Les dessous de Cornelia de Lange

Des recherches fondamentales sur le développement précoce ont permis à une équipe Inserm de découvrir le mécanisme impliqué dans la survenue d’une maladie rare affectant la croissance et plusieurs tissus : le syndrome Cornelia de Lange.

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© Inserm, B. Villoutreix Structure tridimensionnelle d’un fragment d’ADN.

Un nouvel espoir pour les patients atteints du syndrome Cornelia de Lange, voilà ce que suscitent les travaux d’une équipe Inserm*. Les chercheurs viennent en effet de comprendre comment survient cette maladie rare et sévère qui se manifeste par des problèmes de croissances et de retard intellectuel, souvent associés à des anomalies cardiaques ou encore gastro-intestinales.

Le syndrome de Cornelia de Lange concerne environ 1 naissance sur 100 000 en France. Sa fréquence monte à près d’une naissance sur 20 000 si l’on compte les maladies apparentées. Et concernant la prise en charge de ces enfants, il n’y a, pour l’instant, pas l’ombre d’une piste thérapeutique.

Une histoire de conformation de l’ADN

Les travaux conduits par l’équipe de Michel Pucéat ne sont pourtant pas dédiés à l’étude de cette maladie : ils visent à décrire, au contraire, les processus du développement embryonnaire précoce dans des conditions normales. Mais en étudiant la spécialisation des cellules souches pluripotentes en cellules des futurs muscles, cœur, systèmes sanguin et gastro-intestinal (cellules du mésoderme et de l’endoderme), les chercheurs ont découvert un mécanisme impliquant des molécules connues pour être associées au syndrome Cornelia de Lange. De quoi leur mettre la puce à l’oreille ! « Nous savions que l’engagement des cellules souches vers la formation du cœur embryonnaire dépend d’un transfert d’expression du gène Sox2 vers le gène Sox17. Le premier maintient les cellules à un stade pluripotent alors que le second déclenche la différenciation. En étudiant ce phénomène, nous avons constaté qu’une protéine appelée cohésinechange la structure 3D du génome au niveau de ces gènes. Et cela modifie leur expression. Autant dire que chez les patients présentant une cohésine anormale, comme dans le cas du syndrome de Cornelia de Lange, ce changement de conformation de l’ADN ne peut se faire et la différenciation cellulaire est altérée. Ce phénomène peut entrainer différentes malformations », clarifie le chercheur. « C’est l’illustration parfaite du fait que la recherche fondamentale est nécessaire pour comprendre des mécanismes pathogènes », rappelle-t-il à l’occasion !

Des prémices thérapeutiques

En supprimant l’expression de la cohésine chez des souris, les chercheurs ont effectivement déclenché des anomalies du développement, notamment cardiaque. Mais le défaut de fonctionnement de cette protéine est susceptible d’entrainer d’autres problèmes, notamment intestinaux ou cérébraux estiment les auteurs. 

Les chercheurs vérifient maintenant si la défaillance de ce mécanisme est bien à l’origine des défauts cardiaques observés chez les patients affectés par syndrome Cornelia de Lange. Grâce au Pr Valérie Cormier (Institut Imagine, hôpital Necker), ils ont pu obtenir des cellules de patients qu’ils ont reprogrammées en cellules IPS dont ils observent le développement et la différenciation en cellules cardiaques. Les premiers résultats leur donnent raison. 

Michel Pucéat et son équipe espèrent dans un second temps aboutir à une solution thérapeutique. « Nous n’en sommes qu’aux prémices. La cohésine est aussi impliquée dans des cancers et des laboratoires développent donc des molécules ciblées dans cette indication. Notre idée est de les cribler à l’aide de nos cellules IPS afin d’en trouver une qui permette de rectifier les problèmes développementaux précoces. Se posera alors la question du dépistage in utero. Mais il deviendra légitime si nous apportons une solution pour traiter les embryons atteints de cohésinopathies », conclut Michel Pucéat. 

Note :

* Unité 910 Inserm/Aix-Marseille Université, Marseille 

Source :

N. Abboud et coll. A cohesin–OCT4 complex mediates Sox enhancers to prime an early embryonic lineage. Nature Communications, édition en ligne du 8 avril 2015