Anna Rita Cantelmo : quand les cellules des vaisseaux sanguins dysfonctionnent

Passionnée par la biologie vasculaire, Anna Rita Cantelmo aspirait à mener une recherche de haut niveau. Cette ambition l’a conduite à quitter l’Italie pour la Belgique puis la France, afin de décrypter la biologie des cellules qui tapissent nos vaisseaux sanguins. En se penchant sur leur fonctionnement, et leur dysfonctionnement, elle recherche les mécanismes par lesquels ces cellules permettent le développement de certaines maladies, comme le cancer ou l’athérosclérose. Grâce au financement Atip-Avenir qu’elle a obtenu en 2021, elle a d’ores et déjà identifié de premières voies biologiques clés.

Anna Rita Cantelmo, unité Récepteurs nucléaires, maladies métaboliques et cardiovasculaires (unité 1011 Inserm/Institut Pasteur/Université de Lille/CHU de Lille), à l’institut Pasteur de Lille.

Les cellules endothéliales qui tapissent nos vaisseaux sont capables de se modifier pour acquérir de nouvelles propriétés et exercer de nouvelles fonctions. Ce processus de transition, dite « endothélio-mésenchymateuse », est normal et physiologique durant la vie embryonnaire, mais pas après la naissance : il conduit à une modification des propriétés des vaisseaux et peut alors favoriser certaines maladies. En cas de cancer par exemple, il facilite la dissémination de métastases dans l’organisme à partir d’une tumeur primaire existante car il permet à des cellules cancéreuses de passer dans la circulation sanguine en rendant la barrière endothéliale plus perméable. Or, les approches thérapeutiques qui ciblent la formation des métastases sont encore limitées.

C’est à cet enjeu qu’Anna Rita Cantelmo et son équipe consacrent actuellement une large partie de leurs travaux de recherche. « Si la plupart des études se sont concentrées sur le ciblage des propriétés invasives des cellules malignes, je recherche de nouvelles voies qui permettraient de traiter les métastases en ciblant les cellules endothéliales », explique la chercheuse. Grâce à un financement Atip-Avenir obtenu en 2021 pour ce projet, elle a recruté un post-doctorant et un ingénieur de recherche et constitué une équipe en pleine expansion : « Tout comme moi, mon équipe est très engagée, se félicite-t-elle. C’est une atmosphère de travail très stimulante, au sein de laquelle nous pouvons mener des explorations originales afin de mieux contribuer à la compréhension de la biologie vasculaire. Recevoir ce financement prestigieux a validé mon expertise et crédibilise mon sujet de recherche. Cela me permet de développer mon réseau et concevoir de nouvelles collaborations. C’est stressant car je dois faire face à beaucoup de responsabilités en tant que responsable d’équipe, mais c’est aussi ce que j’ai toujours souhaité. »

De la Lombardie aux Hauts-de-France

À partir d’études menées sur des cellules en culture, l’équipe a d’ores et déjà identifié des acteurs qui participent à des voies impliquées dans le contrôle du calcium et du métabolisme cellulaire, dont la dérégulation conduit la paroi vasculaire à être plus lâche et perméable. Ces premières données ont permis à la chercheuse d’obtenir un renouvellement de son financement jusqu’en juillet 2026. « Nous allons ainsi pouvoir confirmer nos résultats, et élargir notre champ de recherche », se réjouit Anna Rita Cantelmo. Elle souhaite dans un premier temps valider ces résultats in vivo dans un modèle animal et sur des échantillons tissulaires issus de patients. Cette étape est importante car, pour l’heure, « l’implication de la transformation endothéliale dans la dissémination de tous les types de tumeurs solides fait l’objet de controverses dans la communauté scientifique », précise-t-elle. Par la suite, ces travaux pourront servir de socle pour l’étude d’autres maladies : « La paroi vasculaire dysfonctionne aussi dans l’athérosclérose et d’autres maladies cardiovasculaires. Nous voulons aussi étudier les mécanismes cellulaires spécifiques qui favorisent cette évolution. »

Il faut dire que la biologie vasculaire a toujours été au cœur de ses préoccupations : c’est sur ce sujet qu’elle a mené ses travaux de doctorat, en Italie. De cette passion naissante était alors née son ambition de voir plus grand : « J’ai réalisé que le niveau de recherche et les opportunités offertes aux chercheurs étaient insuffisants dans mon pays. » Elle s’est donc tout d’abord établie en Belgique, pour travailler sur le métabolisme des cellules endothéliales tumorales aux côtés de Peter Carmeliet. Puis l’opportunité d’un financement qui lui permettait de prendre son indépendance l’a conduite à poser ses valises à Lille, où elle travaille désormais au sein de l’unité Inserm dirigée par Bart Staels. « Avoir ma propre équipe de recherche correspond à ce que je cherchais : une certaine flexibilité sur les méthodologies de travail et la possibilité d’appliquer ce que nous apprenons dans différents contextes pathologiques. Cela répond vraiment à mon désir d’étudier des problèmes complexes et difficiles et à contribuer à l’état des connaissances. »


Anna Rita Cantelmo dirige une équipe de l’unité Récepteurs nucléaires, maladies métaboliques et cardiovasculaires (unité 1011 Inserm/Institut Pasteur/Université de Lille/CHU de Lille), à l’institut Pasteur de Lille.


Autrice : C. G.

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