Valérie Gabelica : Une chimiste répond aux besoins des biologistes

Valérie Gabelica dirige une équipe dédiée à l’analyse des acides nucléiques par spectrométrie de masse au sein de l’unité « Acides nucléiques : Régulations naturelle et artificielle », à Bordeaux. La chimiste a obtenu un financement du Conseil européen de la recherche (ERC Consolidator grant) pour développer une méthode permettant de révéler les mécanismes de repliement des acides nucléiques.

Valérie Gabelica
Valérie Gabelica © Inserm/Begouen, Etienne

Quel est votre itinéraire scientifique ?

Chimiste de formation, j’ai fait ma thèse à l’Université de Liège, en spectrométrie de masse. Il s’agit d’un outil analytique qui mesure très précisément la masse des molécules, permettant d’en déduire leur composition. 

En tant qu’utilisatrice, je me suis heurtée aux limites des appareils commerciaux. D’où une première extension de mes recherches vers l’aspect théorique et l’instrumentation, en collaboration avec des physiciens. 

D’autre part, je m’intéressais déjà aux acides nucléiques en tant qu’objets d’étude : l’ADN et l’ARN, molécules porteuses de l’hérédité. J’ai ainsi rencontré des biologistes qui m’ont exposé leurs questionnements quant à ces molécules. Avec l’équipe de Liège, où je suis revenue après mon post-doc, il nous restait à voir comment y répondre grâce à la spectrométrie de masse. 

Pourquoi les acides nucléiques ?

La spectrométrie de masse sur les macromolécules biologiques se développait alors, à des fins de séquençage. Concernant les acides nucléiques, elle a vite été laissée de côté au profit d’autres méthodes. J’ai cependant continué à m’y intéresser bien que ce ne soit plus « à la mode », mais sous un autre aspect : je voulais savoir comment les acides nucléiques s’assemblent en complexes et se lient à des ions ou de petites molécules, éventuellement d’intérêt pharmaceutique. Nous avons ainsi pu découvrir des complexes inattendus, et plus d’une fois ! 

Comment avez-vous rejoint l’Inserm à Bordeaux ?

C’est la configuration unique de l’environnement scientifique à Bordeaux qui m’a décidée à quitter la Belgique. Mon équipe est localisée à l’Institut européen de chimie et de biologie (IECB), un incubateur de projets rassemblant des équipes de différents horizons : chimistes, biologistes, ingénieurs... Avant, je travaillais sur les acides nucléiques dans un département de chimie. Ici, j’ai rejoint un laboratoire qui travaille sur ces molécules et j’apporte mon bagage en physico-chimie. 

J’ai rejoint Bordeaux en janvier 2013 grâce à un financement Atip-Avenir et j’ai immédiatement écrit le projet de recherche qui m’a permis d’obtenir la bourse de l’ERC car je savais ce que je voulais faire ! Le financement de l’ERC m’a permis d’acheter des appareils très chers, et de recruter des étudiants en thèse, des ingénieurs et de post-docs. 

En quoi consiste ce projet et où en est-il ?

Il s’agit d’en savoir plus sur la conformation spatiale des complexes d’acides nucléiques détectables par spectrométrie de masse. Pour ça, il faut développer l’instrumentation. Une technique commercialement disponible, la spectrométrie de mobilité ionique, sépare les molécules injectées dans l’appareil en fonction de leur déplacement dans un champ électrique. Tout le problème, sur lequel nous avons déjà bien avancé, est ensuite d’interpréter ces données en termes de structure spatiale. 

Nous développons aussi une technique qui n’existe ni dans le commerce, ni dans la littérature, et qui consiste à « sonder » les structures d’acides nucléiques avec un laser, le tout dans le spectromètre de masse. Nous avons acquis le matériel nécessaire et réalisé le montage. Il faut maintenant prouver, par des mesures, que nous avons réussi. Enfin, il s’agit d’appliquer tout cela à des complexes d’acides nucléiques qui intéressent les biologistes. 

Finalement, vous êtes devenue biologiste ?

Non, je fais de la chimie physique et analytique : c’est mon cœur de métier, ma pratique quotidienne. Je veux me concentrer sur le fondamental et repousser toujours plus loin les limites de l’instrumentation. Ma philosophie est de mettre les techniques à la disposition de la communauté, par exemple des biologistes, ce que permettent précisément l’Inserm et l’IECB. 

En savoir plus sur Valérie Gabelica et ses travaux

Valérie Gabelica dirige l’équipe Spectrométrie de masse des acides nucléiques et des complexes supramoléculaires au sein de l’unité 1212 Inserm/CNRS/Université de Bordeaux (unité Acides nucléiques : Régulations naturelle et artificielle – ARNA)