Le sommeil au chevet de l’immunité

Si les fonctions du sommeil sont encore mal comprises, dormir serait essentiel à l’efficacité du système immunitaire et protègerait l’homme des infections.

Selon une étude épidémiologique conduite sur quatre années, une mauvaise qualité de sommeil augmenterait la vulnérabilité aux infections, et en particulier celles dues aux parasites et aux champignons. En effet, parmi les 9 294 sujets suivis au cours de cette étude, ceux qui déclaraient une mauvaise qualité de sommeil (estimée par l’existence d’une somnolence diurne excessive) étaient plus souvent traités par des médicaments antiparasitaires et antifongiques que les autres. Ces résultats confortent l’hypothèse selon laquelle le sommeil aiderait le système immunitaire à fonctionner et à se reconstituer. Ils permettent de mieux comprendre un des rôles du sommeil. 

Toutes les espèces animales dorment, mais pourquoi ?

Malgré la somme de connaissances accumulées en sciences de la vie, les fonctions du sommeil restent en réalité mal décrites. Les spécialistes de la médecine évolutionniste, en particulier, cherchent à les décrire à la lumière de l’approche darwinienne. En d’autres termes, ils étudient comment le sommeil s’est forgé à travers l’évolution : « Le sommeil a un coût pour toutes les espèces vivantes, car il les rend vulnérables aux prédateurs, aux piqûres d’insectes, aux dangers immédiats, précise Sylvaine Artero*, qui a dirigé l’étude. Si l’évolution a conservé le fait de dormir, c’est que l’organisme en tire des bénéfices supérieurs. Cette mise au repos permet sans doute de consacrer son énergie à d’autres fonctions ». Chez l’homme, il a été montré que le sommeil favorise l’apprentissage, la mémorisation et la réparation du système nerveux. Et son utilité pour le système immunitaire est une hypothèse souvent avancée. Dernière en date, une étude conduite sur plusieurs espèces animales montre que celles qui dorment le plus longtemps sont celles qui sont le plus épargnées par les infections. Il existe cependant peu de données à ce sujet chez l’homme. 

Consommation supérieure de médicaments anti-infectieux

C’est pourquoi plusieurs équipes de recherche de l’Inserm et du CNRS ont collaboré pour conduire une analyse se fondant sur des données de l’étude épidémiologiques des Trois cités (3C), une vaste étude qui a suivi des sujets âgés pendant 15 ans, sur le plan physiologique et neuropsychiatrique. Dans le cadre de cette étude, les participants ont déclaré s’ils présentaient une somnolence diurne excessive (une estimation d’une mauvaise qualité ou quantité de sommeil). Parallèlement, les données de consommation de médicaments recueillies auprès de l’Assurance Maladie ont permis de rechercher les épisodes au cours desquels les participants ont été traités par anti-infectieux (antibiotiques, antiviraux, antifongiques, antiparasitaires) durant quatre ans. 

L’analyse statistique de ces données a confirmé que ceux qui dormaient de manière la plus efficiente étaient moins souvent traités par des médicaments antifongiques et antiparasitaires. Le design de l’étude n’a pas permis de montrer de corrélation avec le risque de maladies virales ou bactériennes, mais l’hypothèse reste posée : « Beaucoup d’infections virales, comme une angine ou une rhinopharyngite, ne sont pas traitées par les antiviraux. La consommation de ces médicaments ne reflètent donc qu’une partie des épisodes infectieux qui leurs sont liées. A l’inverse, les antibiotiques peuvent être prescrits en prévention, et parfois à mauvais escient. Les données qui leur sont relatives ne sont donc pas assez spécifiques ». Pour évaluer la corrélation entre le sommeil et ces deux types d’infections, une étude plus spécifique est nécessaire. 

« Il faudra corroborer nos résultats par d’autres études, pour se concentrer ensuite sur les mécanismes biologiques qui sous-tendent cette corrélation » explique Sylvaine Artero. Quelques études ont étudié l’impact d’une privation de sommeil aiguë ou chronique sur l’affaiblissement du système immunitaire au niveau biologique, mais ces données préliminaires devront aussi être complétées. 

Note

* unité 1061 Inserm / Université de Montpellier, « Neuropsychiatrie : recherche épidémiologique et clinique » 

Source

C Berticat et coll. Excessive daytime sleepiness and antipathogen drug consumption in the elderly : a test of the immune theory of sleep. Scientific Reports 2016 : 6, 23574. doi:10.1038/srep23574.