Maladie d’Alzheimer, le bénéfice du niveau d’études

Avoir fait des études ralentirait l’apparition des symptômes de la maladie d’Alzheimer : le délai entre les premiers troubles et la démence est en effet de 15 à 16 ans en moyenne chez les personnes diplômées, contre sept ans chez celles qui n’ont pas fait d’études.

Le niveau d’études serait prédictif de la rapidité avec laquelle la maladie d’Alzheimer s’installe chez un patient. C’est ce qu’indique une étude Inserm qui s’est appuyée sur les données de la cohorte PAQUID. 

Formée il y a 25 ans, cette cohorte a inclus des personnes âgées de plus de 65 ans alors en bonne santé. Leur suivi se prolonge encore aujourd’hui, avec des évaluations cognitives et neurologiques tous les deux ou trois ans. 

Dans le cadre de cette nouvelle étude, les chercheurs ont rétrospectivement analysé l’évolution cognitive de 442 participants qui ont développé une maladie d’Alzheimer. Parmi eux, 171 avaient un bas niveau d’éducation, et 271 un niveau d’éducation plus élevé. « Pour cette génération née dans les années 20 ou 30, le certificat d’études correspondant à l’entrée au collège est déjà discriminant. Aujourd’hui, ce seuil correspondrait probablement au bac », précise Helene Amieva*, coauteur des travaux. 

Des symptômes plus ou moins discrets

Les chercheurs ont constaté que chez les personnes à haut niveau d’éducation, les premiers signes de déclin cognitif apparaissent 15 à 16 ans avant le diagnostic de la démence, contre 7 ans en moyenne chez les individus ayant le plus bas niveau d’études. En outre, cette longue période qui précède le diagnostic chez les diplômés débute par une phase quasiment asymptomatique durant plusieurs années. Elle est caractérisée par un déclin très léger, avec quelques difficultés à certains tests cognitifs, mais sans répercussion sur la vie quotidienne et sans que la personne ne s’en rende compte. Le déclin s’accélère ensuite, avec l’apparition de troubles gênants, de plaintes et des premiers symptômes dépressifs. « Chez les personnes qui n’ont pas fait d’études, les symptômes cognitifs sont d’emblée plus marqués et les répercussions sur la vie quotidienne sont immédiates. La première phase de déclin sans répercussion fonctionnelle semble ne pas exister », clarifie Helene Amieva. 

Compensations cognitives

Selon la chercheuse, ce phénomène s’expliquerait par une « réserve cognitive » et une mobilisation accrue de réseaux neuronaux qui permettent de compenser des lésions cérébrales chez les personnes ayant eu une stimulation intellectuelle riche tout au long de leur vie. « Beaucoup d’arguments vont dans ce sens. Des données d’imagerie montrent bien que le volume de matière grise est plus important chez les personnes qui ont fait des études que chez celles qui n’en ont pas fait. Cette différence correspond à plus de neurones, et plus de connexions synaptiques. D’autres travaux montrent également qu’à niveau de déficits cognitifs égal, les personnes qui ont fait des études ont une charge lésionnelle cérébrale plus importante que les autres, renforçant cette hypothèse de réserve et de compensation cognitives », conclut la chercheuse. 

Note

*unité 897 Inserm / Université Bordeaux Segalen 

Sources

H. Amieva et coll. Compensatory mechanisms in higher-educated subjects with Alzheimer’s disease : a study of 20 years of cognitive decline. Brain, édition en ligne du 27 février 2014