Mélanome : une nouvelle cible thérapeutique pour les formes résistantes

Les cellules de mélanome sont très « plastiques » : elles s’adaptent à leur environnement et, ainsi, peuvent devenir résistantes aux traitements. Une équipe Inserm a découvert un élément clé de cette plasticité. Il s’agit de la protéine NAMPT, qui constitue dès lors une nouvelle cible thérapeutique…

Dans 50 à 70% des cas, un mélanome est associé à une mutation affectant le gène BRAF, responsable de la prolifération cellulaire. Cette découverte a permis la mise au point de traitements ciblés, qui bloquent spécifiquement l’enzyme kinase BRAF mutée (inhibiteurs de BRAF). Ces médicaments sont devenus la référence chez les patients porteurs d’une telle mutation. Mais, malheureusement, après quelques mois ou quelques années d’utilisation, les cellules s’y adaptent et deviennent résistantes au traitement. 

« Les cellules de mélanome ont en effet des capacités d’adaptation inouïes. Selon l’environnement et les besoins de la tumeur, en cas de stress, d’hypoxie ou en présence d’un agent cytotoxique, elles peuvent osciller entre plusieurs formes – proliférative ou invasive – associées à un profil génique particulier. Cela leur permet d’échapper au stress, en s’adaptant à leur nouvel environnement. Cela leur permet aussi de résister aux traitements. C’est pourquoi nous devons absolument comprendre comment se passent ces transitions. Nous pourrions alors mieux lutter contre l’hétérogénéité intra-tumorale et les récidives », explique Corine Bertolotto*, responsable de ces travaux. 

L’utilisation des inhibiteurs de BRAF induit des modifications métaboliques et génétiques

La mutation du gène BRAF est notamment associée à des changements du métabolisme énergique des cellules cancéreuses. Les cellules passent d’un régime « phosphorylation oxydative » à un régime « glycolyse ». Mais en présence d’inhibiteurs de BRAF qui ralentissent la glycolyse, ces cellules peuvent rebasculer vers la phosphorylation oxydative, ou encore vers d’autres systèmes de synthèse énergétique, réduisant l’effet du traitement. 

Pour mieux comprendre ces phénomènes, les chercheurs ont étudié l’ensemble des changements métaboliques provoqués par l’administration d’un inhibiteur de BRAF, le vémurafénib, utilisé en clinique dans le traitement du mélanome métastatique. Ils ont observé tous les métabolites modifiés dans des cellules de mélanome contrôles ou exposées au vémurafénib, puis ils ont décortiqué les voies de signalisation altérées en présence du traitement. C’est ainsi qu’ils ont découvert l’implication d’une voie de signalisation dépendante de BRAF au centre de laquelle se trouve l’enzyme NAMPT (nicotinamide phosphoribosyltransferase). 

Pour évaluer l’impact de cette voie sur le fonctionnement des cellules de mélanome, les chercheurs ont inhibé et surexprimé NAMPT. Forcer son expression réduit l’efficacité des inhibiteurs de BRAF et provoque des modifications transcriptionnelles et épigénétiques qui permettent à la cellule d’acquérir un phénotype invasif et résistant aux inhibiteurs de BRAF. Les cellules deviennent mobiles et s’éloignent de leur position initiale, pouvant favoriser la formation de nouvelles métastases et les récidives. L’inhibition de NAMPT conduit quant à elle à une diminution de ces phénomènes. On observe même une resensibilisation à l’effet de l’inhibiteur de BRAF lorsqu’il s’agit de cellules résistantes à ce dernier. 

« NAMPT semble être un acteur clé de la plasticité des cellules cancéreuses et de la résistance aux traitements. En outre, peut-être que cette molécule est également déréglée chez les patients atteints de mélanome mais non porteurs de la mutation BRAF, via d’autres mécanismes. Si cela se confirme, nous aurions mis la main sur une cible thérapeutique pour l’ensemble des malades, à la fois pour ceux présentant une résistance aux inhibiteurs de BRAF et pour ceux qui présentent une forme sauvage de BRAF et ne répondent pas aux immunothérapies ». Les chercheurs sont désormais en cours de dépôt de brevet pour le développement de substances inhibitrices de NAMPT. 

Note

*unité 1065 Inserm/Université Nice-Sophia-Antipolis, équipe Biologie et pathologies des mélanocytes, C3M, Nice 

Source

M Ohanna et coll. Pivotal role of NAMPT in the switch of melanoma cells towards an invasive and drug-resistant phenotype. Gene & Dev, édition en ligne du 30 mars 2018