Seniors : Sport ou lecture, il ne faut pas choisir !

Chez les personnes âgées, l’activité physique et l’activité cognitive augmentent chacune le volume de matière grise de régions cérébrales spécifiques. Les deux types d’occupation seraient ainsi complémentaires et bénéfiques, même tardivement, pour retarder les effets du vieillissement sur la santé cérébrale.

Les sujets âgés qui pratiquent régulièrement une activité physique ou une activité cognitive ont un volume de matière grise augmenté, d’après l’imagerie IRM. Ils présentent moins d’atrophie cérébrale que leurs homologues ne pratiquant pas de telles activités. L’augmentation du volume de matière grise qui en résulte survient notamment au niveau du cortex préfrontal et de l’hippocampe, deux régions particulièrement affectées par les mécanismes neurotoxiques des démences, et notamment ceux de la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, selon la nature de l’activité pratiquée, l’imagerie montre des différences fines au niveau des régions cérébrales concernées. Les activités physique ou cognitive auraient donc un intérêt complémentaire pour retarder les effets du vieillissement cérébral

Gaël Chételat*, qui a encadré ces travaux, explique : « Jusqu’à présent, on savait que l’activité physique ou cognitive pouvait avoir un bénéfice sur la plasticité de certaines régions cérébrales, et notamment celles qui sont connues pour être sensibles au vieillissement. Mais ces études ne permettaient pas de discriminer le bénéfice distinct de chacune d’entre elles sur la santé cérébrale. Dans ce travail mené par Eider Arenaza-Urquijo, nous avons pu l’établir en comparant directement leurs effets mesurés au sein d’une même étude ». Au total, 45 personnes âgées de 72 ans en moyenne ont été incluses. Elles ont été interrogées sur leur degré d’activité physique et cognitive exercées au quotidien, et ont bénéficié d’une imagerie cérébrale. « Nous avons pu constater que le bénéfice de ces différentes occupations persistait, même lorsqu’on l’ajustait sur leur niveau d’activité cognitive plus jeunes ».

La matière grise correspond aux zones cérébrales qui regroupent les cellules nerveuses, les cellules gliales et les synapses. Son rôle est de percevoir et traiter les informations. Comment l’augmentation de son volume permettrait-elle de réduire la survenue des démences ? « Il est encore difficile de déterminer précisément les mécanismes impliqués. Mais il est probable que cette augmentation permette d’accroître ce que l’on appelle la réserve neuronale. Celle-ci limiterait à la fois la mort des neurones et l’intensité de l’impact clinique des lésions cérébrales sur les mécanismes cognitifs ».

Il n’y a pas d’âge pour commencer

« Nos résultats suggèrent que l’activité cognitive et l’activité physique sont bénéfiques à tout âge, même chez le sujet âgé. Ceux qui en ont la capacité et l’envie ne doivent pas hésiter à pratiquer l’une et/ou l’autre régulièrement. Notre étude montre par ailleurs qu’il existe un effet dose : plus le niveau d’activité est élevé, et plus les volumes cérébraux de matière grise sont augmentés ».

L’heure est aujourd’hui à la traduction concrète de ces résultats en termes cliniques : « Nous avons un financement européen pour conduire une étude prospective qui comparera un groupe de sujets âgés suivant un programme d’apprentissage de l’anglais durant 18 mois à un groupe contrôle. Un troisième groupe de personnes suivra quant à lui des séances de méditation durant le même temps : il permettra de comparer les effets d’une prise en charge principalement cognitive (l’apprentissage de l’anglais) à une prise en charge intégrant les facteurs psycho-affectifs (régulation du stress et des émotions), connus pour influencer l’évolution vers la démence ». Baptisée Silver Santé Study, cette étude va permettre de suivre de nombreux biomarqueurs de santé – notamment cérébraux – pour évaluer le bénéfice clinique et cognitif de l’activité d’apprentissage. L’activité physique constituera une covariable dans l’analyse des résultats. « Nous espérons récolter des fonds supplémentaires pour prolonger le suivi au-delà de 18 mois, afin d’évaluer les effets à plus long terme ». Les premiers résultats seront disponibles à partir de 2019. 

Note

* Inserm, unités 1077 et 1237, Caen 

Source

EM Arenaza-Urquijo, R. de Flores et coll. Distinct effects of late adulthood cognitive and physical activities on gray matter volume. Brain Imaging and Behaviour, édition en ligne 18 octobre 2016.