Virus de la fièvre jaune : les coulisses du vaccin décryptées

Si le vaccin contre la fièvre jaune est particulièrement sûr et efficace, on ne sait toujours pas ni pourquoi, ni comment. Des chercheurs de l’Inserm et de l’Institut Pasteur viennent d’élucider au moins en partie ce mystère, en montrant que la souche vaccinale entre dans les cellules et active le système immunitaire de façon totalement différente de la souche pathogène dont elle est issue.

Le vaccin contre la fièvre jaune est l’un des plus sûrs et efficaces qui existent aujourd’hui. Il s’agit d’un vaccin préparé à partir d’une souche vivante atténuée du virus responsable de la maladie (souche 17D). Il a été mis au point dans les années 1930, par Max Theiler*, sans que l’on puisse à l’époque décrire les mécanismes biologiques à l’origine de son efficacité. Des chercheurs de l’Inserm, en collaboration avec une équipe de l’Institut Pasteur, se sont récemment penchés sur les mécanismes moléculaires responsables de l’atténuation de la virulence la souche D17 et sur ceux relatifs à son immunogénicité, c’est-à-dire sa capacité à induire une réponse immunitaire. Ils ont montré que la souche vaccinale infecte nos cellules et stimule l’immunité selon des processus totalement différents de la souche sauvage pathogène, responsable de la fièvre jaune.

L’immunité mieux alertée

Ali Amara**, responsable de cette étude, explique : « comme les autres virus vivants atténués vaccinaux, le vaccin 17D a été obtenu à l’issue de cultures successives d’une souche pathogène, la souche Asibi, sur différents tissus de vertébrés. Au cours de ce processus, la souche 17D a acquis plusieurs mutations qui lui permettent de conserver sa capacité à se répliquer, tout en perdant son pouvoir pathogène ». Les mutations caractérisant la souche 17D ont été décrites par ailleurs : elles affectent tous les gènes du virus, mais se concentrent notamment au niveau du gène codant pour la protéine E, une molécule essentielle à l’entrée du virus dans les cellules cibles. Ali Amara et son équipe ont émis l’hypothèse que les mutations du gène codant pour la protéine E pourraient jouer un rôle essentiel dans la perte de pathogénicité du virus. 

Pour le vérifier, les chercheurs ont comparé la cinétique d’entrée et d’activation immunitaire des souches vaccinale et pathogène (souche Asibi). « Nous avons observé que, grâce aux mutations qu’il a incorporé dans sa glycoprotéine E, le virus 17D emprunte une voie d’entrée dans la cellule totalement distincte de la voie qu’utilise habituellement la souche Asibi ou d’autres virus de la même famille, comme celui de la dengue » précise le chercheur. « Grâce à cet ensemble de mutations (8 au total), la souche vaccinale se fixe aussi de façon beaucoup plus efficace sur la cellule hôte, ce qui permet de libérer une forte concentration d’ARN viral dans cette cellule. Ce mécanisme aboutit à une stimulation plus intense du système immunitaire et à une production exacerbée de cytokines pro-inflammatoires et antivirales » indique-t-il. 

Du virus de la fièvre jaune aux autres flavivirus

Ces particularités expliqueraient l’efficacité vaccinale du vaccin 17D. « Il serait intéressant de voir si ces résultats sont généralisables à d’autres vaccins antiviraux vivants, comme le vaccin contre la rougeole ou celui contre la rubéole » explique le chercheur. Ces résultats pourraient être également utiles au développement de vaccins ciblant d’autres flavivirus pathogènes, comme le virus Zika qui frappe actuellement l’Amérique du Sud et se propage de manière explosive. Auparavant, ces données, qui ont été obtenues sur différentes cultures de cellules humaines, devront être confirmées chez l’animal. 

Note

* travaux récompensés par le prix Nobel de Médecine en 1951

** unité 944 Inserm/université Paris Diderot, équipe Biologie cellulaire des virus émergents, hôpital Saint-Louis, Paris 

Source

MD Fernandez-Garcia et coll. Vaccine and Wild-Type Strains of Yellow Fever Virus Engage Distinct Entry Mechanisms and Differentially Stimulate Antiviral Immune Responses. Mbio, janvier/février 2016;7(1):1–15.