Chassons ces mauvais rêves

Somnambules et personnes atteintes de troubles du comportement en sommeil paradoxal font le plus souvent des cauchemars. Mais une équipe de l’Inserm vient de montrer que le lieu et la nature des menaces dont ils sont victimes sont différents et expliquent leurs étranges comportements nocturnes.

La majorité des rêves sont en fait de mauvais rêves. Les personnes qui s’en souviennent évoquent le plus souvent des préoccupations, des craintes, des frayeurs, des dangers. Cela est vrai pour tous les dormeurs, et encore plus pour les somnambules et les personnes souffrant de troubles du comportement en sommeil paradoxalUne équipe de l’Inserm vient en effet de montrer que ces personnes sont victimes de menaces dans 60 à 70 % de leurs rêves. 

Une trop grande activité nocturne

Le somnambulisme est un syndrome est bien connu. Il survient le plus souvent chez les enfants et les jeunes adultes. Ces personnes se réveillent partiellement en phase de sommeil profond, en début de nuit, et deviennent actifs pendant leurs rêves. Les troubles du comportement en sommeil paradoxal sont bien plus rares. Ils ne touchent que 0,5 % de la population, en général des personnes âgées, mais affectent 60 à 100 % des personnes souffrant de la maladie de Parkinson et d’une démence à corps de Lewy. Ces malades extériorisent leurs rêves et adoptent des comportements parfois violents. « Le verrou cérébral qui permet de dissocier corps et esprit pendant les rêves ne fonctionne plus complètement », explique le Pr Isabelle Arnulf*, du Service des pathologies du sommeil à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Pour tenter de mieux comprendre ces comportements nocturnes, son équipe a interrogé une soixantaine de patients et récolté les récits de 162 rêves associés à ces comportements. 

Des comportements cohérents

Les chercheurs ont analysé ces récits grâce à plusieurs échelles spécifiquement destinées à l’étude des rêves : une échelle de contenu permettant d’inventorier les protagonistes, les lieux, les objets, les émotions, les circonstances mais également une échelle de menace ressentie et une échelle de « bizarreries ». Cette dernière permet de relever des incongruités telles qu’un zèbre apparaissant au milieu du salon ! 

Ces travaux montrent que les somnambules rêvent plutôt de catastrophes, souvent naturelles : des murs qui rétrécissent, des trous béants, un plafond qui s’effondre, leur bébé qui tombe du lit, le plus souvent dans la chambre où ils dorment. Les personnes atteintes de troubles du comportement en sommeil paradoxal rêvent quant à elles plus souvent qu’on les attaque, elles ou leur proches, et ce dans un lieu étranger. 

« Cela correspond à ce que nous observons », poursuit Isabelle Arnulf. « Les somnambules cherchent à fuir un danger : ils courent en dehors de leur lit et peuvent alors se retrouver dans des situations dangereuses. Le fait qu’ils aient les yeux ouverts explique qu’ils transposent l’histoire de leur rêve dans leur chambre, créant une espèce de chimère. En revanche, les personnes souffrant de troubles du comportement en sommeil paradoxal restent dans leur lit mais se débattent et se défendent, ceci pouvant conduire à des situations de violence vis à vis de leur conjoint. Ces patients gardent les yeux fermés pendant leurs rêves, et restent donc dans le lieu où ces rêves les conduisent », décrit-elle. 

Pas de refoulement particulier

« Ces patients n’ont aucune agressivité en journée et la concordance du vécu des rêves, ou plutôt des cauchemars, entre ces différentes personnes, montre que cela est « normal ». Une théorie consiste même à dire que si l’évolution a conservé ce trait nocturne, c’est qu’il est utile à la survie : le fait d’être confronté à des situations virtuelles de menace aide peut être chacun à se préparer à faire face à des obstacles le jour. Ce message devrait rassurer les patients qui se croient souvent l’objet de sensations violentes refoulées », conclut la chercheuse. 

Note
* Unité 975 Inserm/Université Pierre et Marie Curie – Paris 6/CNRS, Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris 

Source
G. Uguccioni et coll. Fight or flight ? Dream content during sleepwalking/sleep terrors vs rapid eye movement sleep behavior disorder. Sleep Medicine, édition en ligne du 16 avril 2013