Eduquer précocement le système immunitaire pour prévenir le diabète de type 1

Des chercheurs de l’Inserm ont protégé des souris du diabète de type 1 en rendant leur système immunitaire tolérant aux cellules productrices d’insuline au cours du développement embryonnaire. Chez l’homme, une même approche pourrait être utilisée après la naissance.

Désensibiliser les personnes à risque de diabète de type 1 pour les rendre tolérantes à leurs cellules ß productrices d’insuline. Telle est l’idée d’une équipe Inserm pour lutter contre la maladie. Une stratégie qui pourrait être payante à en croire leurs expériences conduites chez des souris au stade embryonnaire 

Empêcher la destruction des cellules productrices d’insuline

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune : Le système immunitaire de l’individu détruit progressivement ses propres cellules ß productrices d’insuline dans le pancréas, souvent dès les premiers mois de la vie. Cette destruction se déroule en plusieurs étapes, mais la toute première correspond à un défaut d’éducation des lymphocytes T pendant le développement. « Au cours du stade embryonnaire et néonatal, les lymphocytes T passent par le thymus. Ils y sont confrontés à certaines structures protéiques dérivant de cellules du soi (des antigènes), et apprennent à les tolérer. Dans le cas du diabète, ce processus fonctionne mal. Les antigènes des cellules ß ne sont pas suffisamment représentés et des lymphocytes T sont libérés du thymus alors qu’ils n’y sont pas tolérants. Ils les reconnaissent comme s’il s’agissait d’agents étrangers et vont donc logiquement s’attaquer aux cellules ß », expliquent Roberto Mallone* et Slobodan Culina*, qui signent ces travaux avec leurs collègues de l’équipe de Sebastien Lacroix-Desmazes**. 

Rééduquer les lymphocytes T

Pour empêcher la maladie de survenir, les chercheurs ont tenté de pallier ce dysfonctionnement en améliorant l’éducation des lymphocytes T au cours du développement embryonnaire. Pour cela, ils ont utilisé la préproinsuline, qui est le premier antigène des cellules ß reconnu par le système immunitaire. Ils l’ont administré à des rongeurs en gestation, allant donner naissance à des souris qui développeront plus tard un diabète. « Nous avons couplé cette protéine à un fragment Fc d’anticorps, qui se fixe sur un récepteur du placenta. Cela permet à la préproinsuline de traverser la barrière placentaire et de passer chez l’embryon comme le font les anticorps maternels. Là, la protéine est transportée jusqu’au thymus de l’embryon et sa présence entraine l’élimination des lymphocytes T qui ne la tolèrent pas », décrit Roberto Mallone. Une expérience couronnée de succès puisque près de 80% des animaux nés n’ont finalement pas développé de diabète. L’expérience conduite par les chercheurs a permis de les protéger de la maladie.

Intervenir après la naissance

Chez l’homme, cette piste thérapeutique nécessiterait un dépistage prénatal du diabète, qui est pour l’heure impossible. Les chercheurs vont donc tester cette stratégie chez des rongeurs nouveau-nés, en leur administrant la protéine directement par voie orale. Si cette approche est efficace, ils lanceront alors un premier essai chez l’homme. Dans ce but, ils constituent actuellement une cohorte d’enfants à haut risque de développer un diabète de type 1 en raison d’antécédents familiaux. « Il ne sera pas possible de tester cette protéine directement chez des nouveau-nés. Il faudra procéder par étape en évaluant d’abord son innocuité chez des patients diabétiques puis, dans un second temps, en prévention chez des sujets jeunes, en affinant au mieux la fenêtre thérapeutique efficace. En théorie il faudrait intervenir avant la destruction des premières cellules ß autour de l’âge de un an, mais peut être qu’une administration plus tardive sera également efficace. Tout cela reste à définir », conclut Roberto Mallone. 

Note :

* Unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris Descartes, Institut Cochin, Paris 

** Unité 1138 Inserm/Université Pierre et Marie Curie, Centre de recherche des Cordeliers, Paris 

Source :

S. Culina et coll. Materno-fetal transfer of preproinsulin through the neonatal Fc receptor prevents autoimmune diabetes. Diabetes, édition en ligne du 27 avril 2015