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Conduire un projet utilisant des animaux à des fins scientifiques

Tout projet scientifique qui implique l’utilisation d’animaux dans des procédures expérimentales doit obtenir une autorisation préalablement à sa mise en œuvre. Cette autorisation est délivrée par le ministre chargé de la Recherche après évaluation par le comité d’éthique en expérimentation animale (CEEA) dont relève l’établissement dans lequel le projet se déroulera. L’autorisation peut être accordée pour une durée maximale de 5 ans.

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L’utilisation d’animaux à des fins scientifiques est encadrée réglementairement par une directive européenne (directive 2010/63) transposée en droit français en février 2013 (décret 2013-118 et ses cinq arrêtés d’application). 

Un projet utilisant des animaux à des fins scientifiques, au sens de la réglementation, se définit comme un programme de travail qui répond à un objectif scientifique défini, justifie de recourir à un ou plusieurs modèles animaux, et implique une ou plusieurs procédures expérimentales. 

Qu’est qu’une procédure expérimentale ?

Toute utilisation d’animaux à des fins scientifiques ou éducatives constitue une procédure si elle est susceptible de causer une douleur, une souffrance, une angoisse ou des dommages équivalents (ou supérieurs) à l’introduction d’une aiguille selon les bonnes pratiques vétérinaires. Une procédure peut comprendre plusieurs actes techniques (par exemple, une injection d’un anesthésique suivie d’un acte d’imagerie). Toute procédure doit être mise en œuvre dans le cadre d’un projet autorisé, réalisée par des personnels compétents dans un établissement utilisateur agréé par la Préfecture. 

Une procédure n’est pas forcément invasive : l’isolement prolongé d’animaux sociaux, sans autre manipulation associé, est considéré comme une procédure car il est générateur de stress pour les animaux ainsi séparés de leurs congénères. 

La création d’une lignée d’animaux génétiquement altérés est considérée comme une procédure à partir du moment où elle atteint le seuil défini de la procédure (introduction d’une aiguille). Toute lignée génétiquement altérée créée doit faire l’objet d’une évaluation afin de déterminer si le phénotype des animaux générés est dommageable, auquel cas le simple élevage de ces animaux constituera une procédure et sera soumis à autorisation. 

L’euthanasie d’un animal par une personne compétente, selon une méthode appropriée pour l’espèce considérée (cf annexe IV Méthodes de mise à mort des animaux utilisés à des fins scientifiques de l’arrêté 1er février 2013 fixant les conditions d’agrément, d’aménagement et de fonctionnement des établissements utilisateurs, éleveurs ou fournisseurs d’animaux utilisés à des fins scientifiques et leurs contrôles), à la seule fin de prélèvements (tissus, organes…) et en l’absence de toute autre intervention, ne constitue pas une procédure et par conséquent ne fait pas l’objet d’une demande d’autorisation de projet. 

La demande d’autorisation de projet (DAP)

La demande d’autorisation de projet (cf arrêté du 1er février 2013 relatif à l’évaluation éthique et à l’autorisation des projets impliquant l’utilisation d’animaux dans des procédures expérimentales) doit être rédigée par le ou les concepteurs du projet de manière compréhensible. Elle est préalable à la mise en œuvre du projet et doit clairement exposer comment la règle des 3 R (remplacement, réduction, raffinement) sera mise en application dans le projet. 

Des outils et recommandations sont disponibles pour accompagner la conception de projets solides éthiquement et scientifiquement : 

Des outils statistiques sont proposés par certains sites afin d’aider à la mise en œuvre du « R » de la réduction : 

La rédaction de la DAP

La demande d’autorisation de projet (DAP) comprend quatre parties : 

Informations générales

Ces informations comportent le titre et la durée du projet. 

Résumé non technique (RNT)

Le RNT est la seule information relative au projet accessible publiquement. Il constitue une opportunité de communication et de transparence du monde scientifique vers la société. Le RNT doit donc être compréhensible par l’ensemble des citoyens. Il est publié sur le site du ministère chargé de la Recherche après la notification d’autorisation du projet au concepteur. 

Il doit contenir les objectifs du projet, les dommages et bénéfices attendus, les espèces animales concernées, le nombre d’animaux nécessaires et enfin démontrer sa conformité au principe des 3 R. 

D’un point de vue méthodologique il est recommandé de rédiger le RNT après avoir finaliser la rédaction complète du projet. Des guides d’aide à cette rédaction sont disponibles : 

Informations administratives et réglementaires

Cette partie fournit des informations sur : 

  • l’établissement utilisateur où seront réalisées les procédures : agrément et nom des responsables (de l’établissement, du bien-être animal, du projet). Si le projet doit se dérouler dans plusieurs Etablissements Utilisateurs (EU)
  • la formation des personnels impliqués dans le projet.
  • le projet : sa finalité, avec une description qui présente clairement les objectifs scientifiques, les modèles animaux et les attendus, les méthodes de mise à mort employées, la stratégie d’expérimentation qui permet de réduire le nombre d’animaux utilisés (méthodologie/ calcul de puissance, tests statistiques) et les mesures prises pour limiter au maximum les contraintes imposées aux animaux. En cas de difficultés à évaluer de façon prospective le niveau des contraintes infligées aux animaux ou la taille des groupes nécessaires, il est recommandé de rédiger une demande de projet pour une étude pilote.
  • les animaux : la justification de leur nécessité, la justification de leur nombre, les critères de choix de l’espèce, leur origine, leur statut génétique, leur stade de développement, leur sexe, les points limites retenus

Procédures expérimentales

Cette partie expose l’objectif de chaque procédure et décrit les gestes techniques qu’elles incluent et les mesures prévues pour réduire le stress, l’inconfort ou la douleur potentiellement induits : modalités détaillées d’anesthésie et d’analgésie, type d’enrichissement proposé, modalités de suivi des animaux (grille d’évaluation) et points limites. Le concepteur de projet doit proposer pour chaque procédure une estimation de son degré de contrainte : léger, modéré, sévère, procédure sans réveil. 

Qu’est-ce qu’un point limite ?

Un point limite peut être défini comme « l’indicateur le plus précoce d’une éventuelle douleur et/ou détresse chez un animal de laboratoire. L’apparition de cet indicateur entraîne la mise en application de mesures immédiates, visant à éviter ou réduire cette souffrance, tout en tenant compte des exigences éthiques et des objectifs scientifiques de l’étude. Ces mesures peuvent être l’euthanasie ou la soustraction de l’animal à la douleur (arrêt de l’étude, traitement de la douleur) » (Hendriksen et Morton, 1999). 

Des points limites doivent être proposés pour chaque procédure expérimentale. Cette démarche impose de définir des critères de suivi, une fréquence d’observation des animaux et de prévoir les mesures à mettre en œuvre (administration d’analgésie, soins, euthanasie, sortie de l’étude…) lorsqu’un point limite est atteint. Les points limites proposés doivent être les plus précoces possibles afin d’anticiper toute souffrance inutile de l’animal.

La loi impose une observation quotidienne des animaux mais cette fréquence doit être adaptée au contexte expérimental (ex : surveillance rapprochée en post-opératoire) et l’observation associée à une évaluation de l’animal sur des critères objectivables prédéfinis (grilles de scoring) 

La Structure en charge du bien-être des animaux (SBEA) de chaque établissement peut conseiller les concepteurs de projets sur la mise en application de la règle des 3R et plus particulièrement, en amont de la soumission de la DAP, sur le choix de points limites et l’évaluation du degré de contrainte prévisible des procédures. Différents documents sont également disponibles sur le site de la commission européenne, celui du Conseil canadien de protection des animaux, et sur le site Humane endpoints.

Evaluation du projet par le Comité d’éthique en expérimentation animale (CEEA)

Le responsable de l’établissement utilisateur (ou son délégataire) transmet la demande d’autorisation de projet au ministère chargé de la Recherche et au comité d’éthique en expérimentation animal dont dépend l’établissement, via la plateforme dématérialisée APAFiS.

Le CEEA procède à l’évaluation éthique du projet (voir Ethique en recherche animale) dans un délai maximum de 7 semaines puis dépose son avis sur la plateforme APAfiS. Ce délai permet au comité de dialoguer avec le concepteur et de faire évoluerle projet, si nécessaire, afin d’aboutir à une version satisfaisante d’un point de vue éthique. L’autorisation est le plus souvent accordée pour une version différente de la version initiale déposée, ce qui permet à la plupart des projets soumis d’être in fine autorisés par le ministère. Cependant un projet déposé, même après évolution, peut ne pas satisfaire aux attendus éthiques. Un avis défavorable sera alors émis et argumenté par le CEEA. 

Notification de l’autorisation de projet

En cas d’avis favorable émis par le CEEA, le ministère procède à une relecture pour vérifier la conformité réglementaire du projet puis rédige une autorisation de projet qu’il adresse au délégataire. A réception de cette notification, le projet peut alors être mis en œuvre dans un établissement utilisateur agréé.

Entre le dépôt de la DAP et la notification de l’autorisation, 8 semaines se seront écoulées au maximum selon le délai prévu par la réglementation. 

La mise en œuvre du projet au sein de l’établissement utilisateur

Le projet doit être mis en œuvre tel que décrit dans l’autorisation de projet. Le responsable du projet doit veiller au respect de la fréquence des observations et des points limites énoncés dans la DAP. Une traçabilité du suivi des animaux doit être assurée et pourra être vérifiée par les agents de l’autorité de contrôle (Direction départementale de la protection des populations, DDPP). 

Suivi de la gravité réelle des procédures

La Structure chargée du bien-être des animaux (SBEA) de l’établissement suit l’évolution et les résultats du projet en tenant compte de l’effet induit sur les animaux. Ce suivi doit permettre d’évaluer le degré de gravité réelle des procédures et le cas échéant de proposer des mesures qui permettent leur raffinement (par exemple avec la mise en place de points limites plus adaptés ou plus précoces en cours de projet). 

Chaque année, le concepteur doit communiquer au responsable de l’établissement le nombre d’animaux réellement utilisés et la classe de gravité réelle des procédures achevées dans lesquelles ils ont été inclus. Ces chiffres sont transmis au ministère chargé de la Recherche qui les publie sur son site.

Peut-on modifier un projet en cours de mise en œuvre ?

Au cours du déroulement du projet, le concepteur peut souhaiter modifier son projet. En fonction de l’impact sur les 3R de la modification envisagée, le concepteur pourra être amené à rédiger une nouvelle DAP.

Appréciation rétrospective

Une évaluation rétrospective du projet est obligatoire pour tout projet qui : 

  • implique des primates non humains,

et/ou

  • comporte des procédures dont le degré de gravité prospective a été estimé comme sévère par le CEEA lors de son évaluation, quelle que soit l’espèce animale utilisée. Le comité d’éthique peut également demander, dans son avis, une évaluation rétrospective du projet même si celui-ci ne comprend pas de procédures sévères.

L’évaluation rétrospective d’un projet a pour objectifs : 

  • d’estimer si les objectifs scientifiques du projet ont été atteints,
  • de déterminer si les dommages et les avantages réels sont conformes aux prévisions,
  • de déterminer et communiquer les éléments qui ont pu renforcer l’application des 3R.

Contrôles : visites et sanctions

En dehors des visites d’agrément, les inspecteurs vétérinaires de la DDPP inspectent régulièrement de façon inopinée ou programmée les établissements qui utilisent des animaux à des fins scientifiques. L’objectif de ces visites est de s’assurer du bon fonctionnement de l’établissement, de contrôler les compétences des personnels mais aussi de vérifier la conformité des projets mis en œuvre (autorisations en cours de validité, respect des points limites, protocoles d’analgésie…). La fréquence des visites est déterminée par des paramètres relatifs aux espèces hébergées, aux effectifs en animaux, au type de procédures mises en œuvre et aux antécédents de conformité de l’établissement.

Un rapport d’inspection est rédigé à la suite de chaque visite. Il est adressé au responsable de l’établissement utilisateur qui doit l’archiver pendant 5 ans. Des mesures correctives peuvent être demandées. 

Des contraventions de 3e et 4e classe peuvent être appliquées au responsable de l’établissement et au responsable du projet pour non respect de la réglementation en vigueur. Dans les cas les plus graves, assimilés à des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, les auteurs sont passibles de peines qui peuvent aller jusqu’à deux ans de prison et 30 000€ d’amendes.