Françoise Bachelerie

Les recherches de Françoise Bachelerie portent sur les mécanismes moléculaires, cellulaires et immunitaires qui régissent les interactions entre un virus et son hôte. Plus spécifiquement, ses recherches sont focalisées sur le rôle majeur de certains types de récepteurs aux chimiokines (des cytokines qui contrôlent la migration et le positionnement des cellules immunitaires) qui sont normalement impliqués dans le contrôle des infections virales, mais qui peuvent servir de voie d’entrée pour permettre au virus de pénétrer dans la cellule, contribuant ainsi au développement des infections. Au-delà de la compréhension de ces processus fondamentaux, les travaux de Françoise Bachelerie ont des implications médicales : des études précliniques ont démontré le potentiel thérapeutique d’antagonistes spécifiques de cette famille de récepteurs ou de leurs ligands pour bloquer ou mieux contrôler une infection virale.

photo de Françoise Bachelerie, datant de 2020
Françoise Bachelerie © Didier Goupy 2020

Après avoir obtenu son doctorat à l’Institut Pasteur en 1991, avec une thèse portant sur la régulation du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) responsable du sida, Françoise Bachelerie part aux États-Unis pour faire un premier stage post-doctoral de deux ans dans le laboratoire d’Irvin Chen à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA). De retour à l’institut Pasteur, elle identifie en 1996, avec ses collègues dont Ali Amara et Fernando Arenzana-Seisdedos de l’unité d’immunologie virale dirigée par Jean-Louis Virelizier, le ligand naturel du récepteur CXCR4, un des deux corécepteurs qui permettent l’entrée du VIH dans les cellules humaines. Il s’agit de la chimiokine CXCL12 qui, en conséquence, agit comme un inhibiteur naturel de l’infection par le VIH. Ces travaux se sont développés dans un environnement scientifique rendu très dynamique par l’identification foisonnante de nouvelles chimiokines et de leurs récepteurs. En augmentant la complexité des interactions moléculaires, ces découvertes ont ouvert de nouveaux champs de recherches fructueuses en biologie cellulaire, immunologie et pharmacologie, comme pour l’étude des interactions entre les virus et leur hôte humain. En particulier, ses travaux ont révélé l’importance du « couple » CXCL12/CXCR4 au cours du développement embryonnaire et dans de nombreux processus homéostatiques liés à la migration des cellules immunitaires, mais plus largement à la prolifération et la survie de la grande majorité des cellules humaines.

Françoise Bachelerie a suivi ce fil rouge en intégrant des collaborations avec des cliniciens qui s’intéressent à des maladies rares, dont Olivier Hermine, Alain Fisher et Jean Donadieu, lui permettant de tester des hypothèses physiopathologiques et thérapeutiques à partir d’observations cliniques.

Le premier modèle murin du syndrome WHIM

Au début des années 2000, Françoise Bachelerie développe avec ses collaborateurs des approches et des modèles originaux, en particulier avec la mise au point du premier modèle murin du WHIM, un syndrome immunologique héréditaire très rare, caractérisé par une susceptibilité au développement de pathologies associées aux infections par les papillomavirus humains (HPV). Ce syndrome est causé par le dysfonctionnement du récepteur CXCR4, le plus souvent lié au seul polymorphisme naturel de son gène connu à ce jour. En combinant l’étude de ce modèle murin à des expériences conduites in vitro et ex vivo à partir de prélèvements sanguins de patients, son équipe a obtenu des résultats majeurs pour la compréhension des mécanismes par lesquels CXCR4 contrôle le déplacement des leucocytes dans l’organisme, depuis la circulation sanguine jusqu’à leur site d’action dans les tissus sources de CXCL12 (phénomène de la « migration orientée » ou « chimiotaxie »).

Des récepteurs de chimiokines aux propriétés atypiques…

En 2005, avec son équipe, elle identifie le second récepteur de CXCL12 (RDC1, renommé CXCR7, puis ACKR3). Cette découverte ouvre une nouvelle ligne de recherche qui vise à caractériser les fonctions régulatrices inattendues de ce récepteur, associé au groupe des récepteurs de chimiokines dits atypiques (Atypical ChemoKine Receptor ou ACKR 1–4).

Ces récepteurs, du fait de leurs propriétés de capture et d’internalisation de leurs ligands ainsi que de leur incapacité à activer les voies canoniques de signalisation des récepteurs classiques de la même famille (récepteurs membranaires couplés aux protéines G hétérotrimériques ou RCPG), furent distingués comme une classe de récepteurs atypiques en 2014, par un comité international d’experts dont Françoise Bachelerie est membre. Reste à comprendre de quelle manière ces récepteurs atypiques peuvent moduler l’activation des RCPG, notamment en contrôlant les concentrations locales et circulantes des chimiokines. Cet objectif est au cœur de nombreux programmes de recherche internationaux qui couvrent un large champ d’expertises interdisciplinaires, allant de la pharmacologie moléculaire à la biologie structurale et cellulaire, à la neurobiologie ou à l’immunologie/microbiologie.

… fil directeur des recherches actuelles de Françoise Bachelerie

Aujourd’hui, Françoise Bachelerie est la directrice de l’unité Inflammation, microbiome et immunosurveillance (unité 996 Inserm/Université Paris-Saclay, Orsay) où elle dirige une des trois équipes, les deux autres étant dirigées par Marc Pallardy et Gabriel Perlemuter/Anne-Marie Cassard. Elle pilote depuis 2015 la structure fédérative de recherche Institut Paris-Saclay d’innovation thérapeutique (IPSIT), qui a pour objectif de favoriser l’interface entre les chimistes, physico-chimistes et les biologistes, pharmacologues, galénistes et cliniciens via un programme de séminaires mensuels.

Les recherches actuelles de l’équipe de Françoise Bachelerie suivent le fil directeur de l’exploration des mécanismes moléculaires et cellulaires qui soutiennent l’expression et l’activation du trio formé par CXCL12 et ses récepteurs CXCR4 et ACKR3. Plus spécifiquement, il s’agit de décrypter leurs interactions avec le réseau des RCPG et de leurs chimiokines dans l’homéostasie de la peau en relation avec le contrôle du cycle de vie des papillomavirus. Ces derniers constituent une large famille de virus (avec plus de 440 membres, très proches au plan génétique) qui infectent strictement les épithéliums cutanés et muqueux. Certains sont connus pour être responsables de 5 % des cancers humains (en particulier, cancers du col de l’utérus et des voies aérodigestives supérieures et possiblement cancer cutané non-mélanome). Cette dernière décennie a cependant vu un changement de paradigme lorsqu’il est apparu que les papillomavirus sont des virus commensaux qui peuplent la peau et les muqueuses de chaque individu. L’existence, encore peu documentée de ce microbiome viral (ou virome), apporte un nouveau cadre conceptuel à l’étude de nos interactions avec ces virus jusqu’à alors considérées comme des pathogènes stricts, mais qui pourraient contribuer à l’homéostasie des épithéliums par des mécanismes qui restent à définir. L’objectif de l’équipe de Françoise Bachelerie est d’identifier ces mécanismes tout comme les facteurs – humains, viraux et environnementaux – qui sont en cause dans le déséquilibre des interactions hôte/HPV qui conduisent ces commensaux à la pathogénèse. Pour cela, l’équipe s’appuie sur des cliniciens et contribue à plusieurs réseaux européens à travers le montage de projets de recherche pluridisciplinaire intégrant des biologistes, des pharmacologues des physico-chimistes et des galénistes. Ces collaborations enrichissent les approches expérimentales de l’équipe qui combinent des cultures d’organoïdes de peau aux analyses de modèles murins et aux études réalisées à partir de prélèvements de patients atteints d’une susceptibilité particulière au développement de maladies imputables aux infections HPV (verrues et lésions cancéreuses). 

BIOGRAPHIE

Françoise Bachelerie est née le 30 mai 1961 à Tulle (Corrèze). Elle a mené ses études secondaires à La Rochelle (Charente maritime) et ses études supérieures à l’université Paris-Sud, devenue Paris-Saclay.

Parcours

  • 1986–1990 : Doctorat es-sciences, portant sur la régulation du virus de l’immunodéficience humaine VIH/sida, sous la direction de Jean-Louis Virelizier, Institut Pasteur, Paris
  • 1991–1993 : Post-doctorat dans le laboratoire d’Irvin SY Chen, département de microbiologie et d’immunologie, École de médecine, Université de Californie, Los Angeles (UCLA), Etats-Unis
  • 1993–1995 : Post-doctorat au sein de l’unité d’immunologie virale, dirigée par Jean-Louis Virelizier, Institut Pasteur, Paris
  • 1995 : Recrutement à l’Inserm en tant que chargée de recherche de 1re classe (promue directrice de recherche de 2e classe en 2005, directrice de recherche de 1re classe en 2014)
  • 1996–2010 : Chercheuse dans l’unité Inserm 819 Pathogénie virale moléculaire, dirigée par Fernando Arenzana-Seisdedos, Institut Pasteur, Paris
  • 2010–2014 : Chercheuse au sein de l’unité 996 Inserm/université Paris-Sud Cytokines, chimiokines et immunopathologie, dirigée par Dominique Émilie (-2011), puis par Marc Pallardy (2011–2014), hôpital Antoine Béclère, Clamart
  • Depuis 2015 : Directrice de la structure fédérative de recherche IPSIT
  • 2015–2020 : Directrice de l’unité 996 Inserm/université Paris-Saclay, dont l’intitulé devient Inflammation, chimiokines et immunopathologie, et responsable de l’équipe Immunorégulation, chimiokines et persistance virale
  • 2021 : Mandat renouvelé pour la même unité, désormais intitulée Inflammation, microbiome et immunosurveillance et localisée au sein de l’Institut Henri Moissan à Orsay qui héberge la faculté de pharmacie.

Participation aux instances scientifiques et d’organisation de la recherche

  • 2002–2006 : Agence nationale de recherche sur le sida
  • 2003–2007 : Sidaction
  • Depuis 2008 : Fonds national de la recherche scientifique (FNRS), Bruxelles, Belgique
  • Depuis 2015 : Natural Sciences and Engineering Research Council of Canada
  • 2015–2017 : Canadian Agency
  • 2016–2017 : European Research Area
  • Depuis 2019 : EEA & Norway Grants
  • Depuis 2019 : Agence nationale de la recherche
  • Depuis 2022 : Appels à projets internationaux INSERM

Membre de comités locaux : 

  • 2010–2020 : comité de pilotage du laboratoire d’excellence en recherche sur le médicament et l’innovation thérapeutique 
  • Depuis 2021 : Health and therapeutic Innovation – HEALTHI 
  • Depuis 2021 : comité local de l’Institut Pascal UPSaclay, comme représentante de la Graduate School Health & Drug Sciences, et conseil scientifique de l’UFR de pharmacie 

Sociétés savantes – Académies

  • Membre de la Société française d’immunologie, depuis 2012 
  • Membre de GDR G Protein-coupled Receptors : from physiology to drugs – RCPG-Physio-Med, depuis 2012
  • International Research Network (IRN) on GPCRs, depuis 2021

Publications (PubMed)