Hypertension artérielle : quand l’immunité s’en mêle

Des travaux menés chez la souris révèlent que certaines cellules immunitaires seraient impliquées dans le contrôle de la pression artérielle. De premières observations réalisées sur des patients corroborent l’existence d’un tel mécanisme. Si ce résultat se confirme, il pourrait ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques de l’hypertension, en particulier pour les patients souffrants de maladies vasculaires inflammatoires.

Caractérisée par une pression anormalement élevée du sang sur la paroi des vaisseaux sanguins, l’hypertension artérielle (HTA), est d’origine multifactorielle : le vieillissement, le surpoids, la sédentarité, le tabagisme, l’alimentation et bien d’autres facteurs interviennent dans sa survenue. Et tous n’auraient pas encore été identifiés. Ainsi, depuis quelques années, de plus en plus de données suggèrent que l’immunité aurait également un rôle spécifique dans son apparition. 

Des chercheurs de l’Inserm*, en collaboration avec une équipe écossaise, viennent de le confirmer en décrivant le rôle clé des macrophages : ces cellules de l’immunité contrôleraient le taux d’endothéline‑1 (ET‑1), un peptide produit par notre organisme qui favorise la contraction des vaisseaux sanguins et renforce ainsi la pression artérielle. Ces résultats, s’ils sont confirmés, pourraient ouvrir la voie vers de nouveaux traitements antihypertenseurs, ciblant ce mécanisme. 

Régulation macrophagique

L’intérêt des chercheurs s’est concentré sur les macrophages : « Ces cellules de l’immunité participent normalement à la reconnaissance puis à l’élimination d’éléments présents au niveau des tissus – produits de dégradation, agents infectieux… » explique Pierre-Louis Tharaux, qui dirige l’équipe à l’origine de ces travaux. « Nous avons observé qu’ils présentent à leur surface deux types de récepteurs à l’ET‑1, les ETA et les ETB ».

En étudiant la fonction de ces récepteurs, les chercheurs ont noté une attraction des macrophages pour l’ET‑1, médiée par les récepteurs ETB. Autre nouveauté, l’occupation des récepteurs ETB par l’ET‑1 cause la disparition de celle-ci dans les cultures de macrophages humains ou de souris. « Nous avons voulu comprendre le mécanisme impliqué : des essais réalisés sur des cultures cellulaires humaines ont montré que les macrophages captent l’ET‑1 pour la dégrader en l’internalisant par un mécanisme d’endocytose dépendant du récepteur ETB ». Cette nouvelle fonction « d’épuration » de l’ET‑1 par les macrophages a pu être observée in vivo, grâce à des modèles de souris hypertendues. « Lorsque nous avons génétiquement supprimé les macrophages chez les souris, nous avons observé que celles-ci présentaient alors une susceptibilité accrue à l’HTA. De la même façon, l’inactivation sélective du récepteur ETB à la surface des macrophages a suffi à augmenter les concentrations sanguines de l’ET‑1 et à rendre les souris beaucoup plus sensibles à différents modèles d’induction de l’HTA. »

Les macrophages auraient donc un rôle de régulation de la concentration d’ET‑1 produit par les cellules de l’endothélium vasculaire. Ils moduleraient la réponse constrictrice, et donc la pression artérielle. 

De la gestion de l’hypertension artérielle à ses conséquences

Une équipe de collaborateurs de l’Université d’Edimbourg s’est parallèlement intéressée aux cas de patients souffrant de maladies inflammatoires des petits vaisseaux, avec un vieillissement cardiovasculaire et rénal accéléré. Ces patients présentaient des taux sanguins d’ET‑1 élevés et étaient fréquemment hypertendus. Or ces patients sont traités par des médicaments immunosuppresseurs dont certains diminuent la quantité de macrophages et de leurs précurseurs (les monocytes) et d’autres non. Les médecins ont eu la surprise de constater que l’augmentation de l’ET‑1 et de la pression artérielle s’observait uniquement chez les patients dont le traitement fait baisser le nombre des monocytes dans le sang, comme prédit par les modèles de souris. 

Ces données pourraient donc aboutir à des évolutions thérapeutiques : elles pourraient motiver les praticiens à choisir les traitements immunosuppresseurs selon leur capacité plus ou moins forte à déprimer le taux de monocytes ou de macrophages, ou encore à y associer des traitements antihypertenseurs n’ayant pas d’activité sur les récepteurs ETB ou bloquant le récepteur vasculaire ETA dont la stimulation contracte elle aussi les artères. Une perspective particulièrement importante sur le plan de la santé publique, face aux plus de 7,6 millions d’hypertendus français, dont la moitié chez lesquels la pression artérielle n’est pas normalisée. 

L’équipe de Pierre-Louis Tharaux souhaite maintenant approfondir la compréhension de l’interaction entre l’immunité et les lésions d’organes observées dans les formes sévères d’HTA : « Nous avons observé que l’ET‑1, qui est produite par l’endothélium vasculaire mais aussi par d’autres tissus, provoque systématiquement le recrutement des macrophages. Or, une HTA mal contrôlée favorise progressivement des lésions des microvaisseaux dans certains organes particulièrement vulnérables (rein, cerveau, rétine, cœur). Nous allons donc chercher à comprendre dans quelle mesure et comment les macrophages interviennent dans ce mécanisme ». 

Note :
*unité 970 Inserm/Université Paris Descartes, Centre de recherche cardiovasculaire de Paris

Source : Czopek A et coll. A novel role for myeloid endothelin‑B receptors in hypertension. European Heart Journal, édition en ligne du 18 janvier 2019. doi : 10.1093/eurheartj/ehy881.