Rendre le cancer du pancréas plus vulnérable

Des chercheurs Inserm proposent une nouvelle piste pour améliorer la sensibilité des cancers du pancréas à la chimiothérapie : empêcher la production de facteurs de chimiorésistance par des cellules du microenvironnement de la tumeur. Une molécule thérapeutique déjà utilisée dans le traitement d’autres types de tumeurs est en cours d’évaluation.

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© Inserm, JJ Duron Cancer du pancréas – 

Une équipe Inserm* est parvenue à mieux comprendre pourquoi les cellules de cancers du pancréas résistent à la chimiothérapie. Ils testent aujourd’hui l’efficacité d’une molécule thérapeutique permettant de réduire ce phénomène, et donc d’améliorer la sensibilité au traitement.

Le microenvironnement contribue à la chimiorésistance

Le cancer du pancréas est redoutable. Moins de 5% des patients sont encore en vie cinq ans après le diagnostic. L’une des raisons est la résistance des cellules cancéreuses à la chimiothérapie : elle rend le traitement inefficace et la progression de la tumeur inéluctable. Et si les cellules de cancers du pancréas développent leurs propres mécanismes de résistance, le microenvironnement de la tumeur serait également largement responsable du phénomène. Celui-ci est constitué de stroma, un mélange de cellules immunitaires, endothéliales et de fibroblastes, immergées dans une matrice extracellulaire extrêmement dense et compacte. Ce stroma contient notamment des « fibroblastes associés au cancer » (CAFs) très abondants, qui produisent des protéines en excès. 

Des facteurs de chimiorésistance

Afin d’évaluer la possible influence de ces CAFs sur la chimiorésistance, les chercheurs en ont isolés à partir de tumeurs de pancréas issues de patients opérés aux CHU de Toulouse et Limoges. Ils ont ensuite greffé des cellules cancéreuses humaines avec ou sans CAFs à des souris et ont traitées ces animaux avec de la gemcitabine, la chimiothérapie de référence dans le cancer du pancréas. 

Il est alors apparu que les tumeurs grossissaient davantage en présence de CAFs qu’en leur absence, indiquant que ces fibroblastes rendent la tumeur plus résistante au traitement. Les chercheurs ont alors étudié ces CAFs de plus près et ont observé qu’une voie de signalisation (la voie mTOR/4E-BP1) y était hyperactive et conduisait une production excessive de protéines telles que des facteurs de croissance et des facteurs de chimiorésistance comme l’interleukine 6. 

Une molécule thérapeutique à l’essai

Or, un laboratoire pharmaceutique possède justement un inhibiteur de cette voie signalisation. La molécule, SOM230, est déjà utilisée dans le traitement d’autres types de tumeurs (tumeurs neuroendocrines). Les chercheurs ont poursuivi leurs travaux en testant l’effet de cet inhibiteur sur leurs souris. 

Les résultats sont majeurs : alors qu’une tumeur humaine greffée chez le rongeur grossit malgré l’administration de gemcitabine seule, sa progression est stoppée si SOM230 est ajouté au traitement. La molécule bloque la production de facteurs de chimiorésistance par les CAFs et améliore la sensibilité des cellules cancéreuses au traitement. « La chimiothérapie est nécessaire, mais ces travaux montrent qu’il faut l’associer à d’autres médicaments pour augmenter son efficacité et prendre le microenvironnement en compte. Plusieurs pistes sont à l’essai, comme celle des enzymes de dégradation du stroma. Mais cette approche n’est pas spécifique. Au regard de nos récents travaux, il paraît pertinent de cibler la voie mTOR/4E-BP1 hyperactivée dans les CAFs, explique Corinne Bousquet, coauteur des travaux. Un essai clinique de phase 1 visant à vérifier l’innocuité de l’association gemcitabine/SOM230 a déjà eu lieu chez l’Homme. Un essai de phase 2 permettant d’évaluer son efficacité devrait démarrer prochainement. En attendant, nous continuons à identifier les facteurs de chimiorésistance produits par les CAFs, afin de disposer d’autres cibles spécifiques », conclut la chercheuse. 

Note

*unité 1037 Inserm/CNRS Université de Toulouse III Paul Sabatier, Centre de recherche en cancérologie de Toulouse 

Source

C. Duluc et coll. Pharmacological targeting of the protein synthesis mTOR/4E-BP1 pathway in cancer-associated fibroblasts abrogates pancreatic tumour chemoresistance. EMBO Mol Med, édition en ligne du 1er avril 2015