Mésothéliome : une hétérogénéité moléculaire à prendre en compte

Les mésothéliomes pleuraux malins (cancers de la plèvre) présentent une grande hétérogénéité qu’une équipe Inserm vient de parvenir à clarifier. En effectuant une analyse moléculaire poussée sur de nombreuses tumeurs, les chercheurs ont en effet pu les classer selon des critères qui renseignent sur leur pronostic et, à priori, sur leur sensibilité à l’immunothérapie et aux thérapies ciblées. Reste à transférer ce travail en clinique.

Mieux caractériser le mésothéliome pleural malin est une nécessité pour lutter plus efficacement contre ce cancer de la plèvre, rare et grave. La classification actuelle est fondée sur l’observation de la structure des tissus au microscope (histologique). Elle permet de répartir ces cancers en trois groupes : tumeurs épithéloïdes, sarcomatoïdes ou mixtes. Mais ce système n’est pas satisfaisant : les tumeurs d’un même groupe présentent une grande hétérogénéité, ont un pronostic très variable et ne répondent pas de façon homogène aux traitements. Pour progresser dans la connaissance de ces tumeurs et disposer de meilleures références pour les cliniciens, le groupe dirigé par Didier Jean* au Centre de recherche des Cordeliers (Paris) mise sur l’analyse moléculaire de ce cancer. Pour cela, il a travaillé en collaboration avec l’équipe Cartes d’Identité des tumeurs de la Ligue contre le Cancer, ainsi qu’avec des services cliniques de l’Hôpital européen Georges Pompidou à Paris et des CHRU de Lille et de Nice. 

Une analyse moléculaire poussée

Les chercheurs ont procédé à l’étude transcriptomique (ARNm produits à partir des gènes), épigénétique (modifications chimiques de l’ADN) et à l’analyse des micro-ARN des cellules cancéreuses et du microenvironnement dans une soixantaine de tumeurs. Une analyse bio-informatique des données transcriptomiques a permis d’établir des profils moléculaires associés aux cellules épithéloïdes et aux cellules sarcomatoïdes. Mais ce travail a surtout permis de constater qu’il existe tout un panel de tumeurs présentant des critères moléculaires à la fois de type épithéloïdes et de type sarcomatoïdes. Les chercheurs ont donc établi des gradients moléculaires permettant de classer toutes les tumeurs sur une échelle allant du type épithéloïde à sarcomatoïde. En outre, ils ont observé une grande variabilité des marques épigénétiques entre ces deux types de cellules. Ces marques modifient l’expression des gènes et expliquent certainement, au moins en partie, leur différence de phénotype.

En appliquant cette nouvelle méthode de classification à des tumeurs congelées, issues d’une cohorte de plus de 400 patients, les chercheurs ont constaté qu’elle renseigne sur le pronostic de la maladie, mieux que ne le fait la classification histologique. De façon générale (histologie ou gradient moléculaire), les tumeurs de type sarcomatoïde sont associées à un plus mauvais pronostic. Et plus les tumeurs considérées comme mixtes présentent de marqueurs de type sarcomatoïde, plus elles sont également de mauvais pronostic. 

Des marqueurs de réponse à l’immunothérapie

Les gradients moléculaires pourraient aussi expliquer les différences de sensibilité aux traitements et notamment à l’immunothérapie. En effet, des essais cliniques ont montré une certaine efficacité de celle-ci, mais des niveaux de réponse très variables selon les patients. Dans le cadre de ce travail, les chercheurs ont mis en évidence que les gradients moléculaires étaient liés aux marqueurs de réponse à l’immunothérapie à savoir l’infiltration de la tumeur en lymphocytes T et la présence des cibles des deux immunomodulateurs actuellement disponibles : PDL1 et CTLA4. Ils ont retrouvé ces marqueurs enrichis dans les cellules de type sarcomatoïde par rapport à celles de type épithéloïde. 

Ce travail présente un grand potentiel clinique. « L’idée serait de pouvoir effectuer une caractérisation rapide et systématique des tumeurs de patients, afin d’évaluer le pronostic et la réponse à certains traitements. Cette caractérisation pourrait reposer sur l’analyse d’une soixantaine de gènes d’intérêts que nous avons identifiés », explique Didier Jean, responsable de cette étude. Les chercheurs souhaitent vérifier leur hypothèse selon laquelle les gradients moléculaires sont prédictifs de la réponse à l’immunothérapie. Pour cela, ils veulent lancer un nouveau projet destiné à vérifier les caractéristiques moléculaires des tumeurs de patients ayant reçu une immunothérapie et ayant répondu ou non au traitement. 

Note :
*unité 1138 Inserm/Sorbonne Université/Université de Paris, groupe Génomique fonctionnelle des tumeurs mésothéliales, équipe Génomique Fonctionnelle des Tumeurs Solides – FunGeST, Centre de Recherche des Cordeliers, Paris 

Source : Y Blum et coll. Dissecting heterogeneity in malignant pleural mesothelioma through histo-molecular gradients for clinical applications, Nature Communications, édition du 22 mars 2019. https://doi.org/10.1038/s41467-019–09307‑6