Cécile Martinat – Un objectif : la lutte contre les maladies rares

Depuis 15 ans, Cécile Martinat tente de comprendre les maladies génétiques rares et de trouver des molécules pour les soigner. Cela, grâce aux cellules souches pluripotentes, capables de se multiplier indéfiniment et de donner tous les types cellulaires de notre corps. Une aventure scientifique… et humaine.

Cécile Martinat © Inserm/Guénet, François
Cécile Martinat © Inserm/Guénet, François

En 2015, Cécile Martinat prenait la tête de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I‑Stem) à Évry. Un an plus tard, en 2016, elle était élue présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches (FSSCR), qui vise à développer et à valoriser au niveau national et international la recherche française dans ce domaine. Une double nomination somme toute logique. Et pour cause : en moins de 15 ans, cette biologiste est devenue l’un des plus grands experts des cellules souches et des maladies rares, en France et dans le monde. À l’origine, rien ne la prédestinait à une telle trajectoire. « Je suis née en 1973 un peu au milieu de nulle part, dans un tout petit village de 700 âmes près de Niort dans les Deux- Sèvres : Saint-Pompain, narre-t-elle. J’ai déménagé à Paris seulement à l’âge de 14 ans, quand ma mère, ma sœur et moi avons rejoint mon père, attaché culturel à l’Académie des beaux-arts ». Passer de son paisible village natal, où ses principales occupations étaient « grimper aux arbres et monter sur les bottes de foin », à la vie tourbillonnante de la capitale n’a pas été facile pour elle. « Mais d’un autre côté, cela m’a permis de découvrir un monde que j’apprécie beaucoup : celui de l’art », relativise-t-elle. Ainsi, comme sa sœur aînée, devenue directrice d’un musée dans l’Allier, elle aurait pu marcher dans les pas de son père et embrasser elle aussi une carrière culturelle. Mais non : elle a plutôt préféré opter pour un métier scientifique… comme sa mère, médecin. 

Son baccalauréat en poche, elle intègre donc l’université Pierre-et-Marie-Curie à Paris. Là, elle rencontre deux professeurs qui la marqueront à jamais : Pierre Netter, microbiologiste, et Bernard Dujon, généticien. « C’était des professeurs passionnés et passionnants. Ce sont eux qui m’ont donné envie de continuer dans cette voie », souligne-t-elle. Avant de confier : « En fait, je n’ai jamais fait de plan de carrière ; je fonctionne beaucoup aux rencontres… ».

Puis en 1997, elle se lance dans une thèse en virologie à l’Institut Pasteur. À l’issue de laquelle elle s’envole, en 2001, pour les États-Unis, afin de réaliser un post-doctorat à l’université Columbia de New York. C’est là qu’elle découvre pour la première fois les cellules souches pluripotentes. 

Mon travail consistait à utiliser des cellules souches embryonnaires de souris, puis d’humains, pour mieux comprendre l’implication de certains gènes dans des formes génétiques de la maladie de Parkinson [...] J’ai tout de suite été happée par l’extraordinaire plasticité de ces cellules. Et j’ai su alors que je voulais continuer dans ce domaine

Ceci dit, nous aurions pu ne jamais la voir évoluer en France. Car de ce côté de l’Atlantique, la recherche sur les cellules souches embryonnaires est restée interdite jusqu’en… 2013 ! « Pour continuer à travailler sur ces cellules, j’avais décidé de rester aux États-Unis », confie-t-elle. 

Heureusement, en mai 2005 lors d’un congrès scientifique à San Diego, son chemin croise celui du biologiste Marc Peschanski. Le chercheur lui parle de son intention d’ouvrir prochainement un grand laboratoire dédié à la recherche sur les cellules souches. Lequel n’est autre que… l’I‑Stem. « Ce projet m’a paru extrêmement ambitieux, se souvient-elle. Par ailleurs, Marc m’a semblé très réactif, très moteur. Aussi, après deux heures de discussion avec lui, j’étais convaincue qu’il fallait rentrer en France pour être de cette aventure ! »

Six mois plus tard, en novembre 2005, elle foule donc de nouveau le sol français. Et là, elle fait une autre « rencontre » qui a beaucoup joué sur ses choix professionnels : le Téléthon. « Je suis arrivée en pleine période de préparation de cet évènement. Alors, des patients qui souffraient de maladies génétiques rares et leurs familles sont venus visiter nos laboratoires. Et j’ai pu, pour la première fois, voir ces malades et leur état. Ce fut pour moi une énorme claque. J’ai saisi, à ce moment-là, toute la nécessité et l’urgence de développer des thérapies contre ces maladies, dont la plupart ne bénéficient encore d’aucun traitement curatif… »

Son domaine de prédilection : les maladies dites « neuromusculaires », qui affectent donc les muscles, comme la maladie de Steinert ou l’amyotrophie spinale, et qu’elle étudie depuis son recrutement par l’Inserm en 2007. « Concrètement, nous utilisons les cellules souches pluripotentes humaines pour produire des neurones moteurs, qui contrôlent les muscles à partir de la moelle épinière. Ces cellules sont affectées lors de ces maladies, mais il n’est pas possible de les prélever chez les patients pour des raisons éthiques. Puis nous les analysons pour comprendre les mécanismes moléculaires des maladies neuromusculaires et identifier de nouvelles pistes thérapeutiques », détaille-t-elle. Grâce à cette stratégie, en 2011, son équipe réussit à mieux comprendre les mécanismes de la maladie de Steinert. Par la suite, ces travaux ont permis l’identification d’un composé prometteur pour réduire les anomalies liées à la maladie. « Actuellement, cette molécule est testée chez des patients dans un essai clinique de phase 2″, se réjouit-elle. 

Cellules et Réparations – interview – 2 min 53 – vidéo extraite de la série POM Bio à croquer (2013)

Puis vint 2013 et le moment où Marc Peschanski, alors à l’aube de sa retraite, pense à elle pour reprendre les rennes de l’I‑Stem. « Je venais juste d’apprendre que j’étais enceinte de mon deuxième enfant. J’ai donc eu peur de ne pas réussir à tout mener de front, confie-t-elle. Mais une fois encore Marc m’a poussée dans le bon sens. Je lui en saurai toujours gré. » Depuis, la chercheuse ne compte plus ses heures. « Son plus grand défaut est de ne pas savoir encore dire non aux sollicitations extérieures », relève sa collègue Christine Baldeschi, qui travaille avec elle depuis 10 années. Mais pas question pour autant pour Cécile Martinat de sacrifier sa vie de famille. « Je passe la plupart de mon temps libre avec mes deux fils de 4 et 5 ans, Émile et Jules. J’adore aller au jardin d’enfants et au cinéma avec eux ! » Pour l’avenir, la chercheuse espère « assister à la concrétisation des espoirs thérapeutiques portés par les cellules souches dans le domaine des maladies génétiques rares ». Si tout se passe bien, cela pourrait être le cas dans 10 ans. 

En savoir plus sur Cécile Martinat

Cécile Martinat dirige l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I‑Stem, unité 861 Inserm/Universite d’Evry Val d’Essonne/Genopole d’Evry), à Evry 

Dates clés

  • 1997–2001 Doctorat en virologie à l’Institut Pasteur à Paris
  • 2001–2005 Post-doctorante à l’université Columbia à New York
  • 2007–2016 Chargée de recherche Inserm à l’I-Stem à Évry
  • Depuis 2015 Directrice de l’I-Stem
  • Depuis 2016 Directrice de recherche Inserm
  • Depuis 2016 Présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches (FSSCR)

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Extrait du magazine Science&Santé n°37