Sclérose en plaques : un problème de canalisation ?

Un système de plomberie défaillant dans notre organisme serait en cause dans le développement de la sclérose en plaques. En effet, une mauvaise évacuation des déchets générés par l’activité des neurones pourrait bien expliquer la destruction progressive des fibres nerveuses des malades.

La sclérose en plaques est une maladie auto-immune où le mécanisme de défense du patient attaque son propre système nerveux central, composé du cerveau et de la moelle épinière, avec à la clé des troubles moteurs, sensitifs et cognitifs. C’est alors qu’entrerait en jeu le système glymphatique, sorte de système d’évacuation où coule le liquide céphalorachidien chargé d’éliminer les déchets qui circulent dans les tissus nerveux. Une nouvelle étude réalisée par Fabian Docagne et son équipe du centre Cyceron à Caen démontre en effet que la circulation dans ce système est hautement perturbée dans la sclérose en plaques. 

Pour en comprendre les raisons, une explication du mot « glymphatique » s’impose. Celui-ci tient son nom des termes « glie » et « lymphatique ». Les cellules gliales, ou glie, sont des cellules de soutien des neurones : elles les protègent, les nourrissent et participent au fonctionnement de nos défenses immunitaires. Mais ce sont des cellules gliales bien particulières qui jouent un rôle important dans le système glymphatique : les astrocytes. Celles-ci enveloppent les vaisseaux sanguins du cerveau jusqu’à leurs plus fines ramifications, les capillaires. Entre la paroi de ces derniers et les astrocytes, un petit espace laisse librement circuler le liquide céphalorachidien. À la manière du système lymphatique qui évacue les déchets cellulaires du reste de notre corps, le système glymphatique évacue ainsi ceux du système nerveux central. 

Une dérégulation du système glymphatique

Grâce à une technique d’imagerie par résonnance magnétique haute résolution, les chercheurs caenais ont observé les tissus cérébraux et de la moelle épinière de souris atteintes d’un modèle de sclérose en plaques. Ils ont ainsi mis en évidence une dérégulation de ce système dont l’origine est à chercher du côté de l’aquaporine 4. Derrière ce nom barbare se cachent un ensemble de protéines qui forment des « pores » dans les membranes biologiques et qui sont perméables aux molécules d’eau. « Tel un barrage sur un fleuve, illustre Fabian Docagne, ces canaux localisés au niveau des prolongements des astrocytes, que l’on nomme pieds, régulent la circulation du système glymphatique en dirigeant le flux de liquide. Si les aquaporines 4 sont délocalisées dans tout l’astrocyte, la circulation ne se fait plus correctement. »

Par ailleurs, le système glymphatique serait surtout perturbé dans la moelle épinière, « bien qu’on ne sache pas si cela est une cause ou une conséquence de la maladie », poursuit le chercheur. Autre découverte : cette perturbation s’accompagne, en temps et en lieu, d’une infiltration massive de cellules immunitaires dans le système nerveux central qui s’attaquent à la myéline, cette gaine qui protège les prolongements des neurones par lesquels transitent les informations. Or, ce phénomène de démyélinisation est en cause dans le développement de la sclérose en plaques. Néanmoins, « à l’heure actuelle, nous ne savons pas si c’est la dérégulation du système glymphatique qui facilite l’infiltration de cellules immunitaires, ou si c’est l’inverse », nuance Fabian Docagne. 

Désormais, son équipe cherche à identifier des cibles thérapeutiques qui permettraient d’intervenir sur le système glymphatique à différents stades de la maladie. « La recherche de nouvelles techniques d’imagerie non invasive chez l’Homme permettrait à l’avenir d’observer les effets d’un traitement qui cible le système glymphatique d’un patient, envisage le chercheur. Ainsi nous pourrons étudier l’évolution ou la régression de la maladie. » Des perspectives qui pourraient également bénéficier à d’autres pathologies, notamment neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, pour lesquelles une dérégulation du système glymphatique a aussi été mise en évidence. 

Un article à retrouver dans le prochain numéro du magazine de l’Inserm

Note

*unité 1237 Inserm/Université Caen Normandie – Établissement français du sang, Physiopathologie et imagerie des maladies neurologiques, équipe serine protéases, neuroinflammation et cellules gliales, centre Cyceron, Caen. 

Source

A. Fournier et coll. Reduced spinal cord parenchymal cerebrospinal fluid circulation in experimental autoimmune encephalomyelitis. Journal of Cerebral Blood Flow & Metabolism DOI :10.1177/0271678X18754732