, nous cherchons à développer un vaccin thérapeutique qui permettrait de bloquer deux cytokines jouant un rôle important dans l’allergie : l’IL‑4 et IL-13. Ces cytokines sont notamment connues pour favoriser la production des IgE. Ces travaux pourraient aboutir au traitement de certaines pathologies inflammatoires allergiques, et notamment l’asthme allergique. 

Laurent Reber est responsable de l’équipe Atip-Avenir Asthme, allergie et immunothérapies, au Centre de physiopathologie Toulouse Purpan (unité 1043 Inserm/CNRS/Université Paul Sabatier), Toulouse.