Le diabète pourrait être favorisé par des précurseurs d’adipocytes voyageurs

La présence de cellules graisseuses en dehors du tissu adipeux perturbe le métabolisme et favorise l’apparition de complications comme le diabète de type 2. En décrivant le mécanisme sous-jacent, fondé sur le relargage de précurseurs adipocytaires depuis le tissu sous-cutané, des chercheurs ont identifié un potentiel biomarqueur du risque individuel de diabète.

La présence de cellules graisseuses (ou adipocytes) dans d’autres tissus que le tissu adipeux est anormale. Elle est même connue pour être délétère pour le métabolisme, avec notamment un risque accru de développer un diabète de type 2 chez les personnes en surpoids ou obèses. Jusqu’à présent, il était admis que ces adipocytes « ectopiques » étaient issus de précurseurs locaux. Mais des chercheurs du StromaLab*, à Toulouse, viennent de décrire que cette présence anormale se mettait en place à distance, à partir de précurseurs d’adipocytes – les cellules stromales adipocytaires (CSA) – libérés par le tissu adipeux sous-cutané et capables de migrer, par exemple, dans le tissu musculaire squelettique. 

Les chercheurs ont exploré le phénomène chez la souris. Ils ont montré qu’une alimentation riche en graisses, maintenue durant 8 semaines, entraîne la libération et la migration des CSA vers le muscle squelettique. Elles y deviennent adultes et fonctionnelles, et favorisent le développement du diabète de type 2. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont pu obtenir les mêmes troubles métaboliques sans enrichir l’alimentation des animaux, en leur administrant une molécule connue pour faciliter le « décrochage » des CSA du tissu adipeux sous-cutané. Cette molécule, l’AMD3100, stimule le couple chimiokine-récepteur CXCL12/CXCR4. « Ces deux résultats mis côte à côte illustrent bien que la dérégulation métabolique est liée aux cellules mobilisées et non à une autre voie biologique médiée, par exemple, par les lipides alimentaires eux-mêmes » explique Coralie Sengenès qui a dirigé ce travail. 

Prévenir et prédire

À terme, comprendre comment se forment les tissus adipeux ectopiques pourrait aider au suivi du risque individuel de complications métaboliques : « Pour une même surcharge pondérale, une personne présentant un tissu adipeux essentiellement sous-cutané a un risque de complications métaboliques bien plus faible que celle présentant un tissu adipeux surtout viscéral. Maintenant que nous avons décrit que les troubles métaboliques sont liés à la migration de cellules depuis le tissu adipeux sous-cutané, nous voulons développer un outil pronostique. Nous allons travailler avec des physiciens spécialisés en microfluidique afin de développer des méthodes de collecte et de caractérisation des cellules circulantes dans le sang ». Si ce travail porte ses fruits, il sera possible d’évaluer le risque de diabète de type 2 d’un patient à partir du dosage de son taux circulant de CSA. 

Parallèlement, les chercheurs imaginent des moyens de bloquer le mécanisme de libération des CSA, par exemple en ciblant le couple CXCL12/CXCR4. Une telle stratégie ouvre de nouvelles perspectives dans la prévention ou le traitement des complications de l’obésité : « Nous avons observé que l’utilisation d’un antidiabétique, la pioglitazone, permettait de réduire le développement du diabète chez la souris. Le médicament agit en normalisant le fonctionnement des cellules adipeuses, mais surtout en les empêchant d’être libérées du tissu sous-cutané par inhibition du récepteur CXCR4″. Cette approche devra bien entendu être étudiée plus en profondeur, chez l’animal puis chez l’humain, avant d’aboutir à de nouveaux traitements. 

Note :
* unité 1031 Inserm/CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier/EFS/Ecole nationale vétérinaire, équipe Plasticité des tissus adipeux, Stromalab, Toulouse 

Source : Girousse A et al. The Release of Adipose Stromal Cells from Subcutaneous Adipose Tissue Regulates Ectopic Intramuscular Adipocyte Deposition. Cell Rep. 2019 Apr 9;27(2):323–333.e5. doi : 10.1016/j.celrep.2019.03.038