L’urine fœtale comme source de biomarqueurs pour diagnostiquer les maladies rénales rares

La présence de douze molécules spécifiques dans les urines des fœtus présentant une malformation urinaire (valves de l’urètre postérieur) permet de prédire la survie de l’enfant deux ans après sa naissance. Cet outil pronostic développé par une équipe de l’Inserm est en cours de validation sur une large cohorte.

Il va probablement devenir possible de prédire l’avenir d’un fœtus présentant une malformation caractérisée par des valves au niveau de l’urètre postérieur. C’est en tout cas l’objectif poursuivit par une équipe de l’Inserm et le service de néphrologie pédiatrique du Pr Decramer de l’hôpital des Enfants à Toulouse. Leurs travaux ont conduit au développement d’un test pronostic, se fondant sur l’analyse de marqueurs biologiques trouvés dans l’urine fœtale. 

Les valves de l’urètre postérieur sont des anomalies rares qui touchent environ un enfant sur 8 000. Elles empêchent l’écoulement normal de l’urine, qui stagne alors dans la vessie et les reins. Cela entraine des lésions précoces et altère plus ou moins rapidement et sévèrement la fonction rénale. « Aujourd’hui, il est extrêmement difficile de prévoir la sévérité de l’atteinte rénale de l’enfant à naître. Certains décèdent rapidement du fait d’une insuffisance rénale terminale, alors que d’autres passent leurs premières années de vie quasiment sans symptômes. L’échographie et deux ou trois marqueurs biologiques permettent d’identifier les cas les plus graves in utero. Néanmoins ces outils sont peu prédictifs du devenir de l’enfant », explique Joost Schanstra*, co-auteur des travaux. « De part l’utilisation d’outils pronostiques trop peu efficaces, des enfants naissent sans lésions rénales sévères alors qu’une interruption thérapeutique de grossesse avait été suggérée mais refusée par les parents », reconnaît le chercheur. 

Une combinaison de 12 peptides

Pour tenter de fournir un outil pronostic fiable, Julie Klein, post-doctorante dans l’équipe, a recherché des marqueurs urinaires associés à la perte de la fonction rénale au cours des deux premières années de vie de l’enfant. « Avant cet âge, la mise en place d’une dialyse ou la greffe sont extrêmement difficiles à réaliser », clarifie Joost Schanstra. Sur les 4 000 peptides (fragments de protéines) présents dans l’urine fœtale prélevée au cours d’une procédure proche de l’amniocentèse, 26 étaient associés à un risque majeur d’insuffisance rénale précoce. Les auteurs en ont retenu douze très sensibles et spécifiques pour ce pronostic. Ils les ont analysés chez 38 fœtus atteints de valves de l’urètre postérieur de différente gravité. « Cette combinaison de marqueurs permet de repérer avec une très grande sensibilité les enfants à risque de développer des lésions rénales sévères avant l’âge de deux ans, sans risquer d’inclure des faux positifs », se réjouit le chercheur. 

Encore du chemin avant la généralisation

« Ces résultats sont très encourageants et l’outil développé répond à un vrai besoin. Il est en cours de validation sur une plus grande cohorte, grâce au consortium européen EURenOmics dédié à l’étude maladies rénales rares. Les résultats sont attendus d’ici deux ans environ. Ensuite, l’idée serait de développer un laboratoire de référence disposant des équipements et connaissances techniques permettant de réaliser ce test en routine. Alors seulement, il sera possible de demander la reconnaissance de cet outil par les autorités de santé en vue de sa généralisation », prévoit le chercheur. 

Note :
* unité 1048 Inserm, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC), Toulouse 

Source :
J. Klein et coll. Fetal Urinary Peptides to Predict Postnatal Outcome of Renal Disease in Fetuses with Posterior Urethral Valves (PUV). Sci Transl Med. 2013 Aug 14;5(198):198ra106. doi : 10.1126/scitranslmed.3005807