Quand un prophage contrôle la capacité du staphylocoque doré à surinfecter une plaie...

Le prophage ROSA-like, particule d’ADN capable d’infecter certaines bactéries, confère au staphylocoque doré une propriété intéressante : celle de ne pas surinfecter les plaies.

Hôte habituel de notre organisme, le staphylocoque doré (S. aureus) peut tout aussi bien être inoffensif que pathogène, sans que l’on sache exactement ce qui favorise le passage d’un état à l’autre. Deux équipes de l’Inserm* ont collaboré pour en détailler les mécanismes, en s’intéressant spécifiquement aux ulcères de pied diabétique : ces plaies, fréquentes chez les personnes souffrant de diabète depuis de nombreuses années, sont souvent colonisées par S. aureus. Certaines restent saines, d’autres se compliquent à la suite de l’invasion des cellules des tissus profonds, notamment osseux, par la bactérie. 

Les chercheurs ont montré que cette dichotomie était liée à la présence d’un prophage dénommé ROSA-like : lorsque ce dernier infecte S. aureus, il maintient le microorganisme dans un état inoffensif. Si la bactérie en est exempte, elle peut devenir invasive. Pour Jean-Philippe Rasigade, auteur principal de cette étude : « Il y a toutes les raisons de croire que ce mécanisme est identique quelle que soit la nature et la localisation de la plaie. S’il est confirmé que ce prophage est absent de toutes les souches de S. aureus invasives, il constituerait à la fois un marqueur prédictif du risque d’infection et une cible potentielle pour développer de nouveaux traitements antibiotiques ».

Un mécanisme dépendant du fer

Au démarrage de ces travaux, les scientifiques avaient constaté que le caractère invasif de S. aureus était corrélé à la lignée de la bactérie : certaines étaient invasives, d’autres non. Pour les différencier, ils ont analysé le matériel génétique d’une des souches les moins invasives, CC5/8. « L’équipe du Pr Jean-Philippe Lavigne a mis en évidence la présence d’un prophage spécifique au sein de ces bactéries, mais il fallait vérifier le lien de cause à effet entre cette particule et l’innocuité de la souche » explique Jean-Philippe Rasigade. 

Pour ce faire,un modèle expérimental a été développé dans lequel la souche CC5/8 pouvait expulser le prophage. « Dès lors, la lignée est devenue pathogène in vitro sur des cellules de tissu osseux ». Si la capacité d’expulsion du prophage n’existe pas dans la nature, elle a néanmoins permis de prouver la corrélation entre la présence du prophage et l’invasivité de la bactérie ainsi que son pouvoir pathogène. L’équipe du Pr Jean-Philippe Lavigne cherche aujourd’hui à en détailler les mécanismes biologiques : « D’ores et déjà on sait que le S. aureus porteur du prophage n’est plus capable de capter le fer ». Une fois la cascade biologique entièrement décrite, elle pourra constituer une potentielle cible thérapeutique pour combattre les infections à S. aureus.

Dans le délai, l’idée d’un outil prédictif se dessine aussi : « La prise en charge des ulcères du pied diabétique peut être difficile et la question de traiter ou non la plaie avec un antibiotique, afin de prévenir les complications, se pose souvent. Si nous confirmons ces résultats à travers des études complémentaires, il serait ensuite possible d’imaginer la mise au point d’un test prédictif très simple à réaliser à partir d’un prélèvement local de bactérie ». Il permettrait d’identifier les personnes ayant un risque de complications et de leur prescrire un antibiotique approprié, le cas échéant.