Emmanuel Lemichez

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Emmanuel Lemichez est un spécialiste des toxines bactériennes protéiques. Il cherche à définir le mécanisme d’action de ces toxines dans les étapes de l’infection, en vue de développer des tests de prédiction des risques d’évolution de l’infection et permettre ainsi aux cliniciens d’agir précocement pour prévenir les infections graves. 

Les toxines bactériennes protéiques sont fréquemment responsables des symptômes de la phase aiguë de l’infection. Il est essentiel de déterminer leur mode d’action pour prédire le potentiel de virulence des bactéries et développer des contre-mesures appropriées. Au-delà de leur implication dans les processus infectieux, les toxines ont joué un rôle capital dans l’identification des voies de signalisation impliquées dans un large spectre de maladies humaines, comme les maladies inflammatoires et les cancers. Elles sont également couramment utilisées pour déchiffrer les bases moléculaires des interactions entre les bactéries pathogènes et leurs hôtes. Enfin, les connaissances acquises sur le mode d’action des toxines permettent aujourd’hui d’envisager de détourner leur activité pour élaborer de nouvelles stratégies thérapeutiques. L’injection locale de la toxine botulinique pour bloquer la transmission cholinergique neuromusculaire et donc les contractions musculaires involontaires en est un exemple remarquable. 

Les études menées par Emmanuel Lemichez ont permis de préciser les mécanismes d’action de toxines capables d’induire la rupture des barrières épithéliales et endothéliales. Cette rupture favorise la dissémination des bactéries pathogènes dans les tissus et leur entrée dans les cellules, au sein desquelles elles se développent pour former des réservoirs. Un grand nombre de toxines agissent en catalysant la modification post-traductionnelle des petites GTPases de la familleRho. L’étude de ce groupe de toxines a permis de découvrir et de préciser l’importance des GTPases Rho dans la dynamique du cytosquelette d’actine, élément majeur de contrôle de la structure et de la plasticité cellulaire et tissulaire. 

Notamment, ses recherches ont permis de révéler un phénomène spectaculaire de formation de larges tunnels transcellulaires au travers des cellules endothéliales, provoqué par certaines toxines produites notamment par les staphylocoques, les clostridies, Bordetella pertussis et Bacillus anthracis. Ces tunnels de plusieurs microns de diamètre sont associés à l’apparition d’œdèmes, d’hémorragies et de métastases septiques. En collaboration avec des physiciens, il a établi que l’ouverture des tunnels met en jeu un processus biomécanique de démouillage cellulaire résultant d’une augmentation de la tension de membrane. L’ouverture de ces tunnels est alors restreinte par la cellule endothéliale, qui les ceinture d’un cable d’actomyosine rigide, pour limiter leur élargissement et les fuites vasculaires associées. Enfin, les tunnels sont refermés par polymérisation d’actine. La poursuite de ces études doit permettre une meilleure compréhension de processus physiopathologiques vasculaires et de la dissémination bactérienne par voie hématogène et permettra d’élucider les mécanismes moléculaires de la diapédèse, c’est-à-dire la migration des leucocytes au travers de la barrière endothéliale. 

Un point central de ses études concerne aussi les toxines activatrices des GTPases Rho comme la toxine CNF1 produite par les bactéries Escherichia coli pathogènes. L’étude de cette toxine a permis de mettre en évidence un nouveau mode de régulation de ces GTPases par ubiquitination et dégradation protéasomale, ainsi que leur fonction régulatrice de l’inflammation. Ces découvertes ont été valorisées par des brevets sur l’utilisation des activateurs des Rho GTPases comme adjuvant pour la vaccination thérapeutique et prophylactique. Ces découvertes ont des implications dans la compréhension des mécanismes cancéreux et les maladies inflammatoires. L’ensemble de ce travail ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche de molécules immuno-stimulantes anti-microbiennes et anti-cancéreuses. 

Emmanuel Lemichez a reçu en 2014 le prix Jacques Piraud pour les maladies infectieuses, récompensant ses recherches sur le rôle des toxines microbiennes dans l’infection et sur la manière de s’en servir de façon thérapeutique. 

Biographie

Emmanuel Lemichez est né le 22 août 1969 à Suresnes (Hauts-de-Seine). Il a mené ses études secondaires au lycée Chaptal à Paris et ses études supérieures à l’université Pierre et Marie Curie. 

  • DEA de génétique cellulaire et moléculaire, université Pierre et Marie Curie, Paris (1992).
  • Doctorat de génétique cellulaire et moléculaire de l’université Pierre et Marie Curie, dont la thèse s’intitule « Toxine diphtérique et facteur cytotoxique nécrosant (CNF1) : mécanismes d’internalisation et mode d’action intracellulaire » (1997).
  • Post-doctorat sur le sujet « Fonction des GTPases Rho chez les plantes », laboratoire de Nam Hai Chua, université Rockefeller, New York, Etats-Unis (1997–2000).
  • Chargé de recherche de deuxième classe (2000), directeur de recherche de deuxième classe (2007), directeur de recherche de première classe (2016), à l’Inserm.
  • Habilitation à diriger des recherches, université de Nice Sophia-Antipolis et CHU de Nice (2003).
  • Chercheur dans l’unité Inserm 452 « Biologie cellulaire et moléculaire des microorganismes pathogènes et de leurs toxines », dirigée par Patrice Boquet, université de Nice-Sophia Antipolis et CHU de Nice (2000–2003).
  • Directeur de l’unité Inserm 627 « Toxines bactériennes dans la relation hôte pathogène », université de Nice-Sophia Antipolis et CHU de Nice (2004–2007). Il a créé cette unité, en succédant à Patrice Boquet. 
  • Directeur de l’équipe « Toxines microbiennes dans la relation hôte pathogènes » au sein du centre méditerranéen de médecine moléculaire, université de Nice-Sophia Antipolis et CHU de Nice, depuis 2008.

Prix – distinctions

  • Prix Jacques-Piraud de la Fondation pour la recherche médicale – FRM, pour sa contribution remarquable dans le domaine des maladies infectieuses (2014).