Schizophrénie

Intervenir au plus tôt pour limiter la sévérité des troubles

La schizophrénie est une maladie psychiatrique caractérisée par un ensemble de symptômes très variables : les plus impressionnants sont les délires et les hallucinations, mais les plus invalidants sont le retrait social et les difficultés cognitives. Aujourd’hui, une prise en charge adaptée, combinant traitement pharmacologique et psychosocial, permet d’obtenir une rémission durable chez un tiers des patients. Les chercheurs tentent de mieux comprendre la pathologie et ses facteurs de risque. Ils cherchent aussi à identifier des marqueurs de sa survenue et de son évolution. Leur objectif : être en mesure d’intervenir le plus tôt possible et de prévenir la sévérité de la maladie.

Dossier réalisé en collaboration avec Marie-Odile Krebs, directrice de recherche à l’Inserm (unité 1266, Institut de Psychiatrie et neuroscience de Paris) et chef de service au Groupe hospitalier universitaire psychiatrie et neurosciences de Paris, à l’hôpital Sainte-Anne. 

Comprendre la schizophrénie

La schizophrénie est une pathologie psychiatrique chronique complexe qui se traduit schématiquement par une perception perturbée de la réalité, des manifestations productives, comme des idées délirantes ou des hallucinations, et des manifestations passives, comme un isolement social et relationnel. En pratique, elle peut être très différente d’un patient à l’autre, selon la nature et la sévérité des différents symptômes qu’il présente. 

Trois types de symptômes peuvent se manifester de façon chronique ou de façon épisodique (période de psychose) : 

  • Ceux dits productifs (ou positifs) sont les plus impressionnants : ils rassemblent les délires et les hallucinations et peuvent se traduire en un sentiment de persécution (paranoïa), une mégalomanie, des idées délirantes invraisemblables et excentriques, ou encore des hallucinations sensorielles, souvent auditives (le sujet entend des voix) mais aussi visuelles, olfactives, tactiles ou gustatives.
  • Les symptômes négatifs (ou déficitaires) correspondent à un appauvrissement affectif et émotionnel. Le patient se met en retrait et s’isole progressivement de son cercle familial, amical et social. Il communique moins, présente une volonté limitée et manifeste une émotivité réduite. Il présente moins d’intérêt et de volonté et davantage d’apathie, ce qui peut ressembler à une dépression.
  • Enfin, les symptômes dissociatifs correspondent à une désorganisation de la pensée, des paroles, des émotions et des comportements corporels. La cohérence et la logique du discours et des pensées sont perturbées. Le patient est moins attentif, présente des difficultés à se concentrer, mémoriser, comprendre ou se faire comprendre. Il peut avoir des difficultés à planifier des tâches simples comme faire son travail ou des courses, ce qui peut être source d’un handicap majeur dans la vie quotidienne.

La schizophrénie débute à la suite d’un épisode psychotique inaugural qui n’est malheureusement pas toujours identifié ou pris en charge. Elle suit ensuite une évolution fluctuante, avec des symptômes chroniques auxquels se surajoutent parfois des phases de psychose aiguës. Elle peut ensuite se stabiliser avec des symptômes résiduels d’intensité variable selon les personnes. Le pronostic varie en fonction des caractéristiques de la maladie et de la précocité de la prise en charge. 


Une dangerosité surtout contre soi-même

En dépit de l’emphase donnée à certains faits divers, les patients schizophréniques dangereux pour la société sont une minorité. Seuls de rares cas donnent lieu à des accès de violence au cours d’une crise, et cette agressivité est le plus souvent tournée vers le patient lui-même. Environ la moitié des patients souffrant de schizophrénie font au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Entre 10 et 20% en meurent, surtout dans les premières années. 


L’adolescence, période critique de vulnérabilité

La schizophrénie toucherait environ 0,7 à 1% de la population mondiale, et environ 600 000 personnes en France. Elle concerne aussi bien les femmes que les hommes, ces derniers semblant touchés par des formes plus précoces et invalidantes. Elle semble plus fréquente chez les personnes vivant en milieu urbain et celles ayant un parcours d’immigration.

La maladie se révèle généralement au cours de l’adolescence, entre 15 et 25 ans, mais elle débute le plus souvent plus tôt, sous une forme atténuée.

Pour comprendre ces caractéristiques épidémiologiques particulières, il faut se tourner vers les mécanismes biologiques impliqués dans la maladie : en effet, le cerveau est une structure dynamique caractérisée par sa plasticité, c’est-à-dire sa capacité à se structurer et restructurer au cours du temps, selon les évènements et expériences vécus. Le stress lié à certaines situations, les atteintes infectieuses ou l’exposition à des substances, altéreraient la qualité de cette plasticité et pourrait favoriser certaines pathologies comme la schizophrénie. 

Dès l’âge de 10–12 ans et jusqu’à 30 ans, le passage de l’enfance à l’âge adulte se traduit en effet par une phase particulièrement intense de maturation du cerveau, au cours de laquelle les neurones et différentes régions cérébrales se réorganisent. L’adolescence constitue donc une période critique pour le bon fonctionnement cérébral futur. Perturber les processus cérébraux qui la caractérisent peut avoir des conséquences délétères ultérieures. 

Ceci explique pourquoi la majorité des maladies psychiatriques se développent avant l’âge de 25 ans. Heureusement, pour les mêmes raisons, cette période constitue une phase au cours de laquelle une intervention thérapeutique adaptée peut être particulièrement efficace. 

Une pathologie d’origine génétique et environnementale 

La schizophrénie est une maladie dont l’origine est plurifactorielle. Son développement résulterait d’une interaction entre gènes et environnement, suggérant qu’il existe une vulnérabilité génétique précipitée par des facteurs environnementaux.

La part de la génétique

Il existe a priori deux types de prédisposition génétique à la maladie : d’une part, certaines variations génétiques ont été identifiées comme étant associées à un léger surrisque de développer la maladie en cas d’exposition à des facteurs de risque environnementaux. Cependant, leur impact modeste rend leur identification difficile. D’autre part, quelques mutations ponctuelles rares ont été décrites comme ayant un impact majeur sur le risque de développer une schizophrénie. Elles toucheraient préférentiellement des gènes jouant un rôle dans la plasticité neuronale, en partie communs avec ceux impliqués dans d’autres troubles du neurodéveloppement. 

Pris globalement, le rôle de la génétique reste donc modéré : la fréquence de la maladie reste 10 fois plus faible que la fréquence à laquelle ces facteurs de vulnérabilité génétique sont retrouvés au sein de la population générale. Chez des jumeaux qui possèdent le même patrimoine génétique, lorsque l’un est atteint de schizophrénie, le risque que le second développe la maladie n’est que d’environ 40%. 

Une composante environnementale, avec un rôle établi du stress et du cannabis

Différents facteurs environnementaux pourraient favoriser le développement de la maladie, notamment au cours de la période critique que constitue l’adolescence et le début de la vie adulte. 

Des travaux suggèrent aussi que certains éléments influençant le développement cérébral (comme des problèmes au cours du développement fœtal en raison d’incompatibilité rhésus ou de complications liées à une grippe contractée pendant la grossesse) augmentent le risque ultérieur de schizophrénie, mais l’effet reste assez faible. Les troubles précoces du développement ont ainsi été identifiés comme facteurs favorisant l’apparition d’un trouble schizophrénique. 

Deux autres paramètres constituent, eux, des facteurs de risque bien établis précipitant l’apparition de troubles psychotiques :

le premier correspond au stress, qui est décrit comme pouvant altérer différents mécanismes biologiques (neurogenèse, activité des facteurs de croissance et survie des neurones…) au niveau de plusieurs structures cérébrales (hippocampe, cortex préfrontal, amygdale…). Il expliquerait ainsi l’incidence plus élevée de la maladie en milieu urbain ou parmi les sujets ayant eu un parcours de migration, notamment au cours de l’enfance et de l’adolescence. Ces associations ont été notamment bien décrites par les études issues du projet européen EU-GEI (pour European network of national schizophrenia networks studying gene-environment interactions), dont le but était d’étudier les déterminants génétiques et environnementaux de la schizophrénie et les facteurs déterminant l’émergence des troubles chez des sujets à très haut risque, présentant des symptômes atténués. 

- le second correspond à la consommation de substances psychogènes et particulièrement le cannabis : le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) perturberait la maturation cérébrale en agissant sur les récepteurs qu’il active, nombreux au niveau des zones du cerveau impliquées dans les pathologies psychiatriques, et particulièrement dans les régions où la plasticité est importante à l’adolescence. Ainsi, la consommation de cannabis doublerait le risque de schizophrénie, mais avec une grande hétérogénéité en fonction des individus. Cet effet dépendrait de la dose, de la teneur du produit en THC, de la durée d’utilisation et de l’âge d’exposition. Des travaux conduits à l’Inserm ont d’ailleurs montré que les consommateurs les plus sensibles aux effets psychotiques du cannabis présentent des variants génétiques particuliers. 

Enfin, d’autres aspects liés à l’hygiène de vie joueraient aussi un rôle significatif : qualité du sommeil, nutrition, apports en facteurs neurotrophiques (favorisant la croissance et la survie des neurones) comme les folates. 

Des premiers symptômes psychotiques au diagnostic

La schizophrénie est une pathologie souvent difficile à diagnostiquer. Il n’est donc pas rare que le diagnostic soit posé alors que la maladie progresse depuis plusieurs années. 

La difficulté à poser le diagnostic s’explique par la diversité de ses symptômes, pouvant être parfois confondus avec ceux de la dépression, d’un trouble anxieux sévère ou des troubles bipolaires, notamment quand les symptômes déficitaires sont au premier plan. 

Une difficulté dans l’identification des premiers symptômes psychotiques

Dans trois quart des cas, la schizophrénie n’est pas une maladie d’apparition brutale. Elle débute par des symptômes atténués, souvent peu spécifiques, associés à des difficultés cognitives. Ces symptômes annonciateurs, ou « prodromiques », correspondent à un état mental à risque d’évolution vers un trouble psychotique. Les symptômes sont alors non seulement moins intenses, mais en outre moins fréquents ou moins durables. A ce stade, l’évolution vers la schizophrénie n’est pas inéluctable puisque, statistiquement, seul un tiers des personnes concernées évolueront vers un premier épisode psychotique, parmi lesquels un peu plus de la moitié évoluera ultérieurement vers une schizophrénie chronique. 

Dans l’objectif d’un repérage précoce, toute la difficulté consiste à ne pas banaliser une modification de comportement chez un adolescent, sans s’alerter trop vite : il faut solliciter une évaluation médicale face à certains signes, comme un changement de comportement et d’intérêt, un retrait, l’arrêt des activités habituelles, des idées étranges comme le sentiment de télépathie, des idées de persécution ou encore des préoccupations mystiques ou philosophiques marquées, des perceptions altérées… Le jeune peut aussi avoir l’impression de ne plus réussir à réfléchir de la même façon, ou le sentiment d’avoir une pensée modifiée. 

Même s’ils ne constituent pas un élément d’alerte pris séparément, l’isolement social et la baisse des résultats scolaires accompagnent souvent les premiers symptômes. Ainsi, l’orientation rapide des jeunes en rupture scolaire ou sociale vers des consultations spécialisées est pertinente : elle permet une évaluation précise et multidisciplinaire de la situation. Le cas échéant, elle permet aussi de tenter d’enrayer la dérive, et de prévenir le risque d’une évolution possible vers un trouble psychotique avéré, voire une schizophrénie. 

Une intervention pendant la période prodromique pourrait limiter le risque de transition vers la psychose ou le risque de psychose sévère. Il est aujourd’hui démontré qu’une prise en charge adaptée et précoce limite l’entrée dans la phase chronique de la maladie et améliore les chances de rémission, permettant au jeune de reprendre ses études, son travail, sa vie. Dans tous les cas, l’évaluation et la prise en charge précoce des vulnérabilités permettent d’accroître les chances d’amélioration – même si le diagnostic n’est pas certain – en identifiant des leviers pour agir sur des facteurs précipitants et favoriser les facteurs protecteurs. 

Il faut comprendre qu’un premier épisode psychotique n’est pas toujours une entrée dans la schizophrénie : certains jeunes évolueront vers un autre trouble (trouble bipolaire, trouble de l’usage de substances) ou pour certains, se rétabliront sans troubles chroniques. 

Prise en charge médicamenteuse et psychosociale 

La prise en charge d’un premier épisode psychotique est globale, multidisciplinaire, articulée autour des volets médicaux, sociaux, psychologiques… adaptés à la multiplicité et à la diversité des symptômes, au profil de chaque patient, aux besoins d’accompagnement spécifiques à cette phase de la maladie, à la tranche d’âge, au terrain cognitif, médical et développemental, à la présence d’un abus de substance et à l’environnement. Une hospitalisation est souvent nécessaire lors d’un premier épisode, lorsqu’il est envahissant, mais une prise en charge plus précoce pourrait éviter cela. 

Un traitement médicamenteux et une réhabilitation psychosociale doivent être associés à une prise en charge active des addictions associées, qui constituent des facteurs de risque de mauvaise observance, de complications, de rechutes et d’hospitalisation. Ainsi, il est indispensable d’accompagner vers le sevrage les patients consommant le cannabis. 

Les médicaments antipsychotiques

Sur le plan médicamenteux, le traitement de première intention repose sur un antipsychotique de 2e génération (ou antipsychotique « atypique » : rispéridone, aripiprazole, quetiapine, olanzapine). Il est généralement instauré progressivement, jusqu’à l’atteinte d’une dose efficace. Le traitement doit être chronique : maintenu au moins 2 ans après un premier épisode, et plus de 5 ans à partir du second. L’utilisation de solution injectable à action prolongée facilite la prise du traitement et le maintien de doses efficaces. Il peut être ajusté en fonction de la tolérance et l’efficacité observées (via la modification de la molécule ou des associations). L’hospitalisation du patient peut être nécessaire pour faciliter l’instauration du premier traitement. D’autres psychotropes comme des antidépresseurs ou des anxiolytiques peuvent être associés selon les symptômes du patient. 

In fine, les antipsychotiques ont révolutionné la vie des patients. Ils atténuent ses symptômes, principalement les symptômes « positifs » et réduisent les rechutes et permettent pour certains patients une « guérison fonctionnelle » associée à une bonne qualité de vie. 

Malheureusement, jusqu’à un quart des patients présentent une résistance aux antipsychotiques. Certaines molécules peuvent être prescrites en seconde intention, comme la clozapine. 

L’indispensable approche psychosociale

Les difficultés cognitives, sociales ou la perte d’autonomie dans la vie quotidienne ont un impact important sur le processus de rétablissement (difficulté à reprendre une activité professionnelle, difficulté à vivre seul…) : une réhabilitation psychosociale permet d’aider la personne à progresser pour atteindre ses objectifs en matière de projet de vie. Elle se fonde sur les capacités du patient et vise à les utiliser pour améliorer son quotidien. Elle comporte notamment : 

  • Une réhabilitation (ou remédiation) cognitive, qui traite notamment les symptômes de désorganisation. Il s’agit d’une technique non médicamenteuse qui consiste à identifier les différentes composantes cognitives altérées par la maladie (troubles attentionnels, mémorisation, exécution…) et à trouver des solutions pour guérir ou contourner ces troubles, à travers des jeux de rôles, des exercices ou encore une éducation à sa propre maladie. Elle se pratique le plus souvent sous forme d’entretiens individuels entre le patient et un professionnel de santé formé à cette thérapie (psychologue, infirmier…), au rythme de deux à trois séances par semaine pendant environ 3 à 6 mois.
  • Certaines modalités de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peuvent permettre au patient de gérer ses symptômes négatifs mais aussi positifs, et l’aider à éviter l’enfermement sur lui-même et la désocialisation progressive. Ces thérapies peuvent aborder des dimensions émotionnelles (angoisse, estime de soi, gestion du stress), sociales (hygiène de vie, motivation à entreprendre et aller vers les autres), ou encore médicales (réduction de sa consommation de substances psychogènes, éducation sur sa maladie).
  • Des séances de cognition sociale (sur la maladie, ses symptômes, son traitement…), d’ergothérapie et/ou d’accompagnement sur le plan social et professionnel…peuvent aussi être envisagés selon les besoins.
  • La psychoéducation du patient, ou éducation thérapeutique du patient (ETP), est un élément essentiel de la prise en charge, permettant à l’intéressé de mieux comprendre la maladie, ses symptômes, son traitement, sa santé en général, et l’aider à « faire avec ».
  • Le soutien et l’éducation de l’entourage est également essentiel pour assurer un bon engagement du patient et de sa famille. Le programme BREF est une étape initiale dans le parcours des aidants dont le but est de renseigner les aidants sur les dispositifs existants. Le programme Profamille est précieux pour aider les parents à développer leurs connaissances et leur compréhension de la maladie et leur donner les outils pour faire face et diminuer leur fardeau.

Tous ces programmes doivent être adaptés à la situation vécue et des programmes spécifiques sont nécessaires pour les patients souffrant d’un premier épisode 


Un pronostic qui dépend de l’engagement du patient dans sa prise en charge

La précocité de la prise en charge, la qualité du soutien psychosocial, de l’accès aux soins et de l’adhésion du patient à sa prise en charge vont constituer des éléments de bon pronostic. Sur le plan individuel, les femmes ont plus de chances d’avoir une évolution favorable que les hommes, ainsi que celles et ceux qui sont proactifs dans la gestion de leur maladie. 

À l’inverse, les personnes isolées socialement et celles qui ont présenté une progression rapide des symptômes négatifs, ou un délai diagnostique prolongé, ont un moins bon pronostic. 

Mais le principal facteur pronostic est l’observance du traitement et l’engagement dans la prise en charge. D’où l’importance de la psychoéducation, pour améliorer l’adhésion du patient à son traitement. Près de la moitié des patients interrompent leur traitement dans la première année, parce qu’ils ne reconnaissent pas leurs troubles (déni), parce qu’ils se sentent mieux, ou en raison d’effets indésirables (en particulier la prise de poids), induisant un risque élevé de rechute. 

Au final, environ un tiers des patients sont en rémission durable après quelques années de traitement : ils reprennent une vie sociale, professionnelle et affective. Chez les autres, la maladie persiste dans le temps avec des symptômes à peu près contrôlés grâce à un suivi médical, mais avec des rechutes possibles. Restent malheureusement 20 à 30% de sujets très peu répondeurs aux traitements. 


Des approches complémentaires, notamment en cas de résistance aux traitements

La stimulation magnétique transcrânienne est parfois efficace chez des patients résistants aux traitements, ou en adjonction aux antipsychotiques. Cette thérapie consiste à appliquer un champ magnétique sur une zone du cerveau pendant quelques secondes. Quelques séances menées sur une courte période semblent plus particulièrement efficaces pour réduire la sévérité d’hallucinations.

Enfin, dans les formes de la maladie sévères ou résistantes, l’électroconvulsivothérapie (électrochocs) peut être indiquée. C’est notamment le cas chez certains patients souffrant de formes catatoniques (associées à des perturbations psychomotrices particulières), désorganisées ou associées à des troubles de l’humeur.


Vers un réseau d’intervention précoce

Afin d’améliorer l’identification des patients dès la phase d’état mental à risque, des innovations facilitant l’accès à une évaluation et une prise en charge précoce sont en cours de développement : des outils de détection, notamment des questionnaires spécialisés permettant de faciliter l’identification, voire l’auto-évaluation de la maladie par le jeune lui-même, sont en cours de développement. 

Par ailleurs, un réseau de structures de soins d’intervention précoce spécialisées dans l’évaluation et des modalités structurées d’intervention se développent. Spécifiquement dédié aux adolescents et jeunes adultes, ce réseau offrira un environnement non stigmatisant et permettra d’évaluer le jeune et, le cas échéant, de lui proposer une prise en charge pharmacologique et non pharmacologique. Ces centres doivent aussi permettre de faciliter l’accès aux soins en travaillant avec les structures de soins primaires (généralistes, médecine scolaire, de prévention universitaire, médecine du travail). La composante française du réseau (développées au niveau international) est nommée Transition. Outre des outils d’évaluation communs, ces centres partageront un ensemble de ressources thérapeutiques, comme le case management (gestion de cas) ou des programmes de psychoéducation incluant une approche de thérapie cognitive et comportementale dérivés d’un programme canadien. Le programme « I Care/You Care » propose quant à lui de travailler en deux groupes distincts, en parallèle, le premier pour les patients et le second pour leurs parents. Il leur permet de comprendre les troubles et d’aborder certains domaines favorisant le rétablissement, comme la gestion du stress et des émotions, les symptômes cliniques et l’amélioration de la communication au sein de la famille. 


Les enjeux de la recherche

Décrire les anomalies cérébrales associées

La schizophrénie est associée à des anomalies cérébrales touchant : 

  • la substance grise, au niveau des neurones et/ou de la neuropile, cette dernière correspondant aux prolongements permettant les contacts entre neurones, et cellules gliales
  • la substance blanche, avec un déficit en oligodendrocytes, et/ou des anomalies de la myéline, la gaine lipidique des fibres nerveuses

A ce jour, même si ces anomalies ne sont pas suffisamment spécifiques à l’échelle individuelle pour établir un diagnostic, des examens d’imagerie doit être réalisés car ils peuvent révéler des altérations cérébrales associées au diagnostic d’une autre maladie (marques d’atteintes infectieuses ou inflammatoires, anomalies de développement par exemple). 

Les données issues des techniques d’examens les plus puissantes laissent penser que le profil d’anomalies observées pourrait aider à caractériser le diagnostic et possiblement le pronostic de la maladie (réponse thérapeutique, évolution vers une psychose chez des personnes ayant des symptômes atténués). 

Mieux comprendre l’action des facteurs de risque

Les chercheurs tentent en outre de mieux comprendre l’influence des facteurs génétiques et environnementaux dans le déclenchement et l’évolution de la maladie. L’espoir est de pouvoir mettre en place des mesures de prévention, mais aussi de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques qui permettront de traiter la cause de la maladie, et non plus seulement ses symptômes. 

La première analyse épigénétique, issue de l’étude ICAAR, montre l’importance des voies de l’inflammation, de la neuroplasticité et des réactions d’oxydation dans l’émergence d’un premier épisode psychotique chez des jeunes présentant un état mental à risque. D’autres études ont également évoqué le rôle de certaines infections précoces par des rétrovirus, celui de la toxoplasmose ou encore de la neuroinflammation ou de l’auto-immunité (notamment dans les formes rares liées à certaines encéphalites).

Les chercheurs s’intéressent par ailleurs aux problèmes de développement cérébral qui pourraient être associés à certaines schizophrénies. Des travaux ont ainsi montré que certains autistes développent parfois une forme de schizophrénie atypique. Des anomalies de ce développement précoce sont par exemple au cœur des travaux de Karine Loulier (unité Inserm 1051 Inserm, Montpellier), visant à mieux en comprendre la survenue au sein de différentes populations de neurones par marquage neuronal. En pratique, certaines personnes présentant des troubles du neurodéveloppement ont un risque d’évoluer vers certaines formes de schizophrénie. Il existerait un continuum entre les deux, dont les mécanismes restent à comprendre. Ces formes nécessitent dans tous les cas une prise en charge thérapeutique et psychosociale spécifique. 

A la recherche de marqueurs prédisant l’évolution et différenciant les formes de schizophrénie

Une prise en charge précoce évite une dégradation de l’état de santé du patient et un isolement trop marqué. C’est pourquoi les cliniciens cherchent à identifier des marqueurs de survenue et d’évolution de la maladie au stade précoce, dès la phase « prodromique » qui précède l’arrivée des symptômes de plusieurs années. L’étude européenne EU-GEI et son versant français (l’étude ICAAR) étudie une population de personnes présentant un état mental à risque, c’est à dire avec des signes atténués pouvant être annonciateurs de schizophrénie (voir plus haut). Le projet de recherche européen PRONIA propose quant à lui un outil de pronostic actuellement développé sur la base d’algorithmes d’apprentissage informatique (e‑learning), fondé sur des données cliniques et d’imagerie. L’idée est d’établir le moyen d’identifier les personnes à haut risque ayant une probabilité d’environ 1/3 de faire une transition psychotique dans les deux ans. 

L’identification précoce des patients reste difficile et les critères cliniques dont disposent les médecins sont peu spécifiques et insuffisants. Des marqueurs génétiques ou moléculaires complémentaires seraient nécessaires. Mais à ce jour, aucun n’a été identifié. Et la grande hétérogénéité des symptômes que présentent les patients complique cette quête : il est difficile d’établir des profils homogènes, permettant l’étude d’un éventuel arrière-plan génétique commun. En outre, cette hétérogénéité suggère qu’il existe non pas une forme de schizophrénie mais plusieurs, avec leurs caractéristiques cliniques et biologiques propres. Ces différentes formes nécessitent peut-être des prises en charge médicales particulières et personnalisées. Elles doivent d’abord être classifiées pour qu’on puisse les identifier clairement. Des études de cohortes sont nécessaires pour progresser dans cette voie, incluant en particulier des personnes âgées de 15 à 25 ans, période de vulnérabilité à certains facteurs de risque environnementaux, période critique pour l’apparition de la maladie et période déterminante pour le pronostic à moyen terme. 

En France, le programme de recherche translationnelle PsyCARE vise à améliorer l’ensemble des volets détection, prise en charge et accompagnement : il regroupe des structures expertes de recherche et de prise en charge. Outre l’amélioration des connaissances sur les biomarqueurs et les processus sous-jacents à la maladie il comporte un volet d’innovation technologique visant à construire un outil d’aide à la décision thérapeutique, la mise à disposition d’outils mobiles facilitant la détection et l’intervention précoce, ainsi qu’un axe visant à favoriser l’accès et le maintien des patients dans les soins. 

Pour aller plus loin

Associations de patients