Jean-Louis Mergny

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La recherche de Jean Louis Mergny est centrée sur des structures d’acides nucléiques inhabituelles, connues sous le nom G‑quadruplex (G4). Il s’agit de structures secondaires à quatre brins que peuvent adopter les acides nucléiques (ADN ou ARN) riches en résidus de guanine. Il conçoit notamment de nouveaux outils biochimiques, bio-informatiques et physicochimiques permettant de montrer que ces quadruplex sont impliqués dans des fonctions biologiques particulières. 

Soixante ans après la découverte de la double-hélice, la complexité structurale des acides nucléiques n’est toujours pas bien comprise. Ces biopolymères ne peuvent pas être considérés comme de simples polymères linéaires simple- ou double-brins, mais plutôt comme des architectures tridimensionnelles complexes. En plus de l’hélice B canonique droite, l’ADN est prédisposé à adopter une variété de structures secondaires à deux, trois ou quatre brins. 

Les travaux de thèse de Jean Louis Mergny menés dans le laboratoire de biophysique dirigé par Claude Hélène au Muséum national d’histoire naturelle à Paris concernaient les triple-hélices. A cette époque, l’intercalation de petits ligands dans des structures triplex (structure d’ADN tricaténaire ou triple brin) était considérée comme impossible. Il a prouvé que cette hypothèse était erronée et que, mieux encore, certains composés pouvaient se lier préférentiellement aux triplex. Ce travail a constitué la première démonstration que l’on pouvait concevoir des ligands d’ADN spécifiques d’une structure particulière. 

Il s’est ensuite intéressé à des conformations d’acides nucléiques à 4 brins : le motif‑i et les quadruplex de guanines (G4).Le motif i, découvert en 1993 par l’équipe de Maurice Guéron à l’Ecole polytechnique, est une architecture extrêmement inhabituelle. Stabilisé par des conditions acides, ce motif est constitué de deux duplex d’ADN à brins parallèles maintenus ensemble dans une orientation antiparallèle par des paires de bases intercalées cytosine-cytosine+. Dans les années 1990, Jean-Louis Mergny a disséqué les effets de séquence sur la stabilité et la cinétique du motif i. Cette structure est ensuite retombée dans un oubli relatif, en raison de son instabilité à pH physiologique. Il a cependant récemment montré qu’il était possible de lever cette limitation en insérant le motif‑i dans un édifice supramoléculaire particulier, ce qui ouvre de nouvelles perspectives, comme la conception de sondes de pH de très haute sensibilité ou de nanostructures capables de répondre à un changement de pH. 

Les quadruplex de guanines sont quant à eux tout à fait compatibles avec les conditions physiologiques. Ils résultent de l’empilement de plusieurs quartets de guanines (reliés par des liaisons hydrogène entre 4 guanines coplanaires) et stabilisés par des cations comme le potassium, très abondant dans la cellule. Les cations jouent d’ailleurs un rôle essentiel dans la structure et la stabilité des G4. Le développement d’outils spécifiques (anticorps, ligands) permettant la visualisation de ces structures dans les cellules a constitué une étape-clé. L’équipe de Jean Louis Mergny a par exemple démontré que l’on pouvait suivre directement la formation d’un G4 dans un ovocyte de Xénope par RMN in vivo ou la fixation d’un ligand radioactif sur des chromosomes humains. Des preuves critiques sont également apparues pour une variété d’organismes procaryotes ou eucaryotes tels que Neisseria gonorrhoeae, Saccharomyces cerevisiae et Caenorhabditis elegans, expliquant pourquoi les quadruplex sont passés du statut de simple curiosité de laboratoire à celui de « hot topic » en une douzaine d’années. Il ne fait guère de doute que cette structure est formée, au moins transitoirement, in vivo et constitue a minima un problème à résoudre pour les machinerie de réplication, transcription ou réparation, mais également un élément de régulation modulant des évènements-clés pour la cellule. 

Avec ses collaborateurs, il a mis au point des méthodes biophysiques simplespour étudier ces structures in vitro, puis appliqué ces techniques pour évaluer la stabilité thermodynamique des G4. Ces travaux ont permis de cerner les séquences susceptibles d’adopter cette conformation. Les répétitions riches en G des extrémités des chromosomes (télomères) ont été les premières à recevoir une grande attention ; elles constituent pourtant un modèle particulièrement complexe et polymorphe, rendant toute analyse quantitative ou structurale délicate. Il est à noter que des acteurs extérieurs peuvent affecter ces structures, en induisant leur formation (molécules chaperones) ou, au contraire, en les déroulant (enzymes hélicases). Par ailleurs, comme les outils de prédiction disponibles sont clairement insuffisants, ils ont développé en 2016 un nouvel algorithme de prédiction plus fiable, qui facilitera considérablement les analyses génomiques. 

Ils se sont également intéressés aux ligands de quadruplex et ont identifié de nouvelles familles de ligands G4. Sous certaines conditions, certains de ces ligands inhibent la télomérase dans les cellules cancéreuses. Cependant, ils ont aussi démontré que ces composés ne peuvent pas être considérés comme des inhibiteurs simples de télomérase entraînant un changement de paradigme dans la compréhension des fonctions de ces molécules. Ces ligands ont un effet antiprolifératif sur les cellules cancéreuses et l’un d’entre eux est en essais cliniques de phase II. Ils étudient maintenant également les effets antiviraux de certains composés. 

Jean Louis Mergny est directeur de l’unité mixte de recherche Inserm/CNRS/université de Bordeaux « ARN : régulations naturelles et artificielles « , ainsi que de l’Institut européen de chimie et de biologie, un incubateur d’équipes de recherche international et interdisciplinaire, placé sous la tutelle conjointe du CNRS, de l’Inserm et de l’université de Bordeaux et collaborant avec des centres de recherche publique et privée, sur le campus de Pessac. 

Biographie

Jean-Louis Mergny est né le 5 août 1966 à Nantes. Il a mené ses études secondaires à Nantes et ses études supérieures à Paris. 

  • Ecole normale supérieure, rue d’Ulm, Paris (1986).
  • Doctorat en biophysique, dont la thèse s’intitule : « Triple-hélices : études spectroscopiques », sous la direction de Thérèse Garestier et Claude Hélène, université Paris VI (1991).
  • Chargé de recherche de 2ème classe (1993), de 1ère classe, directeur de recherche de 2ème classe (2002), de 1ère classe à l’Inserm.
  • Habilitation à diriger des recherches, université Paris VI (1999).
  • Directeur-adjoint de l’unité mixte de recherche Inserm 565/CNRS/Muséum national d’histoire naturelle « Acides nucléiques : dynamique, ciblage et fonctions biologiques » dirigée par Carine Giovannangeli, Muséum national d’histoire naturelle, Paris (2006–2009).
  • Directeur de l’unité mixte de recherche Inserm 869/université de Bordeaux « Acides nucléiques : régulations naturelles et artificielles » (2011–2015), puis Inserm 1212/CNRS 5320/université de Bordeaux depuis 2016.
  • Directeur de l’unité mixte de service CNRS 3033/Inserm 01, Institut européen de chimie biologie, depuis 2013.
  • Directeur de l’Institut européen de chimie biologie (www.iecb.u‑bordeaux.fr), Bordeaux, depuis 2015.
  • Directeur-adjoint du site de recherche intégré sur le cancer « Bordeaux Research in Oncocoly » (https://siric-brio.com/), Bordeaux, depuis 2016. 

Instances scientifiques et de gestion de la recherche

Editeur des journaux Biochimie depuis 2006, de Methods (2012–2015).

Sociétés savantes – Académies

Membre de la Société française de biochimie et biologie moléculaire. 

Prix – distinctions 

  • Prix du Dr. et de Mme Henri-Labbey, Académie des sciences, Institut de France (2000).
  • Prix Maurice-Nicloux de la Société française de biophysique et biologie moléculaire (2001).
  • Prix Inserm de recherche thérapeutique (2002). 
  • Guest Professor, Chinese Academy of Sciences, Changchun (2010).