Les microhémorragies cérébrales associées aux troubles cognitifs

Les microhémorragies cérébrales, fréquemment retrouvées chez les personnes atteintes de démence et notamment de maladie d’Alzheimer, pourraient bien jouer un rôle dans la survenue de ces dernières. Une équipe de recherche lilloise progresse dans l’exploration de ce possible lien grâce à un nouveau modèle animal.

Les microhémorragies cérébrales joueraient-elles un rôle dans la survenue de troubles cognitifs ? C’est ce que suggèrent les résultats de chercheurs lillois*. 

Les microhémorragies cérébrales sont de petits saignements qui surviennent dans le cerveau. Elles sont tellement minimes, que seuls les récents progrès de l’imagerie ont permis de les détecter. A ce jour, on sait peu de choses à leur sujet : contrairement aux hémorragies cérébrales importantes, dont les conséquences sont délétères pour le cerveau, leur impact sur la santé n’est pas connu. Cependant, leur présence est fortement associée aux démences et à leur sévérité. Alors que ces microhémorragies sont observées chez environ 5% des individus en population générale, elles sont retrouvées chez 35% à 85% des patients atteints de démence vasculaire et 16% à 32% des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Cette concordance fait suspecter un lien de cause à effet entre les deux… mais celui-ci reste à prouver ! « Ces micro-saignements peuvent aussi bien être des innocents sur le lieu d’un crime, que les responsables de ce crime », résume Sophie Gautier*, responsable de ces travaux. 

Un déficit cognitif marqué

Pour clarifier ce point, les chercheurs ont développé un modèle animal de microhémorragies, fiable et reproductible. Ils utilisent des souris saines chez lesquelles ils réalisent des microinjections intracérébrales (au niveau fronto-pariétal) de collagénase, une protéine qui dégrade des composants vasculaires et induit des hémorragies. Ils parviennent ainsi à provoquer des microhémorragies corticales repérables par IRM. Dans un second temps, après six semaines, les chercheurs ont évalué les fonctions motrices et cognitives des animaux grâce à différents tests. 

Il s’est avéré que les animaux ainsi traités se déplaçaient aussi bien que des souris témoins, indemnes de microhémorragies. Ils paraissaient même moins anxieux. Par contre, leur mémoire visuelle et spatiale était défectueuse. Or cette mémoire fait principalement appel à l’hippocampe, région du cerveau particulièrement affectée en cas de maladie d’Alzheimer. Les animaux avaient beaucoup de mal à s’orienter dans un circuit avec des repères visuels censés être mémorisés, et à retenir des signaux visuels présentés à répétition. « Ces troubles sont systématiques et prononcés en cas de microhémorragie. En outre, une analyse par PETscan montre que le métabolisme au niveau de l’hippocampe est également diminué, évoquant une perte de fonction », explique Sophie Gautier. 

Autre résultat intéressant, la réponse des animaux à la microhémorragie peut être modulée par un agent pharmaceutique. Une statine, l’atorvastatine, permet de limiter les pertes cognitives en cas de microhémorragies provoquées, et d’obtenir des résultats aux tests quasiment équivalents à ceux des souris saines. Le choix de tester ce médicament s’est fait naturellement car « près de 90% des patients qui ont subi un AVC ou qui sont atteints de la maladie d’Alzheimer se voient administrer une statine en raison d’une hypercholestérolémie ou de risque cardiovasculaire. Les liens entre statine et cognition sont débattus et doivent être clarifiés », souligne Sophie Gautier. Les animaux concernés ont reçu la statine dès l’injection de collagénase et pendant toute la durée du suivi. 

A l’issue de ces travaux, le lien entre micro-saignements et déficit cognitif se resserre donc. L’équipe souhaite maintenant en clarifier les aspects mécanistiques : s’agit-il d’inflammation ? d’œdème ? de réactions d’oxydation ? « Le fait qu’une statine annule en partie les effets de la microhémorragie sur les fonctions cognitives et que ce médicament module la voie inflammatoire est une première piste de travail », explique Sophie Gautier. En parallèle, l’équipe continue à observer les spécificités de ce lien selon le sexe, ou encore selon l’éventuelle prédisposition à une démence. 

Note :

*unité 1171 Inserm/Université Lille 2/CHRU Lille, Troubles cognitifs dégénératifs et vasculaires, Lille

Source

S Bergeron et coll. Role of cortical microbleeds in cognitive impairment : In vivo behavioral and imaging characterization of a novel murine model. J Cereb Blood Flow Metab, édition en ligne du 1er janvier 2018