Une arme contre l’hypertrophie cardiaque

La protéine « carabine » pourrait protéger le cœur de l’hypertrophie et l’insuffisance cardiaque si certains événements n’entrainaient pas sa dégradation. Les chercheurs qui viennent de décrire ce phénomène travaillent maintenant à la mise au point d’une stratégie qui permettrait de maintenir cette protéine en concentration élevée en cas de besoin.

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© Inserm, JL Samuel Myocarde

Carabine, voilà un nom bien trouvé pour ce qui pourrait devenir une arme contre l’hypertrophie et l’insuffisance cardiaques ! Ce nom est en effet celui d’une protéine qui semble protéger efficacement un certain nombre d’espèces, et notamment l’Homme, contre ces causes majeures de mortalité cardiovasculaire.

Frank Lezoualc’h et son équipe* s’intéresse à cette protéine depuis la publication, il y a quelques années, d’un article signalant sa présence en quantité importante dans le myocarde. Les chercheurs ont commencé par confirmer ce fait, puis ils ont analysé le comportement de cette protéine chez la souris, en situation normale et en situation de stress cardiaque. Ce dernier est expérimentalement provoqué par une ligature de l’aorte mimant une sténose (rétrécissement du diamètre de l’artère) et déclenchant une surpression myocardique. 

Les chercheurs ont ainsi pu constater que, si la protéine est normalement présente dans le cœur, elle est rapidement dégradée en cas de stress cardiaque. Or, il est par ailleurs apparu qu’elle joue un rôle majeur dans la prévention du remodelage cardiaque : les souris déficientes en carabine sont en effet hypersensibles à ce stress et développent rapidement des anomalies cardiaques menant à une hypertrophie et à une insuffisance cardiaque. 

En cherchant à comprendre les mécanismes associés à ce phénomène, Frank Lezoualc’h et ses collaborateurs ont découvert que la protéine carabine bloque trois voies de signalisation impliquées dans l’apparition de l’hypertrophie myocardique (voie de la calcineurine, de la protéine Ras et d’une kinase dépendante de la calmoduline), grâce à des domaines distincts, « mais qui agissent en synergie » précise le chercheur. 

Un effet spectaculaire un vivo

Dans un troisième temps, les chercheurs ont rétabli l’expression de la protéine chez les souris déficientes. Pour cela, ils ont réalisé une thérapie génique, consistant en l’injection d’un vecteur viral dans lequel le gène codant pour la protéine carabine avait été inséré. Chez les animaux ainsi traités, le cœur résiste au stress cardiaque déclenché par ligature de l’aorte et la protéine carabine parait empêcher le remodelage cardiaque et l’apparition de l’insuffisance cardiaque. « L’effet in vivo est spectaculaire, la ré-expression de carabine rétablit totalement la fonction cardiaque », se réjouit Frank Lezoualc’h. L’équipe a d’ailleurs déposé un brevet protégeant ces travaux. 

L’idée est maintenant de poursuivre le développement préclinique de cette approche thérapeutique en la testant sur d’autres modèles animaux. L’équipe réfléchit également à la possibilité de rechercher dans des chimiothèques s’il existe un composé chimique capable de stimuler l’expression ou le fonctionnement de la protéine carabine. Enfin, les chercheurs estiment que cette protéine pourrait servir de biomarqueur pronostique de l’hypertrophie et de l’insuffisance cardiaque. Une piste complémentaire également à l’étude. « A terme, si un médicament permet de stimuler la production de carabine, il sera utile chez des personnes, par exemple âgées, qui développent une hypertrophie ventriculaire pouvant conduire à une insuffisance cardiaque », conclut Frank Lezoualc’h. 

Note

*unité 1048 Inserm/Université Paul Sabatier, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, Toulouse 

Source

M Bisserier et coll. Carabin Protects Against Cardiac Hypertrophy by Blocking Calcineurin, 
Ras and CaMKII Signaling. Circulation, édition en ligne du 4 novembre 2014