Un gène muté peut placer votre cœur du mauvais côté

Des chercheurs viennent d’identifier un gène associé à près de 6% des cas d’hétérotaxie, une anomalie du positionnement des organes dans le thorax et l’abdomen.

Près de 6% des cas d’hétérotaxie sont la conséquence de mutations du gène MMP21. C’est ce que viennent de découvrir des chercheurs Inserm*, associés à d’autres équipes nationales et internationales. 

L’hétérotaxie se caractérise par un mauvais positionnement des organes au cours du développement embryonnaire, par rapport à l’axe gauche/droite. Cette anomalie concerne environ une naissance sur 10 000. En cas d’inversion gauche/droite totale (situs inversus), la position de tous les organes thoraciques et abdominaux est inversée. En soi, cette anomalie de latéralité n’entraine pas de complication et les personnes concernées vivent normalement. Mais si l’inversion n’est pas totale (situs ambiguus), le risque de malformation cardiaque est très élevé et peut mettre en jeu le pronostic vital. L’hétérotaxie est à ce titre responsable de 3% des malformations cardiaques congénitales.

Des mutations affectant le gène MMP21

Des travaux antérieurs avaient déjà permis d’identifier plusieurs gènes dont l’altération est responsable d’un faible pourcentage des cas d’hétérotaxie. Aujourd’hui, grâce à l’étude de deux familles non consanguines au sein desquelles plusieurs enfants étaient touchés, les chercheurs viennent d’en identifier un nouveau, plus fréquemment impliqué. 

Le séquençage du génome des membres de ces familles a en effet permis d’identifier des mutations affectant le gène MMP21 (matrix metallopeptidase 21). Aucune donnée jusqu’ici disponible n’indiquait un lien entre la fonction des protéines MMP et la mise en place de l’asymétrie gauche/droite au cours du développement. Mais deux lignées de souris chez lesquelles le gène Mmp21 avait été invalidé dans le laboratoire de Cecilia Lo à l’Université de Pittsburgh (Etats-Unis), présentent les mêmes anomalies de latéralité que les patients des familles étudiées ! 

Validation sur une grande cohorte

Confortés dans leur découverte, les auteurs ont alors entrepris de rechercher des anomalies de ce gène au sein d’une cohorte de 264 patients, présentant une malformation cardiaque isolée ou rentrant dans le cadre d’une hétérotaxie. Cette cohorte a été établie par le Dr Patrice Bouvagnet (Laboratoire de cardiogénétique de Lyon), ainsi que le Pr Bonnet et le Dr Bajolle (centre de référence Malformations cardiaques congénitales complexes de l’Hôpital Necker-Enfants malades, Paris). Cette étude ciblée a conduit à l’identification de mutations du gène MMP21 dans sept familles, soit 5.9% du groupe de patients avec hétérotaxie. « Une fréquence bien supérieure à celle des gènes déjà connus qui expliquent pour chacun moins de 1% des formes d’hétérotaxie », rappellent Anne Guimier et Chris Gordon, coauteurs des travaux. 

Vers un meilleur conseil génétique

Les chercheurs ont poursuivi leurs travaux en invalidant le gène MMP21 dans deux modèles animaux : la souris et le poisson-zèbre. Les anomalies de latéralité affectant les patients ont bien été retrouvées dans les deux modèles. 

L’ensemble de ces expériences confirme donc le rôle très spécifique de MMP21 dans l’établissement de l’asymétrie gauche/droite. Reste à comprendre comment la protéine codée par ce gène agit pour mettre en place cet axe gauche/droite chez l’embryon. En attendant, l’identification de ce gène va permettre d’améliorer le conseil génétique aux familles concernées sans attendre une récidive dans la fratrie. 

Note

*unité 1163 Inserm/Université Paris-Descartes, Institut Imagine, Paris 

Sources