Marthe Gautier

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Marthe Gautier se découvre très tôt une vocation pour la médecine, dans le domaine de la pédiatrie. En 1942, à 17 ans, elle rejoint sa sœur, qui termine ses études de médecine à Paris, avec, comme objectif, les concours pour devenir pédiatre de haut niveau. Le décès de sa sœur en août 1944, lors des affrontements d’une France en pleine Libération, la prive de son grand mentor ; celle-ci lui disait « Souviens-toi, nous sommes de simples femmes et, pour réussir, nous devons travailler deux fois plus que les hommes ; en outre, nous sommes issues de parents paysans et nous ne sommes pas filles de patrons. » 

Elle réussit le concours de l’internat des hôpitaux de Paris et passe quatre années en apprentissage clinique en pédiatrie dans l’Ecole Debré. Elle se présente au médicat, seule femme et sans aucun espoir de l’obtenir à cette époque. En 1955, elle soutient sa thèse de doctorat en cardiologie pédiatrique sous la direction de Robert Debré sur l’étude clinique et anatomopathologique des formes mortelles de la maladie de Bouillaud ou rhumatisme articulaire aigu, due à l’expression du streptocoque. 

Robert Debré propose à Marthe Gautier une bourse d’études d’un an à Harvard pour y acquérir des connaissances nouvelles en cardiologie pédiatrique, car c’est le début de la chirurgie cardiaque des tous petits en France, avec deux objectifs : 1) éradiquer la maladie de Bouillaud par la pénicilline et traiter des cardites parfois mortelles par la cortisone, nouveau traitement peu ou mal utilisé en France ; 2) créer un département pour le diagnostic et la chirurgie des cardiopathies congénitales du nouveau-né et du nourrisson. 

En 1955, Marthe Gautier part pour Boston, accompagnée de Jean Aicardi et Jacques Couvreur, tous trois boursiers de la Fondation Fullbright (ils seront les premiers internes des hôpitaux de Paris à avoir une bourse d’étude pour les Etats-Unis). Outre l’objectif qui lui avait été fixé, elle travaille également à mi-temps dans un laboratoire de culture cellulaire pour obtenir, à partir de fragments d’aortes, des cultures in vitro de fibroblastes (cellules du tissu conjonctif). Elle va ainsi se former à cette technique. 

A son retour en France, alors qu’elle devait obtenir un poste de chef de clinique dans le service de cardiologie infantile à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, celui-ci a été attribué à un collègue. Marthe Gautier est alors obligée de trouver une alternative. Avec Jean Aicardi, elle rejoint une équipe de Raymond Turpin, chef de l’unité pédiatrique, à l’hôpital Trousseau. Celui-ci est intéressé par la génétique humaine et médicale, la plupart de ses travaux en ce domaine étant centrés sur des données statistiques et sur les dermatoglyphes, c’est-à-dire l’étude scientifique des modèles d’empreintes digitales pour tenter de distinguer “l’inné de l’acquis”. Il étudie les syndromes poly-malformatifs, notamment le syndrome de Down (ou mongolisme), caractérisé par un retard mental et des anomalies morphologiques. Partisan de l’hypothèse d’une origine chromosomique de ce syndrome, il émet l’idée de faire des cultures cellulaires pour compter le nombre de chromosomes chez les enfants atteints de mongolisme, mais, à l’époque, aucun laboratoire ne fait de culture cellulaire en France. Marthe Gauthier propose d’effectuer ces cultures, grâce aux techniques qu’elle a pratiquées aux Etats-Unis et qu’elle maîtrise parfaitement, début 1958, Marthe Gautier, sans aucune aide financière, met en culture des cellules de patients atteints de mongolisme. Elle va ainsi participer de manière capitale à la mise en évidence d’un chromosome surnuméraire chez les enfants mongoliens ; c’est la découverte de la trisomie 21. 

A la fin des années 1950, elle décide de reprendre son projet initial dédié à la cardiologie infantile et entre dans le service du professeur Nouaille que celui-ci vient d’ouvrir à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. 

En 1966, Daniel Alagille, chef du service d’hépatologie infantile et directeur de l’unité Inserm 56 “Hépatologie infantile” à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, demande à Marthe Gautier de créer le département d’anatomo-pathologie des maladies hépatiques de l’enfant.

Elle mettra ensuite en place un laboratoire de culture de tissus pour l’étude des fibroblastes et des hépatocytes porteurs d’autres anomalies métaboliques congénitales altérant le foie, et cela en collaboration avec des biochimistes. Il s’agissait d’enfants concernés par l’intolérance au fructose ou au galactose ou par diverses maladies de surcharge. 

Elle détecte l’origine des ictères des nouveaux nés et des nourrissons, tant au niveau de la cellule hépatique que des voies biliaires, en collaboration avec Renée Habib et Le Tan Vin. Elle participe ainsi à l’individualisation de ce que l’on appellera le syndrome d’Alagille, avec ses composantes des voies biliaires et les artères pulmonaires anormales, syndrome de malfaçon congénitale. 

Elle termine sa carrière scientifique par l’étude biochimique des maladies de surcharge de malades hépatiques, et cela avec de nouveau les cultures cellulaires des cellules hépatiques fibroblastiques. 

Marthe Gautier a consacré toute sa vie professionnelle à l’étude de différentes anomalies congénitales chez les nourrissons et les enfants. 

Biographie

Marthe Gautier est née 10 septembre 1925 à Montenils (Seine-et-Marne). Elle a mené ses études supérieures aux facultés de médecine et des sciences de Paris. 

  • Externe (1946), puis interne (1951) des hôpitaux de Paris.
  • Diplôme d’anatomo-pathologie (1952).
  • Thèse en cardiologie pédiatrique sous la direction de Robert Debré. Sujet de thèse « Etude clinique et anatomopathologique des formes mortelles de la maladie de Bouillaud ou rhumatisme articulaire aigu, due à l’infection par le streptocoque bêta-hémolytique (1955).
  • Research Fellow, bourse d’étude de la Fulbright Foundation, à l’université Harvard, Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis (1955–1956).
  • Chef de clinique dans le service de Raymond Turpin, chef de l’unité pédiatrique de l’hôpital Trousseau (1957–1960), crée le premier laboratoire de culture cellulaire (1957).
  • Attachée médicale des hôpitaux de Paris (1957).
  • Certificat d’histochimie et de biologie cellulaire (1957).
  • Attachée médicale dans le service de cardiologie infantile nouvellement créé du professeur Nouaille à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (1958).
  • Assistante des hôpitaux de Paris (1961).
  • Fondatrice et directrice du département d’anatomo-pathologie des maladies hépatiques de l’enfant à la demande de Daniel Alagille, directeur de l’unité de recherche Inserm 56 “Hépatologie infantile”, à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (1966).
  • Créatrice et directrice du département de culture cellulaire (1966).
  • Maître de recherche (1967), puis directrice de recherche à l’Inserm.
  • Attachée consultante des hôpitaux de Paris (1978).

Marthe Gautier est décédée le 30 avril 2022.

Instances scientifiques et d’administration de la recherche 

Membre de la commission scientifique spécialisée (CSS) de l’Inserm « Métabolismes inorganiques, physiologie et pathologie hépatiques et digestives » (1968, 1969–1974), de la CSS « Reproduction et développement, glandes endocrines, tissus calciques et articulation, odontologie : physiologie, physiopathologie, pharmacologie, toxicologie, chirurgie, radiologie, épidémiologie, santé publique, génie biologique et médical » (1979–1982).

Sociétés savantes – Académies 

  • Membre de la Société française de pédiatrie (1960).
  • Membre de l’Association of European Pediatric Cardiologists (1963).
  • Membre de la Société française de cardiologie (1970).
  • Membre de l’European Tissue Culture Society (1979).

Distinctions – Prix 

  • Prix Winslow, Copenhague (1971).
  • Prix Monthyon de l’Académie des sciences – Institut de France (1975).
  • Grand prix de génétique humaine de la Société française de génétique humaine et de la Fédération française de génétique humaine pour la mise en évidence des 47 chromosomes dans la trisomie 21 (2014).
  • Officier de la Légion d’honneur (2014).