Thérapie génique : un vecteur clé pour traiter certaines maladies vasculaires

Un nouveau vecteur viral pourrait bien révolutionner le traitement de maladies vasculaires prolifératives et de certaines maladies cardiaques : il permet d’envisager en effet des thérapies géniques pour ces pathologies.

Après cinq ans de travail, une équipe de l’Inserm*, en collaboration avec les équipes américaine des Dr Samulski et Hajjar, vient d’achever le développement d’un outil sûr et efficace, permettant d’envisager la thérapie génique de maladies vasculaires prolifératives. L’objectif était d’obtenir un « vecteur » chargé de transporter un gène-médicament qui pénètre facilement dans les cellules musculaires lisses, y persiste, permette au gène-médicament associé de s’exprimer et soit dénué d’effets indésirables. Pari gagné. 

© Inserm, Michèle Coutard

Ce vecteur, appelé AAV2.5, est une chimère générée à partir du virus AAV2. Il est tout à fait original, de sorte qu’aucun patient ne présente d’anticorps dirigés contre lui, contrairement à d’autres vecteurs issus d’adénovirus circulants dans la population générale. 

En outre, il ne s’intègre pas dans le génome des cellules dans lesquelles il pénètre, évitant ainsi des insertions aléatoires qui peuvent induire des mutations, elles-mêmes susceptibles de conduire à la formation de tumeurs. Enfin, il persiste dans la cellule pendant toute la durée de vie de celle-ci. 

Un premier essai contre la resténose

Les chercheurs ont testé ce nouveau vecteur chez des rats présentant une « resténose » au niveau de la carotide. La resténose correspond au rétrécissement d’une artère survenant après de l’implantation d’un stent (petit dispositif placé dans une artère à la suite d’un épisode de sténose, pour maintenir son diamètre et garantir un bon flux sanguin). Elle est due à une prolifération des cellules musculaires lisses sur la paroi interne de l’artère, au niveau du stent. Les resténoses sont très fréquentes et entrainent un risque d’obstruction artérielle qui peut être gravissime. 

Le principe de la thérapie génique de la resténose est simple : « L’idée est d’introduire dans les cellules musculaires lisses qui tapissent la paroi des artères un gène codant pour une protéine qui freine leur prolifération » explique Anne-Marie Lompré, coauteur des travaux. Plusieurs gènes-médicaments permettant d’y parvenir sont déjà connus. « La difficulté consistait à trouver le vecteur idéal pour transporter ce gène » poursuit la chercheuse. 

Un vecteur très bien toléré

Les chercheurs ont été agréablement surpris par le comportement exemplaire de leur nouveau vecteur. Celui-ci avait toutefois été précédemment testé en clinique pour le traitement de la maladie de Duchenne. Deux jours après son injection au niveau de la carotide des animaux, le gène transporté s’exprimait déjà dans les cellules cibles. Avec un autre vecteur de type AAV, il faut attendre environ trois semaines. Cette expression s’est maintenue dans le temps et aucune réaction inflammatoire n’a été détectée, contrairement à ce qui est observé avec les vecteurs adénoviraux. « Chez l’homme, une cellule musculaire lisse vit environ 400 jours, ce n’est pas énorme mais cela permettrait de prévenir le risque de resténose pendant toute cette durée avec une seule injection », explique la chercheuse. 

Utile contre les maladies cardiaques

Pour Anne-Marie Lompré, il serait encore plus intéressant d’utiliser de ce vecteur dans les cellules cardiaques qui ne se renouvellent pas : le vecteur resterait alors dans ces cellules à vie, permettant l’expression prolongée d’une protéine thérapeutique. Dans un essai qui débute actuellement à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, un vecteur AAV de type 1 est utilisé pour tenter de traiter l’insuffisance cardiaque. Près de 40% des patients éligibles ne pourront bénéficier de cette thérapie génique car ils présentent des anticorps contre le virus utilisé comme vecteur. « Cela ne serait pas arrivé avec un vecteur chimère de ce type », illustre-t-elle. 

Note :
* Unité 956 Inserm/UMPC-Paris 6, hôpital de la Pitié Salpétrière, Paris 

Source :
A.M. Lompré et coll. Efficient transduction of vascular smooth muscle cells with a translational AAV2.5 vector : a new perspective for in-stent restenosis gene therapy. Gene Ther. Edition en ligne du 28 mars 2013