Karine Loulier traque les cellules du cortex cérébral

A l’Institut de neurosciences de Montpellier, Karine Loulier étudie le développement du cortex cérébral. Grâce à une technique de marquage fluorescent sophistiquée, la chercheuse suit le devenir de cellules, in vivo chez la souris, depuis le stade embryonnaire et jusqu’à l’âge adulte. Elle espère en apprendre plus sur la diversité cellulaire et sur la façon dont s’établit l’équilibre entre les différents types de cellules du cortex. Elle entend également identifier des anomalies de ce développement qui pourraient être à l’origine de maladies psychiatriques. 

Karine Loulier tente de percer les mystères du cortex cérébral. Elle veut non seulement découvrir comment il se développe au cours de l’embryogenèse, mais aussi savoir si des pathologies psychiatriques qui surviennent à l’adolescence ou à l’âge adulte sont liées à des anomalies de ce développement précoce. Pour cela, elle vient de monter sa propre équipe à l’Institut des neurosciences de Montpellier, grâce au programme Atip-Avenir. Elle y a posé ses éprouvettes en septembre dernier, après un début de parcours sans faute en neurosciences : un doctorat à Paris 11, deux post-doctorats aux Etats-Unis et en France et un début de carrière en tant que chargée de recherche Inserm.

Au fur et à mesure de ces expériences, elle a glané et intégré de nouvelles techniques d’étude du développement cérébral. Mais c’est au cours de son second post-doctorat qu’elle a trouvé sa voie, dans l’équipe de Jean Livet à l’Institut de la Vision. Celui-ci expérimente de nouvelles techniques de marquage, pour suivre simultanément le devenir de plusieurs populations de neurones et étudier leur connectivité. Karine Loulier s’est appropriée cette technique et l’a développée. « Elle permet de marquer séparément des petits groupes de cellules avec des codes couleurs distincts, in vivo chez la souris, pour suivre le devenir de chacun au cours du temps », explique-t-elle. Elle se forge ainsi une solide expertise en la matière, avant d’être recrutée par l’Inserm en tant que chargée de recherche en 2012, dans ce même laboratoire. 

Des neurones en couleurs – reportage et interview – 6 min 26 – vidéo extraite de la série Des idées plein la tech” (2011)

Les maladies psychiatriques en ligne de mire

Elle étudie alors le développement cérébral chez la souris. « Un groupe de cellules souches est à la base d’une majorité de cellules du cortex et de ses réseaux : neurones, astrocytes et oligodendrocytes, mais aussi cellules souches qui persistent à l’âge adulte. Cependant, nous ne savons encore pratiquement rien de la façon dont cela se produit. Est-ce qu’un sous-groupe de cellules souches va donner uniquement un type cellulaire ou est-ce qu’elles vont subir plusieurs changements au cours du développement et produire des neurones puis des cellules gliales par exemple ? Nous constatons en tous cas que les cellules matures du cortex sont beaucoup plus complexes qu’on ne le pensait. Les astrocytes par exemple, un sous-type de cellules gliales longtemps soupçonnées de servir seulement de soutien aux neurones, sont très plastiques et leur génération coïncide avec le début de la maturation du réseau neuronal cortical », illustre Karine Loulier. La tâche est donc vaste. Et la chercheuse souhaite aller au-delà de l’aspect descriptif : elle veut en effet utiliser ces techniques de marquage combinatoire pour corréler des anomalies du développement cérébral avec des pathologies psychiatriques. Pour cela, elle a mis sur pied un nouveau projet et postulé au programme Atip-Avenir, un dispositif permettant à de jeunes chercheurs de monter leur propre équipe. 

Atip-Avenir ouvre toutes les portes

Son dossier a été validé par un comité d’experts en neurosciences, français et étrangers, lui permettant de bénéficier de 60 000 euros par an pendant trois ans pour ses expériences, et d’embaucher un post-doctorant pour deux ans. « Le programme Atip-Avenir ouvre toutes les portes, grâce à un projet solide validé par un comité d’experts internationaux et à une certaine indépendance financière ». Elle a choisi de s’établir à l’Institut des neurosciences de Montpellier (INM) qui « encourage la recherche fondamentale, tout en facilitant les approches translationnelles, et qui possède une plateforme d’imagerie de pointe et une animalerie performante ». L’INM contribue également au projet en finançant une aide technique. 

Désormais installée, Karine Loulier utilise ses marqueurs colorés pour étudier le développement cérébral précoce de souris modèles pour des pathologies psychiatriques telles que la schizophrénie. Elle provoquera également elle-même des déséquilibres cellulaires au cours de la corticogenèse, pour en observer les effets sur le comportement. Enfin, elle testera des molécules pour observer l’effet sur le développement du cortex cérébral. Elle espère à terme identifier l’origine de certains troubles psychiatriques et découvrir les facteurs associés aux anomalies développementales qui en seraient à l’origine.

Karine Loulier est responsable de l’équipe ATIP-Avenir Corticogenèse : diversité et plasticité des cellules souches neurales au cours du développement cérébral, en contexte sain et pathologique, à l’Institut des neurosciences de Montpellier (INM, unité 1051 Inserm/Université de Montpellier).