Les épilepsies infantiles mieux comprises

Un retard de migration et de maturation des cellules nerveuses pendant le développement précoce : voilà ce qui expliquerait l’apparition de crises d’épilepsie chez les enfants porteurs d’une mutation affectant le gène TBC1D24. Reste à découvrir un moyen d’y remédier.

Certaines épilepsies infantiles sont liées à un retard de migration et de maturation des cellules neuronales au cours du développement précoce du cerveau. C’est ce que viennent de montrer des chercheurs de l’Inserm, lors d’un travail conduit en collaboration avec l’Université de Gênes (Italie). Les chercheurs se sont intéressés au rôle du gène TBC1D24, identifié pour la première fois en 2010 dans des familles présentant des cas d’épilepsies infantiles sévères transmissibles. Il s’agit de cas très rares, caractérisés par des crises survenant dès les premiers mois de la vie. Depuis, des mutations affectant ce gène ont également été retrouvées chez des personnes présentant des épilepsies associées à des malformations cérébrales, ou encore chez des patients atteints du syndrome DOOR, caractérisé par des malformations osseuses, une épilepsie et un déficit intellectuel. 

Pour décrire le rôle du gène TBC1D24, les chercheurs ont bloqué son expression dans le cerveau de rats en cours de gestation. Ils ont alors constaté de nombreuses anomalies dans la construction du cortex cérébral des animaux : « Les cellules neuronales migrent beaucoup plus lentement que la normale à l’intérieur du cerveau. Elles finissent par arriver à la bonne place dans le cortex, mais plus tard que chez les animaux témoins, décrit Carlos Cardoso, co-auteur des travaux. C’est comme si on observait un cerveau de sept jours alors qu’il en a dix », illustre-t-il.

Un retard de trafic vésiculaire et une perte de polarité

Ce retard est en fait du à un ralentissement du trafic des vésicules qui transportent les protéines et les molécules à l’intérieur de la cellule neuronale. Ce trafic permet par exemple aux récepteurs membranaires, ou encore aux canaux ioniques, d’arriver jusqu’à la membrane. Les cellules présentent par ailleurs une perte de leur polarité, c’est à dire qu’elles ne savent plus comment s’orienter au cours de la construction du cerveau. « Pendant le développement, certains neurones suivent une trajectoire précise de l’intérieur vers l’extérieur du cerveau. C’est ce qui permet l’apparition de plusieurs couches du cortex, organisées et assurant des fonctions distinctes. En l’absence du gène TBC1D24, les cellules neuronales perdent en partie cette capacité. Elles migrent alors laborieusement et très lentement », décrit le chercheur. 

Néanmoins, malgré ces retards, le cerveau des animaux présente un aspect normal à la naissance. « Tout finit par rentrer dans l’ordre, mais ce retard n’est pas sans conséquence pour la suite. C’est comme pour un élève qui arriverait en retard en classe : il est bien à sa place, mais comme il a raté la moitié de la leçon, il ne comprend rien », illustre le chercheur. Et de fait, ces neurones retardataires présentent une activité altérée et moins de connexions avec leur environnement. 

Un dépistage en attendant une guérison

L’idée des chercheurs est maintenant d’identifier les molécules renfermées dans les vésicules qui ont ce train de retard, dans l’objectif de compenser leur absence temporaire. Une diminution des récepteurs au glutamate dans les cellules neuronales de rats dépourvus du gène TBC1D24 a déjà été constatée. D’autres protéines pourraient être également concernées. « A ce stade, la difficulté est de savoir si protéger le cerveau au cours du développement en améliorant la migration des neurones permettra de préserver les patients de la maladie », estime le chercheur. 

En attendant de le savoir, la découverte de ce gène et l’identification des mutations en cause permettent aujourd’hui d’envisager un dépistage parental pour prédire le risque de transmission de la maladie lorsqu’au moins un des parents est touché, et de proposer un dépistage précoce chez le nouveau-né. 

Note
*unité 901 Inserm / Institut de Neurobiologie de la Méditerranée, Marseille 

Source
A. Falace et coll. TBC1D24 regulates neuronal migration and maturation through modulation of the ARF6-dependent pathway. Proc Natl Acad Sci USA, édition en ligne du 27 janvier 2013