Yehezkel Ben-Ari

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Mis à jour le 14 février 2020 

Yehezkel Ben-Ari, biologiste et neurophysiologiste spécialiste des processus de maturation cérébrale, fait constamment progresser les connaissances sur les maladies neurologiques, les épilepsies, notamment infantiles, l’autisme, les conséquences des accidents vasculaires cérébraux. 

Maturation cérébrale

Dans le domaine de la maturation cérébrale, dès la fin des années 1980, Yehezkel Ben-Ari et ses collaborateurs ont découvert des règles fondamentales validées chez toutes les espèces animales et pour les structures cérébrales étudiées. Ils mettent ainsi en évidence que les neurones immatures ont, à un stade précoce de leur développement, une concentration plus élevée en chlore intracellulaire. 

Cela a pour conséquence que l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), dont l’action est transmise par des flux de chlore, excite les neurones immatures, alors qu’il inhibe ceux des adultes.Or le GABA est le principal transmetteur de l’inhibition cérébrale et la cible de très nombreuses molécules anti-épileptiques, anxiolytiques et anesthésiantes, telles les benzodiazépines. Ainsi, ces agents consommés par une femme enceinte auront des effets opposés sur les neurones de la mère et de l’embryon, ce qui a d’importantes implications cliniques. 

Ils ont ensuite mis en évidence que, peu avant l’accouchement, les hormones libérées par la mère préparent le fœtus à la naissance, en réduisant justement le chlore intracellulaire, ce qui entraîne une baisse de l’activité neuronale et une sorte d’anesthésie. Cela augmente ainsi la résistance des neurones aux accidents liés à l’accouchement et, notamment, aux épisodes anoxiques (manque d’oxygène) et traumatiques, avec des implications notamment en cas de naissances prématurées. De plus, des travaux récents montrent que des lésions cérébrales et des épilepsies s’accompagnent d’un retour à la situation immature, la réponse du cerveau aux agressions étant de revenir à un stade immature en accumulant du chlore dans les neurones. De ce fait, de nombreuses approches thérapeutiques sont ciblées sur cette propriété. 

Ils réalisent également les premiers enregistrements de neurones centraux chez des primates in utero. Ils découvrent les premiers « patrons » de décharge des réseaux neuronaux, apportant un schéma général de la séquence de maturation de l’activité neuronale. Des travaux parallèles permettent de démontrer qu’au cours de la maturation, les informations en provenance de la périphérie (notamment de la rétine et de la moelle épinière) fournissent une modulation importante des cartes corticales. L’ensemble de ces découvertes offre un concept général, qui permet de comprendre comment des cellules vont s’assembler pour créer des réseaux de neurones fonctionnels et comment l’activité électrique et l’environnement façonnent ce processus. 

Ces découvertes et les avancées conceptuelles qu’elles permettent soulignent l’importance de l’environnement dans le développement cérébral et les conséquences majeures, en termes de santé publique, de séquelles, souvent irréversibles, secondaires à des événements ayant altéré les activités électriques pendant la grossesse. Ben-Ari et ses collaborateurs ont illustré cela récemment, en montrant la nocivité de certaines molécules anti-épileptiques qui agissent sur le GABA pendant la grossesse, ainsi que celle de différentes molécules de grande consommation. 

Ils ont également développé des compétences et des plates-formes uniques en Europe pour étudier les séquelles de mutations humaines sur la construction du cerveau et, en particulier, les désordres de la migration neuronale à la source de bon nombre de maladies neurologiques, en particulier les épilepsies précoces, le retard mental et, probablement, l’autisme et d’autres maladies. L’objectif de ces travaux était de placer les efforts de recherche dans une direction post-génomique, sachant que les découvertes faites en génétique doivent s’inscrire dans la compréhension des effets que les mutations entraînent sur la maturation cérébrale. 

Yehezkel Ben-Ari et ses collègues militent depuis de nombreuses années pour convaincre le monde de la recherche et les autorités sanitaires de l’importance de développer des recherches centrées sur la maturation cérébrale, car bon nombre de maladies neurologiques naissent in utero, et sachant que « le cerveau immature n’est pas un petit cerveau adulte », il n’est pas logique, par conséquent, d’utiliser les mêmes molécules pour traiter les maladies précoces et les maladies adultes. 

Epilepsies et accidents vasculaires cérébraux 

Les travaux de Yehezkel Ben-Ari et de son équipe ont également apporté des avancées conceptuelles majeures dans la compréhension des épilepsies et, en particulier, de l’épilepsie temporale qui, à elle-seule, constitue une grande partie des épilepsies rebelles aux traitements. 

Ils ont été les premiers à développer le modèle animal qui mime le mieux les aspects électrographiques, cliniques et histopathologiques de ce type d’épilepsies. Ils ont aussi montré que l’administration d’une molécule, l’acide kaïnique (un analogue de structure de l’acide glutamique isolé de l’algue rouge Digenea simplex), engendre des crises associées à des lésions dans des régions cérébrales sensibles aux crises, suivies d’une réorganisation du réseau neuronal et de la formation de nouvelles connexions aberrantes entre neurones. En d’autres termes, le cerveau, après une lésion, forme de nouvelles connexions dont les propriétés vont contribuer à l’expression du syndrome. Le processus neurodégénératif est un processus continu, avec une « plasticité réactionnelle » qui joue un rôle central dans l’origine du syndrome. Ainsi, « la crise entraîne la crise » par l’intermédiaire d’une cascade : crise, lésion, bourgeonnement, formation de nouvelles synapses et genèse de nouvelles crises. Ces observations ont été, pour la plupart, confirmées chez l’homme et le concept de plasticité réactive est au centre des études actuelles. D’autant que cette plasticité réactive semble opérer dans d’autres maladies neurologiques et, notamment, dans les séquelles d’épisodes d’accidents cérébrovasculaires. Des travaux parallèles ont permis d’obtenir une description détaillée des propriétés du réseau épileptique et de son mode de fonctionnement, et permis ainsi de mieux comprendre les mécanismes délétères. 

Une série de recherches sur les maladies cérébrales du développement ont également permis de décrire les mécanismes des épilepsies infantiles – en utilisant une préparation unique qui permet de garder en survie artificielle des structures cérébrales intactes – et de montrer comment les crises se propagent dans le cerveau immature et altèrent de façon persistante son fonctionnement. Il a ainsi été montré que des substances couramment ingérées par les femmes enceintes peu avant l’accouchement, comme le café par exemple, peuvent entraîner, même à faible dose, des crises d’épilepsie chez le nourrisson quand elles sont associées à des baisses d’irrigation du cerveau du fœtus (au cours d’un accouchement difficile, par exemple). 

En résumé, les préoccupations de Yehezkel Ben-Ari vont de la recherche fondamentale à ses applications cliniques, faisant sienne cette phrase de Pasteur « Il n’y a pas de recherche appliquée, il y a des applications de la recherche fondamentale ». 

Biographie

Yehezkel Ben-Ari est né au Caire le 1er décembre 1943. Il a mené ses études secondaires au collège des frères du Caire puis au lycée agricole de Nahalal en Israël. Il a mené ses études supérieures à l’université hébraïque de Jérusalem puis à Paris. 

  • Bachelor of Sciences en biochimie et physiologie et un Master Degree, université hébraïque de Jérusalem, (Pr Y Palti) (1966).
  • Diplôme d’études approfondies de neurophysiologie à l’université Paris VI, professeurs Alfred Fessard et Denise Albe-Fessard (1967).
  • Docteur ès sciences, l’intitulé de sa thèse étant “La plasticité nerveuse unitaire” (1971).
  • Chercheur dans le laboratoire de physiologie nerveuse du CNRS, Institut Marey de Paris (1967–1971), laboratoire de physiologie nerveuse du CNRS de Gif-sur-Yvette, dirigé par Robert Naquet (1972–1986), laboratoire qui intègrera plus tard l’Institut de neurobiologie Alfred Fessard dont il a été l’un des concepteurs. 
  • Post-doctorant à l’université de Cambridge en Angleterre (MRC Unit) chez les Drs L Iversen et JS Kelly (1973–1975), au département des Pr E Rinvik et OP Ottersen, à l’université d’Oslo (1978), chez le Pr Krnjevic à l’université McGill à Montréal (1979–1980).
  • Maître de recherche, directeur de recherche de 1ère classe (1992), directeur de recherche de classe exceptionnelle (2002), directeur de recherche émérite au CNRS. 
  • Directeur de l’unité de recherche Inserm 29 « Neurobiologie et physiopathologie du développement » à l’hôpital Cochin-Port-Royal, Paris, à la succession d’Alexandre Minkowski (1986–1997).
  • En 1998, il migre avec tous les chercheurs, ingénieurs et administratifs de l’unité (une des plus importantes délocalisations de l’Inserm) pour construire et créer, avec le concours de l’Inserm, l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed), unité Inserm 29, à Marseille.
  • Directeur de cette unité de 1998 à 2007. Alfonso Represa-Belmejo lui succède en 2008 à la direction de l’unité, devenue unité 901 sous le même intitulé.
  • Directeur honoraire de l’Inmed, unité Inserm 901, puis 1249, depuis 2009.
  • Création de l’Institut Ben-Ari de neuroarchéologie (2017).

Instances scientifiques

  • Membre de la commission scientifique de la Fondation française de la recherche sur l’épilepsie, du comité scientifique du centre interdisciplinaire des neurosciences à l’université de Heidelberg (2003–2007) et du comité d’évaluation de la Deutsche Forschungs Gemeinschaft (DFG) de l’université de Göttingen (2006), ainsi que du comité de sélection de la DFG des centres d’excellence en neuroscience et neurologie, du comité scientifique consultatif international de l’Institut croate de recherche sur le cerveau (2004), du comité scientifique consultatif du congrès international de la Ligue internationale contre l’épilepsie (ILAE).
  • Membre de la commission « Biologie du développement » du ministère de la Recherche et de la Technologie, de la commission scientifique du CNRS « Pharmacologie des récepteurs induits par les neurotransmetteurs ».
  • Expert pour l’évaluation de projets de recherche du Welcome Trust, des académies internationales tchèque, suisse, israélienne, canadienne, entre autres, ainsi que de nombreuses fondations américaines. 

Sociétés savantes – Académies

Membre de nombreuses sociétés savantes, notamment, l’American Society for Neuroscience, la Physiological Society et la Société française des neurosciences. 

Prix – Distinctions

  • Grand Prix de l’American Epilepsy Society (2000)

L’American Epilepsy Society est une société prestigieuse dans le domaine de l’épilepsie. Le prix qu’elle attribue chaque année a pour but de récompenser les découvertes qui vont améliorer la santé des épileptiques, la compréhension des mécanismes de l’épileptogenèse et le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Yehezkel Ben-Ari est le premier chercheur français à recevoir cette distinction que seul un clinicien français, Jean Aicardi, avait auparavant reçue pour ses travaux dans le domaine de l’épilepsie infantile. 

  • Grand prix de la santé de la Fondation électricité de France (2002)
  • Prix de recherche Rotary Brain (2006)
  • Grand prix Inserm de la recherche médicale (2009)
  • Docteur honoris causa, université de Liège, Belgique (2009)
  • Prix de la Société européennes d’épilepsie (2010)