Benedita Rocha

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Benedita Rocha est à l’origine de nouveaux concepts qui ont fortement contribué à enrichir l’immunologie moderne et à améliorer la compréhension du système immunitaire. Notamment, elle a exploré l’homéostasie des populations lymphocytaires, en mettant à jour les mécanismes contrôlant le nombre et l’identité de ces cellules. 

Au début des années 1970, Benedita Rocha est tout d’abord praticienne clinique au Portugal, puis réalise une thèse en immunologie à Glasgow en Ecosse. Elle y étudie les lymphocytes T suppresseurs, des lymphocytes indispensables à la régulation des réponses immunitaires. De retour au Portugal, elle enseigne l’immunologie à la faculté de médecine de Lisbonne pendant quelques années et développe en parallèle des travaux de recherche sur l’homéostasie lymphocytaire. Par une approche conceptuelle, elle postule l’existence de systèmes de régulation des lymphocytes qui maintiennent le nombre de cellules constant. L’envie de se consacrer à la recherche, la conduit à partir en France dans les années 1980 et à poursuivre sa carrière, principalement à l’hôpital Necker-Enfants malades de Paris. 

Sa première contribution scientifique majeure concerne l’induction de la tolérance des cellules T en dehors du thymus. La tolérance permet au système immunitaire d’éviter une réaction agressive vis-à-vis de certains antigènes, comme les antigènes du soi et les antigènes non dangereux. Il était alors admis que l’induction de la tolérance des cellules T se faisait exclusivement dans des précurseurs immatures lors de leur différentiation dans le thymus, et que les cellules T matures ne pouvaient pas devenir tolérantes aux antigènes présents en périphérie. Elle estime ce concept peu vraisemblable et prend contact avec Harald Von Boehmer à l’institut d’immunologie du Basel Institute en Suisse, afin de tester cette hypothèse en réalisant des expériences sur des lignées spécifiques de souris transgéniques. Ce travail aboutit à la démonstration, en 1991, que les cellules T matures peuvent devenir tolérantes lorsqu’elles rencontrent un antigène en périphérie. Ce travail a ouvert la voie aux études sur la tolérance des cellules T à certains antigènes en dehors du thymus et a permis des applications médicales, notamment dans le domaine des maladies auto-immunes et de la lutte contre le VIH. 

Elle met par la suite en évidence la différenciation des cellules T dans l’intestin. Il était admis que toutes les cellules T étaient générées et se différenciait dans le thymus. Cependant, en tirant parti de modèles de souris dépourvues de thymus, elle identifie des cellules T très inhabituelles, qui peuvent se différencier dans l’intestin, à partir de précurseurs immatures qui migrent du thymus vers l’intestin. Ces cellules présentent des règles anormales pour sélectionner leur répertoire. Par la suite, elle identifie le précurseur des cellules T intestinales, responsable de la production de l’ensemble des CD8 alpha/alpha de cellules T post-thymiques. 

En collaboration avec Corinne Tanchot et Antonio Freitas, elle prouve que les lymphocytes T ont besoin de signaux pour survivre hors du thymus, et cela contrairement à ce que l’on pensait. En d’autres termes, les lymphocytes n’ont pas une durée de vie prédéterminée ; ils peuvent mourir ou vivre en fonction des signaux qu’ils reçoivent. Elle démontre que la survie des cellules T périphériques est un phénomène actif, dépendant d’interactions continues entre le récepteur des cellules T et le complexe majeur d’histocompatibilité, alors que l’on pensait que ces interactions étaient uniquement présentes pendant la maturation des thymocytes dans le thymus. Ce travail, publié dans le journal Science en 1997, eut un impact majeur dans le domaine de l’immunologie fondamentale et a ouvert la voie à l’étude des signaux de survie périphériques. 

Ces recherches ont été poursuivies par la démonstration qu’après une infection, les lymphocytes T dits naïfs changent de façon définitive pour devenir des lymphocytes T à mémoire, dotés de propriétés nouvelles. Cette démonstration que les cellules mémoire sont une entité distincte des cellules naïves clarifiait un débat difficile, puisqu’il était jusqu’alors impossible d’identifier le même clone des cellules naïves et de les comparer au même clone de cellules mémoire. Benedita Rocha met alors au point une stratégie à partir de croisements de souris transgéniques pour montrer que cellules naïves et cellules mémoire possèdent les mêmes récepteurs des cellules T (TCR) et peuvent donc être comparées. Cette stratégie est désormais couramment utilisée. Elle a également développé un modèle de souris, qui permet d’étudier la mémoire immunologique en réduisant la charge d’antigènes et en introduisant son apport progressif. Cette démarche lui a permis de démontrer la différenciation des lymphocytes T‑CD8 naïfs en lymphocytes mémoire. Ce travail a été suivi par l’identification de la multiplication, de la survie et des capacités effectrices propres aux cellules mémoire. Pour finir, elle a établi que l’aide des cellules CD4 est fondamentale pour générer des cellules CD8 mémoire. 

Pendant tous ces travaux sur la réponse immune, Benedita Rocha était consciente des limitations possibles des études de différentiation des lymphocytes T cytotoxiques (lymphocytes T CD8), liée à l’incapacité à prévoir le déroulement d’une infection ou l’efficacité d’un protocole d’immunisation. Cela l’a conduite à créer une méthodologie alternative permettant d’étudier le comportement des cellules T à partir de cellules issues de patients (approche ex vivo). Cette méthode, qui permet de quantifier simultanément l’expression de 20 gènes différents pour chaque cellule, a été brevetée. Elle a permis d’identifier trois types de cellules effectrices lors des réponses immunitaires et de faire des études chez l’homme, notamment sur l’effet de l’infection à VIH sur les fonctions des cellules T‑CD8.

En contradiction avec le dogme de la durée de vie courte des thymocytes, elle a démontré que les thymocytes peuvent persister et se différencier sans un apport constant des précurseurs de la moelle osseuse. Ce travail a eu un impact important sur les applications cliniques de la transplantation du thymus pour corriger certaines déficiences de cellules T congénitales ou acquises, suite à des thérapeutiques anti-cancéreuses. 

Les recherches actuelles de Benedita Rocha sont axées sur les mécanismes associés à la génération efficace de la mémoire immunologique, à l’hôpital Necker-Enfants malades. 

Biographie

Benedita Rocha (nom de naissance Maria Benedita de Almeida Ribeiro Barata da Rocha) est née le 24 février 1949 à Lisbonne, Portugal. Elle a mené ses études secondaires et ses études supérieures à Lisbonne. 

  • Assistante de recherche dans le laboratoire d’anatomo-pathologie de la faculté de médecine classique de Lisbonne (1970–1973).
  • Stagiaire dans le laboratoire d’hématologie de la faculté de médecine classique et à l’institut d’oncologie de Lisbonne (1972–1973).
  • Médecin, faculté de médecine, université classique de Lisbonne, Portugal (1972).
  • Praticienne clinique à l’Hôpital de St Maria, faculté de médecine classique de Lisbonne (1972–1975).
  • Préparation de thèse, Bacteriology and Immunology Department, Medical Faculty, Glasgow, Grande Bretagne (1976).
  • Doctorat en immunologie, faculté de médecine, université de Glasgow, Grande Bretagne (1978).
  • Research fellow, Memorial-Sloan-Kettering Cancer Center, New York, Etats-Unis (1977).
  • Assistante, puis professeur auxiliaire d’immunologie à la faculté de médecine, université nouvelle de Lisbonne (1978–1985).
  • Professeur agrégée d’immunologie, faculté de médecine, université nouvelle de Lisbonne, Portugal, (1985).
  • Chargée de recherche de première classe (1986), directrice de recherche de deuxième classe (1991), directrice de recherche de classe exceptionnelle de grade II (2013) au CNRS.
  • Chercheuse au sein de l’unité Inserm 25 « Immunopathologie et néphrologie », dirigée par Jean-François Bach (1985–1990), puis dans l’unité 344 « Différentiation thymique et physiologie des lymphocytes » T, dirigée par Martine Papiernik (1991–2002).
  • Directrice de l’unité de recherche Inserm 591 « Différenciation et physiologie des lymphocytes T » (2002–2009), devenue unité Inserm 1020 (2010–2014 (2010–2012), à l’hôpital Necker-Enfants malades, Paris.
  • Co-direction de l’équipe « Différentiation et physiologie des lymphocytes T » au sein du centre de médecine moléculaire, unité mixte de recherche Inserm 1151/CNRS/université Paris Descartes, dirigé par Xavier Nassif, hôpital Necker Enfants malades, Paris depuis 2014. 

Instances scientifiques et de gestion de la recherche

  • Membre de la commission scientifique spécialisée (CSS) de l’Inserm « Immunité et inflammation » (1995–1999).
  • Membre de la commission scientifique spécialisée de l’Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) « Recherches fondamentales sur les interactions hôte-virus » (1998–2003).
  • Présidente du LS6 Immunity, Infection and Microbiology de la commission Atip/ Avenir (2009–2012).
  • Membre du conseil scientifique et vice-doyenne de la faculté de médecine Paris Descartes (2008–2012).
  • Membre du panel LS6 (immunité et infection) des European Research Council Senior Grants depuis 2009.
  • Membre du conseil scientifique de l’Inserm (2012–2015).
  • Membre du bureau éditorial de Biology Direct, Frontiers in Immunological Memory, Oncoimmunology.

Sociétés savantes

  • Membre de l’European Molecular Biology Organization (EMBO).
  • Membre honoraire de la Société portugaise d’immunologie.

Prix – distinctions

  • Prix Thérapeutique médicale, pendant sa formation de médecine ; Portugal (1971).
  • Prix Pfizer de la recherche, Suisse.
  • Prix Gulbenkian de science, Portugal.
  • Médaille d’argent du CNRS, France (2007).
  • Prix Recherche Inserm en physiologie et physiopathologie, pour l’ensemble de ses travaux consacrés à la compréhension du système immunitaire (2007).
  • Chevalier de la Légion d’honneur (2007).
  • Prix Seads of Science du ministère de la Recherche du Portugal (2014).