Dominique Meyer

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Mis à jour le 17 mai 2019 

Dominique Meyer a consacré ses travaux à l’étude de l’hémostase, soit l’ensemble des réactions concourant à l’arrêt du saignement et à l’intégrité vasculaire. Elle a plus particulièrement étudié l’une des protéines en jeu, le facteur Willebrand, objet central de ses recherches sur les mécanismes moléculaires assurant l’équilibre entre hémorragie et thrombose.

Attirée très tôt par la recherche, elle a eu le privilège, encore étudiante en médecine, d’être recrutée à 24 ans comme chercheur à l’Institut national d’hygiène (devenu Inserm en 1964) et d’être accueillie dans l’un des laboratoires de Jean Bernard consacré à l’hémostase et dirigé par Marie-José Larrieu. Elle a alors choisi d’étudier les maladies génétiques de l’hémostase. Il s’agissait d’éclairer un domaine assez bien connu dans ses aspects cliniques mais presque totalement ignoré des chercheurs. Il lui est rapidement apparu que pour mener ces travaux, elle devait poursuivre une double activité de recherche et de biologie hospitalière, qui a été la clé de son parcours. 

La maladie qu’elle a le plus étudiée, la maladie de Willebrand, affection hémorragique particulièrement fréquente, l’a très vite passionnée par sa richesse et son mystère. Richesse de sa diversité biologique et d’une atteinte conjuguée, très originale, de l’hémostase primaire et de la coagulation ; mystère de son origine moléculaire alors incomprise. En effet, il a fallu, avec d’autres équipes étrangères, de nombreux travaux avant de découvrir que cette maladie était liée aux désordres d’un facteur d’hémostase inconnu jusque-là, le Facteur Willebrand. C’est une protéine de structure très particulière formée de sous-unités identiques dont le degré de multimérisation (poids moléculaire pouvant atteindre plusieurs millions de daltons) conditionne étroitement l’activité biologique. Ce facteur conjugue deux fonctions : d’une part, une action sur l’hémostase primaire, par l’attraction des plaquettes sanguines vers les lésions vasculaires afin d’obtenir l’arrêt du saignement après adhésion et agrégation plaquettaires ; d’autre part, une action sur la coagulation, par le transport et la stabilisation du facteur VIII (facteur antihémophilique A). 

Si beaucoup de ses travaux ont été possibles, c’est parce qu’elle a été la première à produire et caractériser dès 1980, lors d’un séjour à l’Institut Scripps de la Jolla (Californie), une très grande série d’anticorps monoclonaux dirigés contre plusieurs sites du facteur Willebrand et aujourd’hui utilisés dans le monde entier. Ces anticorps ont contribué à lui permettre la caractérisation moléculaire des domaines correspondant aux différentes fonctions de ce facteur, domaines qui ont pu ensuite être séquencés. Certains autres travaux ont abouti à la production, par génie génétique, de fragments de facteur Willebrand, inhibant par compétition son adhésion à la paroi vasculaire lésée, fragments précieux du point de vue physiologique et susceptibles d’ouvrir une nouvelle voie dans la pharmacologie de la lutte antithrombotique. 

Elle a également pu préciser le rôle du facteur Willebrand en tant que médiateur entre paroi vasculaire et plaquettes, médiateur indispensable à l’adhésion de celles-ci au sous-endothélium vasculaire et à leur agrégation. Elle a en particulier établi l’influence capitale des paramètres rhéologiques dans les mécanismes d’adhésion et d’agrégation plaquettaires induits par le facteur Willebrand, qui n’est actif qu’en présence de taux de cisaillement élevés, ce qui est observé dans la microcirculation ou les artères sténosées, une constatation de grande importance physiopathologique. 

D’autres de ses travaux avec ses équipes, complétant les précédents, ont montré comment la multimérisation du facteur Willebrand pouvait être rigoureusement contrôlée par l’intermédiaire d’une protéase spécifique, ADAMTS 13, la pathologie révélant que le défaut de multimères de haut poids moléculaire pouvait être source d’hémorragies (maladie de Willebrand) et, à l’inverse, que leur excès pouvait être source de thromboses (microangiopathies thrombotiques). On conçoit donc que le facteur Willebrand et sa protéase constituent un couple crucial pour le maintien de l’équilibre entre deux risques inverses, l’hémorragie et la thrombose. 

Grâce à un réseau national qu’elle a créé sous l’égide de l’Inserm, elle a étudié la plus grande série mondiale de patients atteints de maladie de Willebrand. Ce réseau lui a permis d’identifier de très nombreuses mutations originales et en particulier de décrire un nouveau type de variant de maladie de Willebrand, le type 2N, ainsi qu’un étonnant sosie de cette maladie, la « pseudo-maladie de Willebrand », liée en réalité à une atteinte plaquettaire. Après mutagenèse dirigée et expression de ces mutants dans différentes cellules eucaryotes en culture, elle a pu développer avec ses collaborateurs l’étude des rapports entre anomalie de structure et anomalie de fonction du facteur Willebrand. 

Plus récemment, des études de modélisation moléculaire ont permis de localiser des groupes de mutations dans la structure tri-dimensionnelle du facteur Willebrand, et de mieux comprendre leurs répercussions sur les anomalies fonctionnelles ainsi que les différences de structure interespèces. 

Les hasards de la pathologie l’ont par ailleurs conduite à étudier, avec ses collaborateurs, d’autres dysfonctionnements concernant l’hémostase (microangiopathies thrombotiques, syndrome de Scott, thrombopénies induites par l’héparine). Chaque fois elle a eu la chance de pouvoir contribuer à préciser les caractéristiques du facteur qui donnait la clé : la protéase spécifique du facteur Willebrand (ADAMTS 13) pour les micro-angiopathies thrombotiques, les phospholipides membranaires pour le syndrome de Scott, le facteur plaquettaire 4 pour les thrombopénies induites par l’héparine.

En résumé, ses travaux ont été centrés sur la compréhension du subtil équilibre entre hémorragie et thrombose, équilibre fragile ainsi qu’en témoigne la fréquence des pathologies correspondantes, les obstructions vasculaires représentant en particulier un problème médical majeur. Sa démarche a donc été de prendre ces désordres comme points de départ d’études fondamentales. Il lui fallait alors trouver une maladie susceptible d’illustrer la complexité de l’hémostase ; elle a choisi la maladie de Willebrand, dont l’origine biologique était inconnue au début de ses recherches. Par une série de travaux, elle a progressivement éclairé la structure et la fonction de la protéine responsable, le facteur Willebrand. Des travaux qui ont été en permanence enrichis, notamment par des études rhéologiques et par la découverte de nouvelles mutations génétiques, mutations qui peuvent dissiper certaines obscurités mais en faire parfois naître d’autres. Ces progrès dans la connaissance du facteur Willebrand ont été récemment marqués à la fois par l’analyse tri-dimensionnelle de certains de ses domaines structuraux et l’obtention de souris transgéniques Willebrand ; ces moyens d’étude vont certainement dominer les travaux des prochaines années sur cette protéine. 

Outre son parcours scientifique exemplaire, Dominique Meyer a assumé de nombreuses fonctions nationales et internationales concernant le monde de la recherche et son lien avec la société. 

Biographie

Dominique Meyer est née le 5 octobre 1939 à Gérardmer (Vosges). Elle a mené ses études secondaires au lycée La Fontaine, à Paris, et ses études supérieures aux facultés de médecine et des sciences de Paris, ainsi qu’à l’Institut Pasteur. 

  • Externe des hôpitaux de Paris (1961).
  • Docteure en médecine, Paris (1965).Stagiaire (1964), attachée (1965), chargée (1969), maître (1975) et directrice de recherche (1984–1990) à l’Inserm. 
  • Visiting Scientist, Department of Molecular Immunology, Research Institute of Scripps, la Jolla, CA, Etats-Unis (1979–1981).
  • Directrice de l’unité de recherche Inserm 143 « Hémostase et thrombose », succédant à Marie-José Larrieu, puis « Hémostase et biologie vasculaire » à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (1986–2005).
  • Professeure d’hématologie, faculté de médecine, université Paris XI (1990–2009).
  • Chef du service d’hématologie biologique, hôpital Antoine-Béclère, Clamart (1990–2006).
  • Co-responsable du DEA de biologie et pharmacologie de l’hémostase et des vaisseaux, universités Paris VII et Paris XI (1993–2004).
  • Membre de l’unité de recherche Inserm 770 « Hémostase et dynamique cellulaire vasculaire » à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, dirigée par Jean-Marie Freyssinet de 2006 à 2010, puis par Cécile Denis depuis 2011.
  • Directrice de la délégation à l’information scientifique et à la communication à l’Académie des sciences – Institut de France (2002–2010).
  • Professeure émérite d’hématologie à l’université Paris XI depuis 2009. 

Instances scientifiques et d’administration de la recherche 

  • Membre de la commission scientifique spécialisée (CSS) de l’Inserm « Biologie et pathologie moléculaire générale, coagulation, immunologie, génétique fondamentale, virologie générale, bactériologie, parasitologie » (1974–1979) et de la CSS « Systèmes cardiovasculaire, respiratoire, rénal et urinaire, hémostase : physiologie, physiopathologie, pharmacologie, recherche clinique » (1983–1986).
  • Présidente du conseil scientifique (1992–1994) et du jury du Grand prix (1993–1999), membre du conseil d’administration, puis du conseil de surveillance (1994–2014), membre (1994–2005, 2009–2014), présidente du conseil de la recherche (2006–2008) de la Fondation pour la recherche médicale. 
  • Vice-présidente (1996–1999), puis présidente du conseil d’administration de l’Inserm (1999–2002).
  • Coordinatrice du Réseau national sur la maladie de Willebrand (1996–2003).
  • Membre du conseil de la faculté de médecine, université Paris XI (1996–2008),
  • Membre du comité de coordination des sciences de la vie du ministère de la Recherche (1998–2001).
  • Membre du jury des membres seniors de l’Institut universitaire de France (2000).
  • Membre du conseil d’administration de l’Institut de recherche et de développement – IRD (2000–2002).
  • Responsable française du réseau européen sur la maladie de Willebrand de type 1 (2000–2009).
  • Membre (2001–2003), puis vice-présidente (2004–2007) du conseil d’administration de l’Institut Curie, chargée de la recherche. 
  • Membre du comité national d’initiative et de proposition pour la recherche scientifique (2003–2004).
  • Membre du comité d’éthique du CNRS (2005–2007).
  • Membre du collège des personnalités qualifiées en vue de la nomination du directeur général de l’Agence de biomédecine (2008).
  • Membre du conseil scientifique de l’OPECST du depuis 2016. 

Sociétés savantes – Académies 

  • Vice-présidente (1979–1983) et présidente (1983–1986) du comité Factor VIII and von Willebrand Factor de la Société internationale de thrombose et d’hémostase. 
  • Présidente du comité von Willebrand Factor (1984–1990) et du comité Molecular Abnormalities in Haemophilia and von Willebrand Disease de l’Organisation européenne de recherche sur la thrombose (1991–2005).
  • Présidente du Comité “Molecular abnormalities in haemophilia and von Willebrand disease” de l’Organisation européenne de recherche sur la thrombose (1991–2005).
  • Présidente du comité stratégique de la Société internationale de thrombose et d’hémostase (1994–1999).
  • Présidente de la Société internationale de thrombose et d’hémostase (1994–2001).
  • Membre du conseil d’administration de la Société française d’hématologie (1996–1999).
  • Membre (1997–2006) puis membre honoraire de l’Institut universitaire de France. 
  • Présidente de la Société internationale de thrombose et d’hémostase (1999–2001).
  • Présidente du 18ème congrès, Paris (2001) et du comité des présidents de congrès (2002–2006) de la Société internationale de thrombose et d’hémostase. 
  • Conseillère de l’Association européenne d’hématologie (1998–2002).
  • Correspondante (1999) puis membre (2003) de l’Académie des sciences – Institut de France, section de biologie humaine et sciences médicales. 
  • Initiatrice et organisatrice de « jumelages » entre Académiciens des sciences et parlementaires depuis 2005.
  • Membre du conseil de l’Ordre de la Légion d’honneur depuis 2009. 

Prix et distinctions

  • Prix Montyon de l’Académie des sciences – Institut de France (1993).
  • Grand prix Claude-Bernard de la Ville de Paris pour la recherche médicale (1993).
  • Fellow of the Royal College of Physicians of Edinburgh (1994).
  • Distinguished Career Award de la Société internationale de thrombose et d’hémostase (1995).
  • Prix recherche et médecine de l’Institut des sciences de la santé (2003).
  • Grand prix (Grant Medal) de la Société internationale de thrombose et d’hémostase (2005).
  • Chevalier de la Légion d’honneur (1997), officier dans l’Ordre national du mérite (2000), officier de la Légion d’honneur (2005), commandeur dans l’Ordre national du mérite (2008), commandeur de la Légion d’honneur (2011).