Maladie mentale : des patients plus souvent hospitalisés

Les personnes souffrant de maladies mentales sont davantage hospitalisées que les autres pour des motifs autres que psychiques. Une des explications à ce phénomène pourrait être une moins bonne prise en charge globale de ces patients, liée à l’attention portée à leur santé mentale.

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© Inserm, P. Latron Nawal Waucquier, médecin, examine un patient dans une chambre de sécurité microbiologique à flux laminaire. CIC 9301 hôpital cardiologique de Lille.

Les personnes atteintes de maladie mentale souffrent non seulement des symptômes et des éventuelles complications liés à leur maladie, mais, par rapport à la population générale, ils présentent également un risque accru d’hospitalisation pour des causes étrangères à leur état psychique. Cette information n’est pas inédite et de précédents travaux avaient pointé du doigt un sur-risque de mortalité et d’hospitalisation chez ces personnes. Toutefois, une nouvelle étude vient aujourd’hui apporter davantage d’informations sur ce phénomène, grâce à l’analyse de données collectées sur une période de 10 ans. 

Les chercheurs ont travaillé sur un sous ensemble de la cohorte GAZEL composée de plus de 15 800 volontaires, salariés des entreprises EDG–GDF, âgés de moins de 50 ans au début de l’étude, en 1989, et qui ont été suivis jusqu’en 2011. Les scientifiques ont étudié les arrêts de travail de la période allant de janvier 1989 à décembre 2000 et se sont spécifiquement intéressés aux motifs d’arrêt pour troubles mentaux : troubles dépressifs, troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool ou de drogues, troubles anxieux, schizophrénie, troubles schizotypiques et troubles délirants, troubles bipolaires... En parallèle, ils ont estimé le nombre d’hospitalisation déclaré pour les motifs suivants : l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral et le cancer. 

Un sur-risque d’hospitalisation hors cause psychiatrique de 20%

Les chercheurs ont ainsi constaté que les personnes ayant été arrêtées pour troubles mentaux (environ 14% des participants) avaient, par rapport aux autres participants, un sur-risque de 20% d’être hospitalisés pour des raisons sans lien avec la santé mentale. Le sur-risque d’hospitalisation pour un infarctus du myocarde était de 44% et celui pour un accident vasculaire cérébral de 37%. En revanche, le risque d’hospitalisation pour cancer était équivalent entre les deux groupes. Ces résultats sont indépendants des facteurs de risque présentés par ces personnes. « Nous savons que les individus atteints de maladie mentale sont plus vulnérables et présentent davantage de facteurs de risque notamment cardiovasculaires. Ils ont par exemple plus tendance à fumer, à avoir des taux plus élevés de pathologies traitées et non-traitées : cardiaques, respiratoires, endocrines et métaboliques. C’est la raison pour laquelle nous avons pris en compte dans nos analyses l’âge, le sexe, le statut socio-économique et marital, le mode de vie, l’état de santé perçu et les maladies somatiques. Et les résultats sont indépendants de ces facteurs » clarifie Marine Azevedo Da Silva*. 

Une prise en charge trop centrée sur le psychique

Cela signifie que le sur-risque d’hospitalisation de ces personnes s’explique par autre chose que la présence de comorbidités recueillies dans l’étude. Pour les auteurs, les raisons sont plutôt à rechercher du côté de l’accès ou de la qualité des soins. « Nos résultats sont fondés sur l’étude d’une cohorte professionnelle dans laquelle les employés avaient une sécurité de l’emploi, bénéficiaient du régime spécifique de sécurité sociale des Industries électriques et gazières particulièrement protecteur et d’un suivi médical régulier dans le cadre de leur activité. Il est donc peu probable que le problème soit imputable à l’accès aux soins. En revanche il est possible que la prise en charge de ces personnes soit mal adaptée. D’une part parce que les personnes souffrant de maladie mentale ont plus de difficultés que les autres à exprimer ou décrire leurs problèmes de santé et symptômes. D’autre part parce qu’il est possible que les professionnels de santé se concentrent sur les problèmes de santé mentale qui demandent un grand investissement, en négligeant les autres problèmes de santé », estime la chercheuse. Selon elle, ces travaux doivent inciter les professionnels de santé mentale et somatique à travailler ensemble afin d’offrir une prise en charge globale aux personnes atteintes de troubles mentaux. 

Note

*unité 1018 Inserm/Université Paris sud, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Villejuif 

Source

M. Azevedo et coll. Excess non-psychiatric hospitalizations among employees with mental disorders : a 10-year prospective study of the GAZEL Cohort. Acta Psychiatr Scand, édition en ligne du 7 octobre 2014