Comprendre la mécanique métastatique par la microscopie corrélative

En combinant trois méthodes de microscopie performantes, des chercheurs français et allemands ont conjointement permis de suivre et comprendre le cheminement d’une cellule tumorale métastatique dans un animal vivant.

En cancérologie, on sait que des cellules tumorales devenues circulantes peuvent traverser la paroi des vaisseaux sanguins pour s’implanter dans un nouvel organe et y former des métastases. Les mécanismes impliqués restent cependant en grande partie inconnus. Pour les comprendre, les méthodes d’analyse in vivo sont préférables aux modèles développés in vitro, mais elles sont pour l’heure très chronophages. Toutefois, les travaux conduits par Jacky Goetz (unité 1109Inserm/université de Strasbourg) et Yannick Schwab (EMBL, Heidelberg) viennent de changer la donne. Leur stratégie consiste à combiner trois techniques d’imagerie : la microscopie biphotonique intravitale, la microscopie aux rayons X et la microscopie électronique. 

Pour la première fois, ils ont ainsi décrit – à très haute résolution – des protrusions, sortes d’excroissance formées par la cellule tumorale, lui permettant de traverser la paroi vasculaire. « C’est un résultat très préliminaire, car l’objectif était d’abord de développer une procédure plus facile et plus rapide à utiliser que celle aujourd’hui disponible, insiste Jacky Goetz. Grâce à cette technique, nous allons continuer à décrire le phénomène d’extravasation par lequel les cellules tumorales passent la paroi des vaisseaux, notamment au niveau cérébral ».

Une technique intermédiaire pour faciliter l’analyse

La nouveauté est d’intercaler une méthode microscopique récente, la microscopie aux rayons X (ou micro-CT), au sein du tandem microscopie intravitale/microscopie électronique habituellement utilisé : « La microscopie intravitale permet de repérer dans le cerveau, in vivo et en profondeur, la présence de cellules cancéreuses qui ont été marquées par fluorescence et injectées à la souris vivante » explique le chercheur. Mais la résolution de l’appareil (de l’ordre de quelques microns) n’est pas suffisante pour observer finement les jeux subcellulaires qui dirigent le phénomène. D’où l’intérêt de la microscopie électronique, bien plus précise : « La zone du cerveau où se déroule l’extravasation peut être prélevée, incluse dans une résine puis coupée en tranches pour être étudiée par microscopie électronique. Reste qu’avec des coupes de l’ordre de la dizaine de nanomètres, le nombre d’échantillons à analyser est innombrable et l’analyse pourrait durer plusieurs mois ».

La microscopie à rayons X a permis aux chercheurs de mieux cartographier la biopsie figée dans la résine et, ainsi, de prédire la zone dans laquelle la cellule tumorale traverse la paroi vasculaire. « La microscopie à rayons X possède une résolution intermédiaire aux deux autres méthodes. Elle permet un repérage précis de la cellule tumorale par rapport à l’architecture du réseau de vaisseaux ». La zone à étudier, et donc le volume de tissu soumis à la microscopie électronique, est donc moindre : deux semaines suffisent aujourd’hui pour examiner un échantillon. 

Les chercheurs continuent aujourd’hui ces travaux. « Mais la cancérologie n’est pas le seul champ d’application de cette association technologique, précise Jacky Goetz. Elle peut aider à identifier des mécanismes cellulaires dans tous les champs de la biologie ».

Source

M. Karremen et coll. Fast and precise targeting of single tumor cells in vivo by 2 multimodal correlative microscopy. Journal of Cell Science du 15 janvier 2016, doi : 10.1242/jcs.181842