Fabienne Lescroart : au cœur du développement cardiaque

Le cœur est le premier organe à se former chez l’embryon. Mais la façon dont ses cellules se spécialisent et dont son tissu s’organise n’est pas totalement élucidée. Passionnée par la génétique, Fabienne Lescroart a rapidement consacré ses travaux de recherche à cette étape fondamentale du développement. Dans son viseur : comprendre les malformations cardiaques congénitales et développer la médecine régénératrice.

Fabienne Lescoart
Fabienne Lescroart

Ses premiers battements apparaissent même avant qu’il ne soit complètement formé : le cœur, cet organe dont le développement fascine dès les premiers instants, revêt encore de nombreux mystères auxquels Fabienne Lescroart* consacre sa carrière. Son objectif est aussi le titre du projet qui lui a permis de monter sa propre équipe de recherche dans le cadre du programme Atip-Avenir : Breaking the Heartcode, c’est-à-dire « casser le code génétique du cœur ». Avec des modèles qui miment les premières phases du développement embryonnaire, la chercheuse étudie comment les cellules du cœur se spécialisent à partir de cellules progénitrices communes, et comment elles s’organisent dans le temps et l’espace pour donner un muscle fonctionnel. Ce travail vise à mieux comprendre la physiologie du cœur mais aussi certaines malformations cardiaques congénitales. Elles pourraient en outre aider à développer la thérapie cellulaire régénératrice en cardiologie. 

Du poisson zèbre à l’embryon

C’est en regardant le Téléthon chaque année à la télévision que la passion de Fabienne Lescroart pour la génétique a débuté. Son bac en poche, elle s’oriente immédiatement vers un magistère de génétique, un cursus de 5 ans très orienté vers la recherche. Son premier stage se déroule à New York, où elle commence à étudier le développement cardiaque du poisson zèbre et à construire son expertise en embryologie et en génétique. « Je suis vraiment devenue mordue pour le développement cardiaque à ce moment-là, et j’ai décidé d’y consacrer ma thèse de doctorat », se remémore la chercheuse. En 2007, elle intègre l’équipe de Margaret Buckingham, une biologiste renommée dans le domaine de la biologie du développement, au sein de l’institut Pasteur à Paris. « J’ai pu montrer qu’une même lignée de progéniteurs cellulaires donne à la fois naissance à des cellules musculaires de la tête et à des cellules cardiaques. » Une découverte originale puisque ces deux tissus sont différents sur le plan moléculaire, mais pas si surprenante : « Certaines pathologies cardiaques d’origine génétique sont associées à des difficultés fonctionnelles comme le sourire ou la déglutition. Cette association pourrait trouver son origine dans une lignée cellulaire commune », explique-t-elle. 

Elle poursuit ensuite son travail à Bruxelles, dans le laboratoire de Cédric Blanpain, sur un stade précoce du développement embryonnaire qui survient chez l’humain autour du 15e jour après la fécondation, au moment de la gastrulation. « C’est une étape déterminante pour l’embryon, celle où les premières cellules, organisées en feuillets, évoluent pour commencer à former les organes. » La chercheuse constate alors que, dès cette période pourtant très précoce, les cellules progénitrices qui donneront le cœur ne sont pas si plastiques qu’attendues : elles s’avèrent déjà assez spécialisées, destinées à évoluer vers l’une ou l’autre des régions du cœur. 

Fabienne Lescroart intègre ensuite l’unité Marseille Medical Genetics dirigée par Nicolas Levy, dans l’équipe de Stéphane Zaffran, dédiée à la biologie du développement du tissu cardiaque. Puis, en 2019, l’envie de mener ses projets la conduit à candidater, avec succès, au programme Atip-Avenir. Désormais responsable de sa propre équipe, elle utilise un modèle murin qui mime assez bien l’embryologie humaine. Elle a aussi recours à des cellules souches embryonnaires murines, in vitro. « Dès la gastrulation, différents facteurs interviennent sur le destin des cellules progénitrices : génétiques mais aussi exogènes, comme des signaux moléculaires envoyés par les tissus environnants. Ce travail doit permettre de comprendre, par exemple, ce qui va conduire un progéniteur à évoluer vers une cellule de l’oreillette ou du ventricule cardiaque. » L’objectif sera ensuite de valider ses résultats sur des cellules souches embryonnaires humaines. 

« Le soutien du programme Atip-Avenir me permet de conduire mes propres projets, c’est un tremplin pour la suite de ma carrière. Il m’a aussi donné l’opportunité de recruter deux post-doctorantes que je souhaite accompagner. Le mentorat est très important pour moi. J’ai été très bien encadrée tout au long de ma formation : je veux à mon tour transmettre ma passion pour le développement cardiaque et accompagner les jeunes dans leur envie d’évoluer vers la recherche », conclut Fabienne Lescroart. 

Note :
*unité 1251 Inserm/Aix-Marseille Université, équipe Développement du cœur, Centre de génétique médicale de Marseille