Les acariens aggravent l’asthme sévère

Les acariens induisent indirectement la prolifération des cellules musculaires lisses des bronches chez les asthmatiques sévères, contribuant ainsi à l’aggravation de leur maladie. Une équipe Inserm vient de prouver ce phénomène et d’en clarifier les mécanismes. Elle invite les personnes concernées à se protéger contre ces agents microscopiques.

Les asthmatiques sévères doivent éviter les acariens, qu’ils soient allergiques ou non. C’est le message que souhaitent passer des chercheurs de l’Inserm à l’issue de leurs travaux sur les liens entre acariens, cellules épithéliales des bronches et cellules musculaires lisses. Ces scientifiques viennent en effet de montrer que les micro-arachnides accroissent indirectement la prolifération des cellules musculaires lisses des bronches chez les asthmatiques sévères. Or cette prolifération participe au remodelage bronchique et elle est corrélée à la sévérité de la maladie.

La voie des leucotriènes

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© Food and Drug Administration

En entamant ces travaux, les chercheurs avaient déjà pas mal d’informations : Ils savaient par exemple que l’exposition aux acariens stimule les cellules épithéliales de la paroi des bronches chez les allergiques et les non-allergiques. Ces cellules se mettent à secréter différents facteurs, notamment des facteurs impliqués dans l’inflammation. Ils savaient également que les asthmatiques sévères présentent un remodelage spécifique des cellules musculaires lisses de leurs bronches, qui accroit la contraction et réduit le diamètre de ces conduits respiratoires. 

Leur nouvelle étude fait le lien entre ces deux phénomènes : elle montre que, chez les personnes atteintes d’asthme sévère (c’est-à-dire résistant aux traitements), les cellules musculaires lisses prolifèrent en cas d’activation des cellules épithéliales. Ces dernières libèrent différents facteurs d’inflammation parmi lesquels des leucotriènes qui sont très fortement interceptés par les cellules musculaires lisses car elles surexpriment le récepteur à ces molécules. « Un phénomène tout à fait spécifique des asthmatiques sévères, qu’ils soient allergiques ou non », insiste Patrick Berger*, dernier auteur de ces travaux. 

Les chercheurs ont démontré ce phénomène grâce à différentes expériences, notamment en utilisant des cellules épithéliales et des cellules musculaires lisses prélevées par fibroscopie à des asthmatiques sévères et à individus sains. Ces cellules ont été placées en culture et mises en contact avec des acariens. Cette mise en contact déclenche le processus décrit ci-dessus et conduit à la prolifération des cellules musculaires lisses. « Les acariens ne sont pas la cause de tout : il est clairement démontré que les cellules musculaires lisses des patients asthmatiques sévères sont déjà remodelées en l’absence de ces micro-arachnides. Mais ces travaux montrent que les acariens représentent une contribution supplémentaire au remodelage », clarifie-t-il.

Des solutions envisageables

Or un médicament qui bloque les récepteurs aux leucotriènes existe déjà sur le marché : le montelukast. Il est recommandé en cas d’asthme léger à modéré, pour améliorer le contrôle de la maladie. Rien n’indiquait jusque-là qu’il pourrait empêcher le remodelage des cellules musculaires lisses chez patients atteints de forme sévère. « Des travaux conduits chez la souris le suggèrent, mais cela n’a pas encore été étudié chez l’homme. Pourtant, ce médicament pourrait permettre de bloquer le surplus de remodelage lié aux leucotriènes », admet le chercheur. « En attendant, cette étude montre que les mesures pratiques recommandées aux allergiques, comme l’éviction des moquettes, des doubles rideaux, l’utilisation de housses anti-acariens, sont également utiles chez les asthmatiques sévères non allergiques. Cette population de patients qui représente près de 10% des asthmatiques payent le plus lourd tribut à la maladie en terme d’hospitalisations et de décès, environ 1 000 par an en France ».

Note

*unité 1045 Inserm/Université de Bordeaux, Centre de recherche Cardio-thoracique de Bordeaux 

Source

T. Trian et coll. House dust mites induce proliferation of severe asthmatic smooth muscle cells via an epithelium-dependent pathway. Am J Respir Crit Care Med, édition en ligne du 8 janvier 2015