Troubles obsessionnels compulsifs (TOC)

Une prise en charge le plus souvent efficace

Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sont des comportements répétitifs et irraisonnés mais irrépressibles qui touchent le plus souvent des sujets jeunes, voire des enfants. Des traitements médicamenteux et les thérapies cognitivo-comportementales permettent de soulager certains patients. D’autres solutions thérapeutiques, comme la stimulation cérébrale profonde ou la chirurgie dite lésionnelle, sont à l’étude pour les cas les plus sévères. Les progrès en imagerie médicale et le développement de modèles animaux ont permis de mieux comprendre les mécanismes des TOC au cours des dernières années.

Dossier réalisé en collaboration avec Luc Mallet (Département médico-universitaire Impact, CHU Henri Mondor, Créteil ; unité Inserm 1127, équipe Neurophysiologie des comportements répétitifs, Institut du Cerveau, Paris), Anne-Hélène Clair (unité Inserm 1127), Philippe Domenech (Département médico-universitaire Impact, CHU Henri Mondor, Créteil ; unité Inserm 1127) 

Comprendre les TOC

Le trouble obsessionnel compulsif (TOC) se caractérise par la présence d’obsessions et/ou de compulsions. Les personnes qui en souffrent peuvent être envahies par des pensées récurrentes et angoissantes – des obsessions – centrées par exemple sur la propreté, l’ordre, la symétrie, la peur de faire une erreur, celle de commettre des actes impulsifs violents ou agressifs, ou encore par un sentiment excessif de responsabilité vis-à-vis de la sécurité d’autrui. Pour prévenir ou réduire leur anxiété, les personnes concernées effectuent des gestes ou actes mentaux répétés – des compulsions – comme des rituels de rangement, de lavage ou de vérification. Ces compulsions peuvent parfois durer plusieurs heures chaque jour. Les personnes qui souffrent de TOC ont pourtant bien conscience que leurs obsessions proviennent de leur propre activité mentale. Il s’agit d’une véritable maladie, parfois très handicapante au quotidien, qui peut même empêcher d’avoir une vie sociale ou professionnelle normale. 

Environ la moitié des personnes atteintes d’un TOC souffre d’une autre maladie psychiatrique, principalement parmi les troubles de l’humeur, les troubles anxieux et les troubles de conduite alimentaire. Elles peuvent aussi présenter des tics. Par ailleurs, l’abus ou la dépendance à l’alcool est plus fréquemment observés chez ces patients que dans la population générale. 


Le TOC chez les enfants

La plupart des obsessions et compulsions observées chez les enfants atteints de TOC ont les mêmes thématiques que chez les adultes : ils peuvent par exemple insister pour que leur linge soit lavé de nombreuses fois, vérifier de façon répétée leur travail ou leur cartable, ou encore se mettre en colère face au désordre causé par d’autres membres de la famille. Mais, alors que les adultes reconnaissent le caractère maladif, intrusif et anormal de ces rituels, ce n’est pas le cas des enfants les plus jeunes qui n’arrivent pas à parler de leur TOC. De fait, le TOC s’exprime souvent chez le jeune enfant par une agitation, une agressivité, un repli sur soi ou des difficultés scolaires.
Chez les adolescents et les enfants plus âgés, les TOC entraînent souvent (comme chez les adultes) un sentiment de culpabilité et de honte. Cela les conduit à dissimuler leur trouble à leurs proches. En conséquence, la maladie est souvent détectée après un temps d’évolution prolongé, au moment où les symptômes sont devenus importants et handicapants. Une certaine banalisation de conduites atypiques par l’entourage familial, et même parfois médical, participe souvent au retard du diagnostic. 


Un trouble loin d’être rare

La prévalence des TOC est élevée : 2 à 3% de la population générale est concernée. Cela en fait la 4e maladie psychiatrique la plus fréquente après les phobies, les addictions et les troubles dépressifs. 

Les symptômes apparaissent le plus souvent dans l’enfance ou au début de l’âge adulte : 

  • environ 25% des cas de TOC débutent avant 14 ans
  • 65% avant 25 ans
  • 15% après 35 ans

Les femmes sont autant touchées que les hommes, mais les troubles précoces semblent plus fréquents chez le garçon. En outre, les formes précoces semblent associées à une plus grande sévérité, une plus grande résistance aux traitements et à un éventail de symptômes plus large.
Des études épidémiologiques plaident en faveur d’une continuité du trouble, de l’enfance à l’âge adulte : chez 30% à 50% des patients adultes qui ont un TOC, le trouble aurait débuté pendant l’enfance.

Des mécanismes propres et communs à d’autres maladies psychiatriques

Avoir des pensées intrusives est fréquent, normal, et généralement sans conséquence importante sur le quotidien. Chez les personnes qui souffrent de TOC, ces pensées seraient mal interprétées : elles leur accordent trop d’importance ou les considèrent inacceptables, immorales ou menaçantes. Ce phénomène génère une grande anxiété qui les conduit à essayer de les réprimer à travers des compulsions. 

Les récents progrès de l’imagerie cérébrale et le développement de modèles animaux ont permis de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent le TOC. Il a été démontré que différents circuits cérébraux sont perturbés dans cette maladie. Ils sont notamment localisés au niveau des ganglions de la base, impliqués dans le comportement et les habitudes, ou encore dans le cortex cingulaire antérieur et le cortex orbito-frontal, qui ont un rôle dans les émotions et le raisonnement. De plus en plus d’éléments s’accordent notamment sur l’implication du striatum, une structure sous-corticale qui fait partie des ganglions de la base qui intervient dans les circuits de la récompense et dans la prise de décision. Les dysfonctionnements de ces zones cérébrales pourraient s’expliquer par l’action de certains neuromédiateurs, comme la sérotonine, la dopamine, le glutamate ou encore la vasopressine. 

Des anomalies qui affectent le fonctionnement de ces structures, également impliquées dans les processus cognitifs et émotionnels, sont retrouvées dans d’autres maladies psychiatriques. Cela pourrait en partie expliquer pourquoi le TOC est souvent associé à d’autres troubles comme la dépression ou les troubles anxieux. La perturbation des ganglions de la base est par exemple retrouvée dans des pathologies liées à la récompense comme les addictions, ou à des troubles moteurs comme les tics. 


Une origine familiale ?

Les études réalisées sur des familles de patients qui souffrent de TOC ont montré l’influence de facteurs génétiques dans l’émergence de la maladie, même si leur rôle reste mal défini. L’héritabilité est globalement estimée à 27–49%, et ce chiffre monte à 65% chez les personnes dont les symptômes surviennent lors de l’enfance ou l’adolescence.

Plusieurs gènes semblent impliqués, liés aux systèmes de neurotransmission sérotoninergique, glutamatergique et dopaminergique. Plus récemment, des données génétiques ont ajouté à la liste les systèmes cholinergiques, ainsi que ceux qui mettent en jeu des opioïdes endogènes, le GABA (acide γ‑aminobutyrique) ou encore la substance P. 


Diagnostic et évaluation de la sévérité

Le diagnostic de TOC est clinique. Réalisé par un psychologue, un médecin généraliste ou un psychiatre, il se fonde sur des critères internationaux bien définis. La sévérité du trouble peut être évaluée via l’échelle d’obsession-compulsion de Yale-Brown (Y‑BOCS) ou la Children’s Yale Brown Obsessive Compulsive Scale (CY-BOCS) pour les enfants. Ces échelles prennent en compte la durée quotidienne des obsessions et compulsions, la gêne et l’anxiété associés à ces symptômes, la volonté et la capacité du patient à résister aux obsessions et compulsions. 

Une évaluation des symptômes de la dépression et de l’anxiété est souvent proposée en complément, ainsi qu’une évaluation psychiatrique globale qui permet de détecter d’autres troubles psychiatriques éventuellement associés. 

Quels traitements pour quels patients ?

Le TOC est une pathologie chronique qui ne guérit généralement pas toute seule et doit être prise en charge par des professionnels si on veut la traiter. Les traitements disponibles ont pour objectifs d’en réduire les symptômes, pour que le patient retrouve une vie la plus normale possible. Ils améliorent le quotidien d’environ deux tiers des patients, et 20% sont en rémission plusieurs années après le début de la prise en charge. 

Les deux traitements de première intention sont la thérapie comportementale et cognitive (TCC) et/ou l’utilisation d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) comme l’escitalopram, la fluoxetine, la sertraline... 

Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine

Bien qu’on les classe parmi les antidépresseurs, ces molécules ont aussi un effet anti-TOC lorsqu’on les utilise à des doses plus élevées (2 à 3 fois les posologies antidépressives). Il faut au moins 3 mois pour juger de l’efficacité d’un médicament sur l’intensité des TOC. La durée de la prescription est souvent longue – jusqu’à plusieurs années – et se poursuit après la disparition des symptômes. 

Si les traitements de première intention ne sont pas suffisants pour réduire les TOC, ou lorsqu’il y a des tics associés, il est possible d’y ajouter des antipsychotiques qui ciblent la dopamine. 

La thérapie comportementale et cognitive

Cette psychothérapie courte est le traitement le plus utilisé chez les enfants et adolescents. Elle agit directement sur les comportements problématiques, et cherche à modifier les pensées et les émotions associées au trouble. Le thérapeute aide notamment le patient à affronter progressivement les situations qu’il redoute, sans effectuer de rituel. Chez les enfants, une intervention au niveau familial peut également être recommandée dans certaines situations. 

La prise en charge des TOC « résistants »

Lorsque les symptômes d’un patient ne sont pas diminués par ces traitements alors qu’ils ont été bien conduits, on parle alors de TOC résistant. Dans ce cas, et lorsque le trouble est sévère et très handicapant, des techniques neurochirurgicales peuvent être proposées dans le cadre de protocoles de recherche. 

La chirurgie lésionnelle consiste à léser légèrement une zone du cerveau impliquée dans le TOC à l’aide de rayons gamma, sans ouverture de la boîte crânienne. Entre 50 à 67% des patients sont considérés comme répondeurs. Mais l’incertitude plane encore sur le choix des zones à cibler. Le caractère irréversible de l’intervention et ses effets indésirables parfois sévère sont aussi à prendre en compte. Si l’intérêt pour cette chirurgie non invasive connaît un certain regain, son apport en termes d’amélioration de la balance bénéfice-risque par rapport à la stimulation cérébrale profonde n’est pas avéré. 

La stimulation cérébrale profonde est quant à elle une technique chirurgicale qui consiste à implanter des électrodes dans des régions très précises du cerveau. Elles délivrent des stimulations électriques chroniques sur les neurones, et modifient des circuits cérébraux clés dans le TOC. Plusieurs dizaines de patients présentant des TOC sévères et résistants ont déjà été opérés, avec une amélioration significative des symptômes obtenue chez plus de la moitié d’entre eux. Les paramètres de stimulation peuvent être changés et adaptés aux symptômes du patient. Cette technique reste cependant encore expérimentale et n’est donc pas prise en charge par l’assurance maladie. Les personnes actuellement opérées sont incluses dans des protocoles de recherche, menées dans des centres experts. 

Les enjeux de la recherche

Mieux comprendre les mécanismes de la maladie

Des recherches conduites dans plusieurs domaines complémentaires permettront de mieux caractériser le TOC dans les années qui viennent, sur les plans biologique et fonctionnel. Elles combinent imagerie cérébrale, génétique, psychologie expérimentale, psychiatrie computationnelle (c’est-à-dire l’utilisation de modèles mathématiques pour éclairer les liens entre symptômes et anomalies neurobiologiques observées dans les troubles mentaux) et développement de modèles animaux (porteurs de mutations qui affectent différents circuits neuronaux ou des gènes impliqués dans la maladie comme SAPAP3, Slitrk5, EAAC1). L’objectif est de mettre en évidence des connexions neuronales modifiées dans le TOC, et de corréler le fonctionnement cérébral à une symptomatologie dont l’expression est très variable chez les patients. 

Cette approche plus globale, qui intègre recherche fondamentale et clinique, devrait améliorer les connaissances de la neurobiologie du TOC, son origine, ses liens avec d’autres maladies, et éventuellement conduire au développement de traitements plus efficaces. 

Chez les rongeurs, l’utilisation de l’optogénétique – une technique qui permet de manipuler des circuits cérébraux – suggère par exemple de nouvelles cibles qui ont un rôle central dans la maladie (la voie orbitofrontale-striatale). 

Lumière sur les TOC – communiqué de presse vidéo – 2 min 26 – 2013 

Identifier des traitements plus spécifiques

Les traitements médicamenteux actuels permettent de soulager la majorité des patients mais ils ne ciblent pas des mécanismes spécifiques de la maladie. En outre, certains patients n’y répondent pas. A ce titre, l’utilisation de nouvelles molécules et le repositionnement de de molécules déjà connues sont à l’étude pour le traitement du TOC. C’est par exemple le cas de molécules qui agissent sur le système glutamatergique, comme la mémantine déjà indiquée dans la maladie d’Alzheimer, ou d’antiépileptiques qui agissent sur le GABA comme le topiramate. Les chercheurs s’intéressent aussi aux substances psychédéliques, notamment à la psilocybine, principale substance psychoactive des champignons hallucinogènes, et d’autres substances de la même famille (dérivés indoliques de la tryptamine) comme l’acide lysergique diéthylamide (LSD). L’équipe de Eric Burguière et Luc Mallet (unité 1127, ICM) s’apprête à lancer des études translationnelles sur les effets de ces substances sur les circuits neuronaux et les comportements répétés, dont le TOC. 

Une étude de phase 1 a également démarré aux Etats-Unis, à l’université de Yale, pour évaluer l’effet de la psilocybine (vs. placebo), chez une trentaine de volontaires atteints de TOC. Les participants seront suivis pendant trois mois. 

Traiter les TOC résistants

La stimulation électrique transcrânienne est en cours d’évaluation pour la prise en charge des TOC qui résistent aux traitements classiques. Son effet est actuellement comparé à celle d’un placebo (stimulation factice) dans une étude conduite au Centre hospitalier Henri Laborit à Poitiers. Les cent patients inclus seront traités à raison d’une séance par jour pendant dix jours. La technique, non invasive, consiste à appliquer un courant continu à la surface du crâne pour augmenter ou diminuer l’activité neuronale dans des zones ciblées. Son efficacité a été démontrée dans l’amélioration de déficits cognitifs survenus après un accident vasculaire cérébral et des travaux préliminaires suggèrent son intérêt dans le traitement des troubles psychiatriques. 

La stimulation cérébrale profonde continue aussi d’être évaluée chez les patients atteints de TOC résistants aux traitements standards. Elle consiste à implanter des électrodes dans le cerveau et à envoyer de façon chronique des impulsions électriques qui modulent l’activité de certaines zones impliquées dans le TOC. Ces électrodes sont connectées à une pile implantée sous la peau. Les paramètres de stimulation (fréquence, voltage, durée d’impulsion) sont ajustés par le médecin à l’aide d’un programmateur externe. Une méta-analyse montre que deux tiers des patients atteints de TOC répondent au traitement : après trois mois de stimulation, ils retrouvent un fonctionnement global satisfaisant. Les résultats à long terme sont encore plus encourageants, avec notamment un taux de réponse au moins partielle de 90% après 3 ans de stimulation, sachant que les patients poursuivent généralement des traitements associés (TCC ou médicaments) après la chirurgie.  

Toutefois, même si l’opération conduit à une amélioration clinique, celle-ci n’est pas forcément associée à gain de qualité de vie. Or il s’agit là d’un critère essentiel pour apprécier l’efficacité de la stimulation cérébrale profonde. Une étude européenne (EQOLOC) est donc en cours pour évaluer ce point. Coordonnée par le CHU de Grenoble, elle inclue une soixantaine de malades atteints de TOC sévères et résistants. 

En outre, le bénéfice clinique de la stimulation cérébrale profonde est très variable selon les patients. Plusieurs études ont été menées, ou sont toujours en cours, pour tester différentes cibles dans le cerveau et comparer leur efficacité pour diminuer les symptômes des TOC. A ce jour, les résultats n’ont pas montré de différence d’efficacité selon la cible choisie. Pour améliorer encore l’efficacité de la stimulation cérébrale profonde, les chercheurs estiment qu’il faut aller vers une médecine plus personnalisée et utiliser des données de connectivité cérébrale déterminées pour chaque patient. Cela permettrait de guider le ciblage et le paramétrage de la stimulation. La recherche s’oriente par ailleurs vers un système autonome qui s’autorégulerait (système close loop) : des signaux électrophysiologiques liés à l’émergence d’un symptôme TOC déclencheraient automatiquement la stimulation. 

L’utilisation de la stimulation magnétique transcrânienne est elle aussi toujours à l’étude. Non invasive, elle ne nécessite ni chirurgie, ni implantation d’électrodes, mais repose sur l’application d’un champ magnétique dirigé vers certaines zones du cerveau impliquées dans la maladie. Utilisée depuis plus de 10 ans dans la dépression, elle montre pour l’instant des résultats contrastés dans les TOC. Une étude est en cours aux Etats-Unis, au Massachusetts General Hospital (Boston), pour évaluer son efficacité comparée à un placebo chez des patients atteints de TOC, rechercher des biomarqueurs prédictifs de la réponse à ce traitement, et comprendre ses mécanismes d’action. Les 58 participants seront suivis dix-huit semaines, avec réalisation d’une IRM cérébrale. 

Pour aller plus loin

Associations de patients